Procès de l’assassinat de Djamel Bensmaïl

Les plaidoiries de la défense se sont poursuivies, hier, au tribunal criminel de Dar El Beida, où se déroule, depuis dimanche, le procès en appel de l’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl, en août 2021 à Larbaa Nath Irathen. La défense s’est concentrée sur l’acte d’accusation qu’elle a tenté de déconstruire tout au long des plaidoiries des dizaines d’avocats qui se sont constitués au profit d’une centaine d’accusés

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La défense tente de déconstruire l’acte d’accusation

Les plaidoiries de la défense se sont poursuivies, hier, au tribunal criminel de Dar El Beida, où se déroule, depuis dimanche, le procès en appel de l’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl, en août 2021 à Larbaa Nath Irathen. La défense s’est concentrée sur l’acte d’accusation qu’elle a tenté de déconstruire tout au long des plaidoiries des dizaines d’avocats qui se sont constitués au profit d’une centaine d’accusés. Si le «volet» politique imprimé à l’affaire de l’assassinat de Bensmaïl n’a pas été abordé par tous les avocats, il n’en demeure pas moins que certains considèrent que la «donne» politique est inévitable dans ce dossier. «Il est important pour la justice de rendre justice à la victime et à chacun des accusés», a insisté l’un des avocats de B. Lyes. Pour cet avocat, la justice «est devant un test», car «elle doit appliquer le droit» et «non attendre la réaction de l’opinion publique». L’avocat a exhibé une pétition signée par plusieurs connaissances de l’accusé qui est condamné à mort. Sa défense a insisté sur le fait qu’il n’était pas sur le lieu du crime. «C’est une erreur qui fera d’autres victimes», a-t-il dit, estimant que «la justice ne doit en aucun cas condamner toute personne prise en photo ce jour-là». «On ne doit pas faire plaisir à la famille de la victime en condamnant à tout-va toutes ces personnes», a-t-il encore insisté, estimant que «ces dizaines de familles qui viennent chaque jour attendre en face du tribunal ont aussi le droit à une justice équitable». «Personne n’a le droit de faire d’autres Bensmaïl en condamnant des jeunes sur le fait qu’ils étaient là-bas le jour du crime», a dit un autre avocat qui défend toujours le même accusé. La défense de Ali. B, originaire de Médéa, dira que ce dernier s’était retrouvé ce jour-là à Larbaâ Nath Irathen avec ses amis «pour aider», a dit on avocat, expliquant que son mandant est condamné à mort pour «le simple fait que ses empreintes ont été récupérées sur le côté arrière du fourgon». «Mais de quel droit va-t-on le condamner alors qu’aucune photo ou vidéo ne le montrait au moment du lynchage de la victime ?» s’est interrogé l’avocat, avouant que la famille de l’accusé «veut interpeller le ministre de la Justice et même le président de la République sur ce qu’elle considère être une grave erreur judiciaire». Face à ces avocats, la juge prenait note. Un autre avocat a tenté de relever ce qu’il a appelé la «légèreté» de l’instruction. «Comment se fait-il que les aveux de dix accusés condamnés à mort ont été consignés dans seulement deux pages dans l’arrêt de renvoi ?» s’est-il interrogé, considérant qu’il est «inconcevable de condamner tout le monde alors que l’acte a été perpétré par quelques-uns».

Un styliste-modéliste condamné à mort

Smaïl A. R, jeune styliste, s’est retrouvé ce jour-là devant le commissariat de sa ville. «Il était là-bas avec un ami à lui sur demande de la police», a révélé son avocat, précisant que le policier en question lui avait fait appel «car il est connu et surtout respecté dans la région». «Il est connu dans les grandes villes du pays comme un styliste-modéliste. Il était invité des dizaines de fois par la télévision nationale pour ses créations et sa modernisation de la robe kabyle», a indiqué la défense de Smaïl A. R. et ses avocats pensent qu’il est victime «de sa gentillesse». «Il aurait pu refuser de venir calmer les gens afin d’éviter le pire», a poursuivi son avocat, interpellant l’assistance sur le fait que les condamnations ne sont justifiées par aucune preuve matérielle. «C’est un jeune qui n’a rien à voir avec l’activisme politique», a dit un autre avocat. «C’est une victime qui a perdu son père le jour de sa condamnation à mort. Son défunt père ne pouvait pas supporter cette injustice», a rappelé l’avocat, qui considère que rendre justice pour chaque partie dans cette affaire est nécessaire pour à la fois les dizaines de familles, mais aussi pour tout le pays. Les plaidoiries se poursuivront aujourd’hui. Selon des informations, ce sont les accusés poursuivis pour leur militance au sein du mouvement classé terroriste, MAK, qui vont être défendus par un collectif d’avocats.

L. Hichem