Reconnaissance de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi par la France

Alaoua Ben M’hidi : « Nous avons attendu 67 ans pour cette reconnaissance, mais nos revendications continuent »

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La France a officiellement reconnu sa responsabilité dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, l’une des figures emblématiques de la révolution algérienne, pendu par des soldats français dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, durant la bataille d’Alger. Cette reconnaissance, annoncée par la présidence française le 1er novembre 2024, marque un tournant dans la reconnaissance progressive des crimes coloniaux français en Algérie.

Dans un communiqué repris par le journal Le Monde, la présidence française a affirmé que “Larbi Ben M’hidi, héros national algérien et l’un des six dirigeants du front de libération nationale (FLN), qui a dirigé le soulèvement du 1er novembre 1954, a été assassiné par des soldats français” sous le commandement du général Paul Aussaresses. Cet aveu survient soixante-dix ans après le début de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), période durant laquelle des milliers d’Algériens ont été emprisonnés, torturés ou exécutés dans le cadre de la répression coloniale française.

Pour la famille du martyr, cet aveu arrive tardivement, après des décennies de luttes pour faire reconnaître les crimes coloniaux. “Nous attendions cette reconnaissance depuis 67 ans, et elle arrive aujourd’hui, mais tardivement. Nous avons encore d’autres revendications, notamment la reconnaissance des autres crimes coloniaux et un dialogue sur les actions à mener,” a déclaré Alaoua Ben M’hidi, membre de la famille du défunt. Il a également souligné que cette reconnaissance progressive des crimes commis en Algérie ne relève pas d’une démarche spontanée mais d’une stratégie calculée des autorités françaises.

En effet, cette reconnaissance s’inscrit dans une série d’aveux graduels. En 2018, la France avait admis sa responsabilité dans la mort de Maurice Audin, militant anticolonialiste, puis en 2021 dans celle de l’avocat Ali Boumendjel. Aujourd’hui, c’est au tour de Larbi Ben M’hidi d’être officiellement reconnu comme victime de l’appareil répressif colonial. Cette approche par étapes suscite des interrogations quant aux intentions réelles de l’état français, selon la famille Ben M’hidi. “Cette reconnaissance progressive a des objectifs cachés que seule l’histoire pourra révéler,” a ajouté Alaoua Ben M’hidi.

Au-delà de l’histoire familiale, la mémoire de Larbi Ben M’hidi incarne le sacrifice de tout un peuple pour l’indépendance. “Le martyr Larbi Ben M’hidi est de notre sang, mais il est avant tout celui de toute l’Algérie,” a affirmé un membre de sa famille, appelant les Algériens à défendre et préserver cette mémoire collective. Ce devoir de mémoire, selon lui, doit être transmis aux générations futures afin qu’elles comprennent que l’indépendance de l’Algérie n’a pas été obtenue facilement, mais au prix de lourds sacrifices. Il déplore également que certains en Algérie n’accordent pas assez d’importance à cette préservation de la mémoire nationale, soulignant que le peuple doit se mobiliser pour maintenir vivante cette histoire.

La famille Ben M’hidi formule également des revendications concrètes à l’égard de la France. Elle exige la libération de l’enregistrement de l’interrogatoire de Larbi Ben M’hidi, mené sous la torture, ainsi que la restitution des archives et des crânes d’Algériens conservés dans les musées français. La famille réclame par ailleurs des compensations pour les victimes des essais nucléaires de Reggane, qui continuent de souffrir de malformations et de graves problèmes de santé dus aux radiations de cette époque.

La question de la mémoire reste un sujet sensible dans les relations franco-algériennes, et la reconnaissance des exactions coloniales semble essentielle pour construire un avenir apaisé entre les deux pays.

En ce jour symbolique de la commémoration du déclenchement de la révolution algérienne, la famille Ben M’hidi appelle à un effort collectif pour préserver cette mémoire. “La mémoire historique aujourd’hui doit être transmise aux générations futures, qui ont le droit de savoir que cette nation et son indépendance n’ont pas été obtenues facilement,” a conclu la famille, rappelant que l’histoire de la lutte algérienne pour l’indépendance a inspiré des peuples en Afrique, en Amérique latine et en Asie dans leurs propres luttes pour la liberté.

Alors que l’Algérie se souvient, ce geste de la France représente un pas vers la reconnaissance des blessures laissées par l’histoire coloniale, un pas nécessaire pour construire un pont entre passé et avenir.

Sonia.H