La visite d’Etat de la présidente de la République de l’Inde, Droupadi Murmu, a suggéré à l’Algérie d’autres alternatives politiques et stratégiques, qu’il faudrait penser. Car, dans un passé récent, plusieurs événements ont intéressé l’Algérie au plus haut point, et qui, tous, sans exception, ont versé dans le chapitre, sinon des hostilités, du moins de la surenchère politico-diplomatique.
Que ce soit la visite de Serguei Lavrov, ou celle de Pedro Sanchez, au Maroc, le spectaculaire et dangereux revirement de Paris, après celui de Madrid, sur la question du Sahara occidental, la nomination en France du gouvernement Barnier, avec sa tête de pont Retailleau, le mouvement d’hostilité de la manœuvre militaire des troupes terrestres du maréchal Khalifa Haftar, de Benghazi vers Ghadamès, avec la bienveillance de ses mentors, la stratégie de la surenchère observée au Mali, avec un pic dangereux lors du raid sur Tin-Zaouatine, la visite du président français au Maroc dans quelques jours, etc., les actes d’hostilité n’ont pas manqué. Intervenus dans un contexte international de guerre et de formation ou d’érosion de blocs, chacun de ces événements a son code de décryptage précis.
La présence inquiétante des unités de renseignement électroniques israéliennes aux portes ouest du pays était à elle seule un motif suffisante pour être attentif au moindre mouvement suspect. Car rien n’est anodin, tout est lié à cette strate de l’analyse géopolitique : les frémissements de la surface renseignent sur l’action opérée dans les profondeurs.
Le chaos programmé dans la triple région maghrébo-saharo-sahélienne, et dont l’Algérie constitue la cible non déclarée, est un premier point de fixation fondamental. Et le plus décisif. Car toutes les manœuvres opérées au Sahel ces dernières années ont convergé vers l’isolement de l’Algérie de son continuum spatio-temporel. Il n’est qu’à observer les changements de paradigmes politiques et sécuritaires opérés depuis une année pour s’en convaincre.
Dans un contexte de guerre en Europe, avec l’opération russe en Ukraine, et au Moyen-Orient, avec le génocide sioniste à Gaza, soutenu ouvertement par les Etats- Unis, de même que les menées souterraines opérées au Sahel par des entités de sous-traitance, il est devenu clair que la puissance de feu sera pour les années à venir l’arme de dissuasion appropriée, car quoi de plus adéquat que la force militaire pour repousser l’ennemi et imposer le respect ?
Aujourd’hui, c’est là, dans cet espace naturel, dans ce prolongement géographique de l’Algérie qu’il faut s’organiser, se déployer, insister et s’insérer en ès qualités, car l’Algérie a les outils de sa politique saharo-sahélienne et africaine, avec le gazoduc Nigeria-Niger-Algérie-Europe, avec la Route Transsaharienne dont bénéficieront plusieurs pays africains, avec le CEMOC, organisme opérationnel qu’il faut sans cesse relancer pour contrecarrer les marionnettistes du terrorisme sahélien, avec l’Agence pour la coopération internationale, détentrice d’une banqueà un milliard de dollars pour financer des projets de développement dans les pays africains et assurer la solidaritéalgéro-africaine, après avoir pris acte que la sécurité et la stabilité en Afrique sont liées au développement.
Avec une armée professionnelle et hyper-équipée, des ressources immenses et un statut à respecter et à faire respecter, l’Algérie doit impérativement repenser ses alliances, retrouver sa position régionale dominante et avoir son mot à dire dans la triple régionmaghrébo-saharo-sahélienne.
Plus que l’Europe, c’est l’Afrique qui a été, qui est et qui sera notre espace vital, notre prolongement géographique et notre avenir.
Le monde change à grande vitesse ; les guerres en Ukraine et à Gaza sont elles-mêmes annonciatrices de changements de paradigmes. On est déjà en train de dépasser le monde unipolaire dominé par les Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Repenser les alliances est devenu un impératif et se poser la question : où regarder, vers qui se tourner ? De toute évidence, il serait judicieux et utile de repenser les alliances de l’Algérie, et de se convaincre, une bonne fois pour toutes, que notre continuum spatio-temporel s’appelle Maghreb, Sahel et Sahara, trois régions auxquelles nous sommes attachés par les liens irréversibles de la géographie, nos espaces naturels d’où l’on tente de nous faire évacuer.
Nos voisins du nord, en Europe, sont des partenaires économiques, des alliances commerciales, comme il en a existé depuis les temps bibliques, mais jamais ils n’ont constitué des alliés sur le long terme. Il faut avoir sous les yeux quatre mille ans d’histoire pour savoir en tirer les leçons et s’imposer une discipline diplomatique basée sur des données justes et pérennes.
De plus, l’attache euro-méditerranéenne est une attache avec une Europe en pleine déchéance ; de même que les Etats-Unis, dans cette guerre sans concession à la Russie, préfèrent mille fois la destruction de l’Europe que de la laisser s’amarrer au géant russe.
Les deux guerres, en Ukraine et à Gaza, induisent un changement de paradigmes et préfigurent un basculement du théâtre des opérations vers le Sahara-Sahel.
Ces mutations géostratégiques ont-elles remodelé le système politique de nos alliés, ont-elles de même changé leur angle de vue ? Leurs intérêts géopolitiques sont-ils désormais compatibles ou non aux nôtres ?
C’est en se référant à ce type de questions que l’on pourrait appréhender, dans toute leur rigueur, la nécessité de repenser nos alliances tactiques, stratégiques et géopolitiques, chacune de ces trois alliances s’inscrivant dans une perspective de nouvelle doctrine militaire.F.O.