
L’ancien président français nie toute responsabilité dans le drame libyen
C’est devenu une tradition en France. Jamais les officiels français, en poste ou en disgrâce, n’ont tenté de régler les soucis que pose la société française sans désigner l’Algérie comme le souci majeur bloquant l’essor de l’ancienne force colonisatrice. Cette fois-ci, c’est l’ancien président Nicholas Sarkozy qui a apporté son grain de sel à la machine anti-algérienne qui s’active au sein du pouvoir français. Dans un entretien au Figaro, paru mercredi 16 août, Sarkozy a estimé la remise en question « des accords de 1968 qui facilitent la circulation des ressortissants algériens en France ». l’argumentaire de M. Sarkozy n’est autre que le fait que « les autorités algériennes » bloqueraient « le retour de nombre de leurs ressortissants » et « dans le même temps laissent partir ceux qui le veulent ». « Cela n’est plus possible », a-t-il encore dit, callant ainsi sa position sur celle de l’extrême droite, dont il n’a jamais été loin. « N’essayons pas de bâtir une amitié artificielle avec des dirigeants algériens qui utilisent systématiquement la France comme bouc émissaire pour masquer leurs propres défaillances et leur déficit de légitimité », a-t-il encore déblatéré, oubliant que le contraire l’est d’autant plus confirmé que lui-même, dont l’espoir de reprendre du service, utilise la même litanie. « Ils la refuseront toujours. Ils ont trop besoin de détourner l’attention de l’échec dans lequel ils ont plongé leur pays en accusant régulièrement la France de tous les maux », a encore dit Nicolas Sarkozy, balayant d’un revers de main les 132 ans de colonisation, de massacre, de pillage, de crimes identitaires, sociaux, psychologique que la France a commis en Algérie. Il oublie surtout qu’un accord est signé entre deux parties et qu’il ne peut être amendé d’une manière unilatérale. « Ce tropisme nous éloigne du Maroc », a-t-il plaidé, estimant que la France risque de tout perdre. « Nous ne gagnerons pas la confiance de l’Algérie », a-t-il tranché, indiquant qu’au même temps « nous perdons celle du Maroc ». A sujet de l’intervention française en Libye avec le drame qu’elle a suscité et suscite encore, Sarkozy a justifié que « nous avions un mandat des Nations unies, le soutien de la ligue arabe, l’appui de l’Otan. Kadhafi était un dictateur féroce. Au début de mon mandat, tout le monde espérait une évolution de sa part. Tous les grands dirigeants occidentaux – Jacques Chirac, Tony Blair , Condoleezza Rice … – s’étaient rendus à Tripoli pour accompagner ce retour de la Libye dans le concert des nations. J’ai fait aussi ce pari ». « Face au soulèvement de son peuple en 2011, qui demandait plus de démocratie et plus de liberté, il est redevenu le fou qu’au fond il n’avait jamais cessé d’être. Il promettait des massacres de masse, des rivières de sang selon ses propres mots. Il y avait eu des milliers de morts. C’est la raison pour laquelle la France et le Royaume-Uni, à la demande de la Ligue arabe et avec un mandat des Nations unies, ont construit une coalition internationale de près de 20 pays qui est intervenue pour empêcher ce drame » a-t-il justifié cyniquement une néo-colonisation de Libye. A propos de l’assassinat de Kadafi, qu’il aurait ordonné, il a estimé que « certains ont osé dire que j’aurais donné cet ordre. Cette polémique indigne s’est effacée devant les faits. Ce qui se passait en Libye était une action collective coordonnée, conduite par l’Otan. Bien plus tard, le clan Kadhafi s’est vengé en prétendant avoir financé ma campagne. Aucune trace du moindre financement n’a pu être trouvée après onze années d’enquête?! Je ne regrette pas cette intervention en Libye. Ce n’est pas la France qui a déclenché le printemps libyen. Ce pays sombrait dans le chaos. Si nous n’étions pas intervenus, il y aurait eu des milliers de morts ».
A propos du conflit ukranien, Nicholas Sarkozy a choisi d’arrondir plutôt les angles contre Poutine. «Nous avons besoin des Russes et ils ont besoin de nous», a-t-il dit. « J’ai eu de profonds désaccords avec Vladimir Poutine, j’ai pris mes responsabilités en 2008, quand j’étais président du Conseil des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne », a-t-il rappelé, estimant que « je l’avais convaincu de retirer ses chars qui étaient à 25 kilomètres de Tbilissi. Il avait commencé à envahir la Géorgie. Mais dans le même temps, avec Angela Merkel , nous lui avions montré que nous étions conscients de ses lignes rouges. C’est pourquoi nous avions refusé l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan et ce malgré la forte pression américaine », a-t-il révélé. « Nous ne voulions pas laisser Poutine dériver vers une paranoïa anti-occidentale qui est depuis longtemps la tentation des dirigeants russes. Le complexe d’encerclement du Kremlin est une vieille histoire. Poutine a eu tort. Ce qu’il a fait est grave et se traduit par un échec. Mais une fois que l’on a dit cela, il faut avancer et trouver une voie de sortie. La Russie est voisine de l’Europe et le restera », a-t-il essayé de baisser la tension. Toutefois, il s’en est pris violemment à Emmanuel Macron qu’il accuse de s’être fait mener par le bout du nez… « On me dit que Vladimir Poutine n’est plus celui que j’ai connu. Je n’en suis pas convaincu. J’ai eu des dizaines de conversations avec lui. Il n’est pas irrationnel. Il faut donc prendre le risque de sortir de cette impasse, car sur ce sujet les intérêts européens ne sont pas alignés sur les intérêts américains », plaide-t-il encore.
Fuite en avant
« On ne peut pas s’en tenir à l’idée étrange de faire la guerre sans la faire. Nous serons obligés de clarifier notre stratégie, surtout si cette guerre devait durer. La diplomatie, la discussion, l’échange restent les seuls moyens de trouver une solution acceptable. Sans compromis, rien ne sera possible, et nous courrons le risque que les choses dégénèrent à tout moment. Cette poudrière pourrait avoir des conséquences redoutables », a-t-il encore analyse pour battre en brèche les arguments macroniens sur la position française vis-à-vis du conflit ukrainien.
R.N.