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Procès en appel de l’assassinat de Djamel Bensmaïl 

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Lourd réquisitoire du procureur

Hier, en début d’après-midi, la juge de la cour d’appel criminelle de Dar El Beïda a clôturé le dossier des auditions pour donner la parole au représentant du ministère public. Le procureur a ainsi demandé les peines maximales contre tous les accusés, soit la peine capitale à l’encontre de ceux accusés de crime et une peine de 10 ans de réclusion assortie d’une amende 500 000 DA pour ceux poursuivis pour délit, notamment pour «attroupement armé et atteinte à l’unité nationale». «Toutes les preuves sont ici présentes pour confirmer le caractère prémédité de ce crime odieux», a-t-il dit, considérant que tous les accusés «ont participé d’une manière ou d’une autre à ce meurtre». Pour rappel, le tribunal criminel de première instance de Dar El Beïda avait prononcé, le 24 novembre 2022, des peines à l’encontre de 94 accusés dans la même affaire. Le tribunal avait condamné 49 accusés à la peine capitale, 28 autres à des peines allant de deux (2) à dix (10) ans de prison ferme et en avait acquitté 17 autres. Le réquisitoire du procureur est intervenu après la diffusion des vidéos et autres photos du crime. Le père de la victime, appelé comme partie civile juste avant le début des plaidoiries d’une autre partie civile – les propriétaire de la voiture de marque Renault Clio campus -, a dit que sa «douleur est atroce». Racontant un peu le périple de son défunt fils avant le jour fatidique du 11 août, M. Noureddine Bensmaïl a expliqué que Djamel voulait partir coûte que coûte à Tizi Ouzou pour, a-t-il témoigné, «aider nos frères qui font face à des incendies ravageurs». La gorge nouée par la douleur, le père a choisi les mots pour décrire sa peine et sa douleur. «Ce qui fait mal, c’est le fait qu’ils l’ont accusé de pyromanie», a-t-il regretté, retenant difficilement son souffle. «La manière dont il a été tué fait aussi mal», a-t-il rappelé, soulignant que son épouse, la maman du défunt Djamel, «n’arrive toujours pas à dépasser le choc qu’elle a subi». M. Bensmaïl a raconté que son épouse se demande toujours «à qui Djamel avait pensé avant sa mort ?». Pour lui, cette question résume à elle seule toute la douleur d’une maman qui a perdu son fils dans des conditions effroyables. Après ce récit glaçant, M. Bensmaïl quitte la salle d’audience, refusant de voir les vidéos de l’assassinat de son fils. En traversant la salle, il jette un coup d’œil aux accusés qui étaient assis sur le côté gauche de la salle. C’est comme pour les interroger sur ce qu’ils ont commis comme crime.

Des scènes choquantes    

C’est après que le père de la victime ait quitté la salle d’audience que la juge a décidé de la diffusion des vidéos du crime. Ainsi, des images insoutenables, voire horribles ont été rediffusées. Elles retracent un peu le parcours du jeune Djamel, depuis son intervention sur une chaîne de télévision jusqu’à sa mise à mort et la mutilation de sa dépouille. Lors de la diffusion des vidéos, la juge a tout de même permis à certains accusés de prendre la parole pour se défendre. Hormis ceux qui ont été filmés, plusieurs d’entre eux ont pris la parole pour dire qu’ils n’étaient pas sur le lieu du crime. La juge a appelé ceux qui sont directement impliqués dans le crime. La salle ne pouvait pas supporter la violence de l’acte perpétré sur la victime. Il faut noter qu’avant-hier soir, la juge a auditionné les supposés militants du MAK. H. Achour, accusé dans cette affaire, a expliqué qu’il travaillait dans la région et que lors de son passage ce jour-là, «j’ai trouvé une voiture renversée» et qu’il s’est arrêté «juste pour voir». La juge l’interrompt et lui dit qu’il avait déclaré tout autre chose auparavant. L’accusé explique que les propos contenus dans l’arrêt de renvoi n’étaient pas les siens, mais «c’est la police qui a tout inventé». «Ils ont même écrit que c’était moi qui incitais la foule à tuer la victime». Concernant sa probable relation avec le mouvement classé terroriste MAK, il a indiqué qu’il n’a jamais eu de lien avec ce mouvement. S. Hassen, originaire de Jijel et sympathisant du mouvement culturel amazigh, comme il s’était défini, a expliqué qu’il s’était rendu dans la région pour «aider». Sur le lieu où a été perpétré le crime, l’accusé a expliqué que lorsqu’il était arrivé avec une personne qui l’accompagnait, «on a vu le véhicule de police et la foule». J’avais pris une photo de la dépouille, mais je ne l’ai jamais publiée», a-t-il raconté. Interrogé sur ses relations avec le mouvement MAK, il a indiqué qu’il ne pouvait pas en être militant puisqu’il est de Jijel. Toutefois, il a insisté sur le fait qu’il s’intéressait à ce que publiait ce mouvement sur les réseaux sociaux. «Une chose que je faisais comme tout le monde», a-t-il justifié, indiquant qu’il est plutôt intéressé par les militants de la culture amazighe. H. Azouaou, un autre accusé poursuivi pour ses relations avec le mouvement classé terroriste, MAK, a expliqué qu’il n’a jamais été membre de ce mouvement. A propos de l’assassinat de Djamel Bensmaïl, il a souligné qu’il avait enregistré une vidéo de 16 secondes lors de son passage devant la voiture renversée. «Je l’ai fait d’une manière volontaire et spontanée», a-t-il dit, réfutant avoir agi sur ordre de qui que ce soit.  «Je n’ai été chargé par personne pour filmer», a-t-il insisté, ajoutant qu’il se trouvait sur les lieux, car «je partais ramener une infirmière pour ma grand-mère qui était atteinte de la Covid», a-t-il dit, précisant qu’il habitait dans les environs et qu’il ne s’est jamais rendu au commissariat.

Début des plaidoiries

A la fin du réquisitoire du procureur, la juge a appelé les avocats pour entamer les plaidoiries. Après celle de la famille de la victime qui a demandé «justice» pour le défunt Djamel Bensmaïl, c’était au tour des accusés. Me Chabane Zaabout a ouvert le bal des plaidoiries, en essayant de battre en brèche les arguments du ministère public. Plusieurs dizaines d’avocats devraient plaider dans cette affaire. Les plaidoiries se poursuivront également aujourd’hui et probablement demain.

L. Hichem