Le Centre national de recherches en aménagement du territoire (CRAT) a organisé, mardi, une conférence dans le cadre de la célébration du Mois du patrimoine. La conférence, présentée par la professeure Badia Sahraoui Belabed, architecte-urbaniste, ex-doyenne de la Faculté d’architecture et d’urbanisme de l’Université de Constantine, Ie portait sur «La recherche en patrimoine à l’ère du numérique». Dans sa communication, la Pre Sahraoui a présenté les éléments d’une étude sur l’utilisation de la technologie digitale dans le domaine de la recherche sur la ville de Constantine. «La ville et sa région offrent des pistes importantes du fait de leur caractère patrimonial inédit. La Faculté d’architecture s’est intéressée dès les années 1980 aux problématiques de la médina à travers des approches scientifiques diversifiées. Le regard sur Constantine a commencé à changer dès 2003 dans le cadre de la réalisation d’un projet de master plan de la ville. Ce master plan a pour but la valorisation du patrimoine historique dans le cadre d’une coopération bilatérale entre l’Algérie et l’Italie. Il doit définir un processus méthodologique qui serait ensuite appliqué à toutes les villes algériennes», a-t-elle indiqué. Le travail des experts a permis de réaliser un Système d’information géographique (SIG), un procédé qui crée, gère, analyse et cartographie tous les types de données. «Ce SIG devait être partagé avec tous les acteurs qui avaient été mobilisés pour y intégrer des données sociales et urbaines ainsi que des photos. Il a pour avantage d’être évolutif, ce qui permettait de rectifier certaines erreurs. L’objectif était de le mettre à la disposition de l’administration locale et des bureaux d’études qui interviennent sur l’aménagement de la ville. Malheureusement, personne n’a pu en bénéficier et travailler avec. On ne l’a pas vu», a regretté la scientifique. L’événement «Constantine capitale de la culture arabe» a été l’occasion pour des scientifiques de travailler une nouvelle fois sur le patrimoine de la vieille ville. «Un bureau d’études local a fait des relevés dans la ville antique de Tiddis en utilisant un scanner nuage de points», a noté la professeure Sahraoui. Outil technique de premier plan, le scanner nuage de points permet une numérisation 3D d’un espace ou d’un objet réel. Composée de milliards de points, cette acquisition 3D est mesurée par photogrammétrie, puis reportée dans un repère de coordonnées. En augmentant la densité de la capture, on obtient un nuage de points 3D d’une grande précision. La professeure Badia Sahraoui Belabed a expliqué les objectifs de la digitalisation. «La numérisation du patrimoine est devenue primordiale. Si nous avions travaillé par le passé sur la médina et la basse Souika de Constantine et que nous l’avions numérisée, nous aurions pu reconstruire et réhabiliter, grâce à l’archivage, des détails relatifs aux techniques de construction et aux matériaux. La numérisation permet de sauvegarder ces données. Nous devons savoir garder ce patrimoine physique et également sa version numérique. C’est une fois que nous avons une base de données que nous pouvons aller vers la valorisation. Elles peuvent aider à intervenir sur le terrain en cas de besoin et faire connaître également ce patrimoine pour des objectifs de promotion touristique», a-t-elle expliqué. A ce titre, la cathédrale Notre-Dame de Paris est un cas d’école. «C’est grâce à la numérisation de ce site qu’il est possible aujourd’hui de le reconstruire à l’identique en utilisant les mêmes matériaux et en appliquant les mêmes techniques que celles du Moyen-Age», a-t-elle ajouté. Pour sa part, le professeur Benabbas Chaouki, Directeur du Centre national de recherches en aménagement du territoire, a également présenté l’exemple du Moyen-Orient. «J’ai été surpris d’apprendre que le territoire palestinien de Ghaza disposait d’une vingtaine de sites protégés. Certains d’entre eux ont été scannés et pourront être restaurés, mais d’autres sont définitivement perdus. La numérisation est capitale dans le cas du Moyen-Orient. Les conflits qui se sont produits au Yémen, en Irak et en Syrie on détruit un nombre important de sites. Dans le cas de la Syrie, un Français avait pris des photos et scanné certains sites. Pour mener les opérations de restauration, ces données ont aujourd’hui une valeur inestimable», a souligné le professeur Benabbas. De leur côté, Meriem Seghiri et Yasser Nassim Benzagouta, deux chercheurs du Centre national de recherches en aménagement du territoire, ont présenté le processus d’acquisition de données appliqué au patrimoine. «Il y a urgence, car nous avons un patrimoine qui se dégrade. Il s’avère que la numérisation est un outil qui permet de parer à l’urgence afin d’obtenir des archives numériques qui garantissent la pérennité à notre patrimoine historique», a noté Yasser Nassim Benzagouta. Selon Meriem Seghiri, le travail des équipes du CRAT dans le domaine de la protection du patrimoine intervient «en complémentarité des actions des autres équipes». «L’atout majeur de notre équipe, c’est qu’elle est pluridisciplinaire et qu’elle prend en considération les paramètres liés aux risques.
T. Hafid