Rencontré à bord du navire de recherche «Green Belkacem», lors de la journée du lancement de la compagne d’évaluation des ressources halieutiques demersales qui a eu lieu dernièrement au port d’Alger, le chercheur Rouidi Samir, du Centre national de recherche et de développement de la pêche et de l’aquaculture (CNRDPA), sise à Bou Ismaïl, dans la wilaya de Tipasa, nous a fait savoir qu’il fait partie de l’équipe de chercheurs scientifiques chargée de cette opération d’évaluation des stocks des ressources halieutiques à forte valeur commerciale. S’exprimant avec fierté, il souligne que depuis l’acquisition du navire de recherche, tout le monde à bord est algérien, que ce soit les marins ou les scientifiques,puisque désormais l’Algérie ne fait plus appel aux étrangers, permettant ainsi à une équipe de jeuneschercheurs du CNRDPA, au nombre de 13, outre l’équipage marin, de sillonner le littoral national du 13 août jusqu’au 13 septembre prochain.
Entretien réalisé par Naima Allouche
«e-Bourse» : Pourquoi une campagne d’évaluation des ressources demersales ?
Samir Rouidi : Aujourd’hui, nous sommes là pour le coup d’envoi officiel de la campagne d’évaluation des ressources demersales par le ministre de la Pêche et des Productions halieutiques. On entend par ressources demersales tous les poissons moulus et crustacés qui vivent près du fond, à savoir les crevettes, les rougets, les poulpes, etc. c’est-à-dire les principales espèces à forte valeur commerciale. Cette campagne va durer en moyenne une trentaine de jours, nous allons sillonner tout le littoral national, à partir d’El Kala à l’extrême-est jusqu’à l’extrême-ouest à Ghazaouet, avec une halte à Alger. Pour l’équipage participant à cette opération, nous comptons 14 membres d’équipage marin et 13 membres scientifiques répartis entre chercheurs, ingénieurs et techniciens spécialisés en pêche. Pour mener à bien cette campagne, quelque 80 traits de pêche seront réalisés, englobant toutes les strates de profondeurs comprises entre 20 et 800 m sur toute la côte algérienne. Plus de 40 espèces cibles seront mesurées, avec une attention particulière pour les espèces à forte valeur commerciale, tels que le merlu, les rougets et les crevettes, où différents paramètres biologiques seront relevés par individu, à savoir la taille, le poids, le sexe, le stade de maturité et otolithe.
Est-ce que c’est la première campagne de ce genre ?
Cette campagne fait suite à plusieurs autres réalisées déjà depuis 2012, avec une série historique par laquelle nous pouvons comparer les indices d’abondance et de biomasse des principales espèces à forte valeur commerciale et voir si ces indices sont en équilibre, en hausse ou en diminution. Par la suite, nous allons établir des rapports dans lesquels nous allons décrire la situation des stocks demersaux et de la biodiversité marine. Aussi, cette campagne nous permettra d’actualiser les inventaires sur la biodiversité marine algérienne, de collecter les données hydrologiques tels que la température et la salinité de surface et de profondeur ainsi que la chlorophylle et les macrodéchets seront également estimés qualitativement et quantitativement.
Quel est l’objectif d’une telle opération d’évaluation ?
Les objectifs assignés à cette campagne visent à estimer les indices d’abondance et de biomasse ainsi que les structures démographiques des différents stocks démersaux exploités par les professionnels de la pêche chalutière, dans le but de les comparer aux résultats de la série historique de nos campagnes précédentes depuis 2012, et ainsi voir l’état et la tendance de l’évolution interannuelle de nos principaux stocks démersaux exploités.Il s’agit donc d’une estimation des indices d’abondance et de biomasse des ressources demersales afin de les comparer sur une série historique de 10 ans et voir la tendance de ces indices, soit en équilibre, en augmentation ou en baisse, et enfin proposer des solutions d’aménagement de ces pêcheries de façon à ce que l’exploitation des ressources soit durable et permette la préservation de nos ressources et la régénération de nos stocks halieutiques. Nous avons fait beaucoup de campagnes grâce au navire de recherche«Green Belkacem». Auparavant, il y avait des étrangers qui venaient par opération faire l’évaluation des stocks, mais depuis l’acquisition de ce navire en 2011, il n’y a que des Algériens qui font l’évaluation de la ressource halieutique depuis 2012.
Est-ce que notre écosystème permet une exploration efficace pour comparer les indices ?
Nous allons pêcher à quelques mètres au fond des stations que nous allons explorer chaque année et à la même saison. C’est le but de la comparaison, suite à un protocole scientifique «Medits», pratiqué par l’ensemble des pays méditerranéens. Le protocole de travail suivi est celui de Medits (Mediterranean International Bottom Trawl Survey), adopté par l’ensemble des pays méditerranéens, qui se résume en une stratégie d’échantillonnage aléatoire accumulé. Un protocole standardisé faisant intervenir la localisation des stations d’échantillonnage, la saison, l’engin de capture (chalut de fond), la durée de pêche, les observations biologiques et différents formats de fichiers informatiques pour différents types de données collectées. Donc, nous allons sélectionner des stations par hasard, et nous allons les suivre chaque année. Il faut savoir que la présence de la ressource diffère d’un secteur à un autre. Par exemple, le secteur Est se distingue par rapport à l’Ouest ou au Centre en matière des espèces existantes. Il y a des zones où nous constatons de nombreuses ressources et dans d’autres zones elles n’existent pas. Il faut savoir aussi que notre plateau continental (l’aire de concentration de poissons), là où vit le poisson en quantité, est compris entre 0 à 200 m de profondeur. Malheureusement, notre plateau n’est pas assez large et ne donne pas plus de manœuvre en raison de sa nature par rapport à d’autres plateaux de la Méditerranée. Ce qui veut dire que notre écosystème est restreint par sa nature et ne permet pas d’exploiter au-delà de ce qu’il existe actuellement comme ressources que celles existantes, notamment pour les poissons demersaux.
N.A.