L’initiative de l’Algérie d’instituer une loi criminalisant la colonisation marque un tournant décisif dans la quête de vérité et de reconnaissance historique de cette longue et abominable nuit coloniale. Il ne s’agit pas simplement d’un acte
législatif, destiné à soulager une demande interne. Il va bien au-delà, puisqu’il s’agit d’un geste fort visant à graver dans le marbre l’injustice subie par le peuple algérien durant plus d’un siècle d’occupation française. Cette loi, loin d’être une simple revendication matérielle, est avant tout un appel à la mémoire, une exigence de reconnaissance des crimes coloniaux, et, par
extension, une ouverture vers une forme de repentance officielle. Loin de toute instrumentalisation politique ou idéologique, cette loi répond à un impératif moral et historique. La colonisation n’a pas seulement été une période d’administration étrangère, mais un système profondément violent, foncièrement inhumain, marqué par l’expropriation, la répression, les massacres et la négation de l’identité. L’instauration de cette loi s’inscrit donc dans une volonté de donner un cadre juridique à cette mémoire collective, de
briser le silence institutionnel qui entoure encore certains pans de cette histoire et d’établir une vérité irréfutable. C’est une réponse positive à l demande, non pas des seuls citoyennes et citoyens descendants des victimes, mais de tout citoyen épris de justice de par le monde. C’est une réponse qui rappelle les atrocités du colonialisme qu’ont subi les Algériens. Loin d’être un simple texte symbolique, cette loi pourrait également ouvrir la voie à des démarches plus concrètes pour les victimes et leurs descendants, notamment
celles et ceux qui portent encore les stigmates de cette période où la barbarie cachait mal « la mission » civilisatrice du colonisateur. En érigeant la colonisation en crime, l’Algérie crée un précédent juridique qui pourrait permettre aux victimes de demander réparation, non dans un esprit de revanche, mais dans une démarche de justice et de réhabilitation. La reconnaissance d’un crime est souvent le premier pas vers l’apaisement et la réconciliation, et cette loi pourrait bien être un levier essentiel dans cette direction. Les victimes des essais nucléaires au sud du pays auront, enfin, un cadre légal, à travers lequel ils pourront, même au sein des instances
internationales, faire valoir leur droit de victimes. Il faut rappeler, dans ce sens, que de 1960 à 1966, la France a réalisé dix-sept essais nucléaires dans le Sahara, d’abord à Reggane, puis dans des souterrains à In Ecker, dans le massif du Hoggar. Des documents déclassifiés en 2013 ont révélé des retombées radioactives encore importantes, s’étendant de l’Afrique de l’Ouest au sud de l’Europe. Cette initiative d’ériger une loi s’inscrit dans un contexte international, comme il est souligné dans la Convention de Genève, où les
crimes coloniaux commencent à être reconsidérés sous un prisme juridique et éthique. Plusieurs nations ont entamé des processus de reconnaissance des injustices passées, parfois accompagnés d’excuses officielles. L’Algérie, à travers cette loi, place la question coloniale au cœur du débat international et interpelle les anciennes puissances coloniales sur leurs responsabilités
historiques. Finalement, cette loi n’a pas pour vocation d’attiser les tensions, mais plutôt de poser les bases d’un dialogue plus sincère et apaisé entre l’Algérie et la France, entre cette dernière et ses ex-colonies en Afrique, notamment. Car toute réconciliation véritable passe d’abord par la reconnaissance des torts subis. L’histoire ne peut être effacée, mais elle peut être assumée. A rappeler qu’en 2005, le Parlement français avait voté une loi qui en avait scandalisé plus d’un. Il s’agissait d’une loi portant sur « les bienfaits de la colonisation », surtout en Afrique du Nord. Les peuples d’Afrique ont vécu une terrible violence du fait colonial, français notamment, avec des morts, des expropriations, des privations de liberté et surtout une négation profonde de la
dignité humaine par la domination politique, économique et culturelle. Les chiffres de cette période sont éloquents d’horreur. Ils sont plusieurs millions de victimes à avoir écrit de leur sang cette sombre page de l’histoire de l’humanité.
L. Hichem