Le charivari et la gabegie qui ont entouré l’élection présidentielle continuent de susciter des réactions et des incompréhensions au sujet du comptage des voix effectué par l’ANIE et grandement contesté par les trois candidats…
Trois jours après l’annonce des résultats provisoires qui a donné Abdelmadjid Tebboune largement vainqueur avec un taux frôlant les 95%, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) n’a pas encore rendu les résultats finaux qui clôturent cette élection présidentielle et leurs envois à la Cour constitutionnelle pour la proclamation officielle des résultats. Cette fois-ci, la légitimité de l’ANIE a été mise à mal par un comportement néfaste qui frise l’amateurisme, voire même l’incompétence. Si, en 2019, les résultats finaux ont été proclamés le lendemain du scrutin, cette fois-ci le retard mis est incompréhensible voire inexplicable, d’autant plus que le système informatique destiné au comptage des voix est le même que celui de 2019. Qu’est-ce qui a donc conduit à ce bug électoral ? Lors de sa prise de parole le jour même du scrutin,le président de l’ANIE a justifié ce retardpar le mauvais temps qui a empêché le décollage des avions dans certaines wilayas où la pluie est tombée abondamment. Cette justification surréaliste n’a trompé personne et encore moins les spécialistes de la question qui avancent une autre thèse, celle de la nonchalance dans le traitement des données. La faute incombe seulement et uniquement à certains membres de l’ANIE tant au niveau des wilayas et national, tous en fin de mandat, faut-il le préciser, comme d’ailleurs leur président qui ont failli à leur mission, et ce, à tous les niveaux de la hiérarchie. Pourtant, les missions de cette instance sont immenses. Elle gère, selon la loi, toutes les étapes du processus électoral à partir de la préparation des élections jusqu’à la proclamation des résultats préliminaires, prérogatives autrefois dévolues au ministère de l’intérieur. «L’ANIE jouit de tous les pouvoirs pour travailler loin de toute instigation»,déclarait Charfi à qui voulaitt l’entendre. Mais en juin 2023, le président de l’ANIE estimait que celle-ci «nécessite un toilettage de l’intérieur dans le but de sa préservation des forces occultes», précisant que «les menaces sont réelles et (…) que l’ANIE est minée de l’intérieur». De qui parlait Charfi ? Connaît-il les brebis galeuses de cette instance et dans ce cas, il faudrait les nommer sur le champ afin de préserver l’honneur et l’intégrité des autres membres honnêtes et intègres salis dans la foulée. Incontestablement, l’ANIE a porté un coup terrible à la crédibilité du scrutin à telle enseigne que le vainqueur de cette élection présidentielle a cru bond’apporter son soutien aux deux autres candidats qui ont accusé publiquement cette instance. Nombreux sont ceux qui ont qualifié les agissements de Charfi et de l’instance qu’il préside de «supercherie» et de «graves dérives». La conférence de presse s’est tenue à huis clos, en présence uniquement des caméramen des télévisions et de la radio publique, ainsi que de l’APS. De qui et de quoi Charfi avait-il peur ? Devant animer une conférence de presse pour proclamer les résultats provisoires, le président de l’ANIE s’est partiellement dérobé à ses obligations en refusant l’accès aux journalistes dûment accrédités. Très en colère, le président réélu, Abdelmadjid Tebboune, qui n’avait pas besoin de cet impair, étant donné qu’il a été donné largement vainqueur, s’est lui aussi associé à cette bronca générale pour exprimer son désaveu de ces pratiques et pour critiquer l’autorité électorale pour avoir annoncé des résultats qui contredisent les chiffres de participation au niveau des wilayas et national. Le candidat du FFS a directement chargé Charfi : «L’ANIE porte l’entière responsabilité de ces dérives dangereuses qui mettent à mal le scrutin», a critiqué Aouchiche, en annonçant un recours contre les chiffres préliminaires devant la Cour constitutionnelle. Idem pour le candidat du MSP. Hassani a dénoncé une fraude avec de faux chiffres sur la participation dès l’après-midi de samedi, demandant à ce que cesse la mascarade. Dans une démarche inédite et lors d’un communiqué commun, les directeurs de campagne des trois candidats à la fonction suprême en Algérie ont dénoncé«des ambiguïtés, des imprécisions, des contradictions, et des incohérences qui ont été relevées dans les chiffres lors des résultats provisoires». Les trois candidats ont mentionné aussi «une erreur dans l’annonce des pourcentages pour chaque candidat». Ils ont indiqué que les procès-verbaux à leur disposition ne correspondent pas aux chiffres proclamés, à savoir 94% pour le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, 3,1% des voix pour le président du MSP, Abdelaali Hassani, puis 2,16% pour Youcef Aouchiche du FFS.
Said Farhi