Réunion africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme

Le CAERT dresse un constat sécuritaire alarmant

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Abuja, la capitale du Nigeria, a accueilli, les 22 et 23 avril, une réunion africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme qui a été convoquée par le gouvernement nigérian, avec l’appui du Bureau de lutte contre le terrorisme de l’ONU. Plusieurs Etats africains ont pris part à cette rencontre, notamment l’Algérie qui était représentée par une délégation conduite par le Secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Larbi Merzoug. Si l’ensemble des Etats et des organisations continentales et internationales ont fait part de leurs craintes face à la montée en puissance de ce phénomène, le Directeur du Centre africain d’études et de recherches sur le terrorisme (CAERT)a, pour sa part, présenté des éléments statistiques qui confirment une nette détérioration de la situation sécuritaire sur le continent. «La nature et l’ampleur du terrorisme en Afrique ont atteint des niveaux sans précédent. Notre continent est malheureusement devenu l’épicentre mondial du terrorisme, avec des attaques qui ont plus que triplé au cours de la seule année dernière, avec une présence terroriste dans toutes les régions d’Afrique sans exception, consolidant leurs positions et se développant à un rythme très alarmant, avec des conséquences sur la stabilité, la paix, l’unité nationale et l’intégrité territoriale de beaucoup de nos Etats membres, affectant les moyens de subsistance des citoyens et déstabilisant le tissu social de nos sociétés», a indiqué l’Algérien Idriss Mounir Lallali qui dirige le CAERT. Selon lui, le terrorisme en Afrique continue d’être dominé par «des groupes terroristes locaux» qui ont fait allégeance à Daesh ou AlQaîda et qui ont évolué «vers un mélange complexe d’actes de violence motivés par l’idéologie, de criminalité transnationale organisée et d’insurrection». 

L’année de tous les dangers

Ainsi, en 2023, l’Afrique comptait cinq des dix pays les plus touchés par le terrorisme dans le monde, «à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Somalie, le Nigeria et le Niger». Le CAERT, qui dispose de mécanismes et de moyens qui lui permettent de suivre au quotidien la fréquence et la nature des actes terroristes à travers le continent, confirment que l’année 2023 a dépassé tous les records en termes d’actes et de victimes. «Le continent a connu en moyenne 8 incidents terroristes par jour, qui ont fait chacun 44 morts. Par rapport à 2022, les attaques ont plus que doublé et les décès ont augmenté de 64%.Au total, plus de 3000 attaques terroristes ayant fait plus de 15 500 morts ont été enregistrées en 2023.  Les perspectives continentales en matière d’alerte précoce et de sécurité pour le reste de l’année 2024 semblent fragiles et chaotiques, et l’année pourrait être la pire année de terrorisme et d’extrémisme violent de la dernière décennie. Si la tendance actuelle n’est pas inversée, plus de 3500 attaques terroristes sont prévues d’ici la fin de 2024, ce qui pourrait entraîner plus de 18 500 décès, dépassant de loin le nombre d’attaques et de décès enregistrés en 2023. Une augmentation de 16% du nombre d’attaques et de près de 20% du nombre de victimes. Rien qu’au cours des trois premiers mois de 2024, l’Afrique a enregistré près de 1000 attaques et plus de 3200 décès liés au terrorisme», a souligné Idriss Mounir Lallali. Selon le directeur du CAERT, «si la situation actuelle devait perdurer, il est fort probable que l’Afrique devienne le siège de groupes terroristes mondiaux, tels qu’AlQaîda et l’Etat islamique».Il a également expliqué aux participants à cette réunion d’Abuja que des données démontrent une tendance de ces groupes à s’installer dans les centres urbains. Dans son intervention, il a également attiré l’attention des chefs d’Etat africains sur le danger que représentent «l’implication de forces militaires étrangères et le recours croissant à des groupes d’autodéfense et à des sociétés militaires privées». Loin d’être une solution fiable dans la lutte contre le terrorisme, leur action sur le terrain «a souvent tendance à privilégier les gains militaires à court terme au détriment de solutions de paix durables, avec un impact négatif sur les droits de l’homme».

«Joindre l’acte à la parole»

Au-delà de ce constat alarmant, M. Lallali a plaidé pour une révision de la stratégie africaine en matière de lutte antiterroriste afin de faire face efficacement à cette menace. «La situation actuelle exige un rééquilibrage urgent de notre approche afin de répondre de manière adéquate aux menaces sous toutes leurs formes et manifestations, ainsi qu’à leurs causes profondes. Cette approche doit être suffisamment souple et réactive pour nous permettre de nous adapter à l’évolution de la menace». Il a appelé à «soutenir les initiatives et les institutions spécialisées dirigées et détenues par des Africains qui ont prouvé leur efficacité et accumulé des compétences, des connaissances et une expertise considérable au cours des deux dernières décennies». Dans la vision du CAERT, les pays africains doivent «joindre l’acte à la parole» afin de mener «une action collective et coordonnée face à une menace transnationale qui ne connaît pas de frontières et qui ne peut être associée à aucune communauté, région ou religion».Rappelons que le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme, dont le siège est à Alger, est une institution de la Commission de l’Union africaine et du Conseil de paix et de sécurité. L’une de ses missions consiste à collecter toutes les données en matière de terrorisme à travers un réseau de points focaux installés dans l’ensemble des pays membres de l’Union africaine. Le CAERT joue un rôle important dans le renforcement des capacités des Etats africains pour la prévention et la lutte contre le terrorisme et participe à l’orientation de la politique de l’Union africaine en la matière.

T.Hafid