Pedro Sánchez décide de rester au pouvoir

Un coup de «bluff » qui confirme unvéritable malaise

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Après cinq jours de suspens, le Président du gouvernement espagnol a annoncé, hier, sa volonté de rester au pouvoir «malgré la campagne de discrédit » dont il se dit être la cible. Pedro Sánchezfaisait référence à l’ouverture d’une enquête judiciaire contre son épouse, Begoña Gómez. «J’ai décidé de continuer à la tête du gouvernement », a-t-il dit lors d’uneallocution solennelle de neuf minutes prononcée sur le perron du palais de la Moncloa, siège officiel de la présidence du gouvernement espagnol.« J’ai décidé de continuer avec encore plus de force, si possible, à la tête du gouvernement espagnol. Pendant trop longtemps, nous avons laissé ces saletés corrompre notre vie politique et publique avec des méthodes toxiques qui étaient inimaginables il y a quelques années à peine… Voulons-nous vraiment cela pour l’Espagne ? J’ai agi avec une conviction claire : soit nous disons ‘ça suffit’, soit cette dégradation de la vie publique définira notre avenir et nous condamnera en tant que pays », a affirmé, le ton grave, Pedro Sánchez.

« Désinformation »

Niant tout «calcul politique», il a soutenu que les soupçons à l’encontre de son épouse étaient le produit de la « désinformation ». Pour lui, la pause de cinq jours qu’il avait observée était destinée à pousser le pays à entreprendre « une réflexion collective » sur la polarisation de la vie politique, afin d’empêcher « l’intox de diriger le débat public ». « Ou nous disonsassez !, ou la dégradation de la vie publique déterminera notre avenir et nous condamnera en tant que pays », a-t-il ajouté. Sa déclaration a provoqué diverses réactions au sein de la classe politique espagnole. Alberto NúñezFeijóo, leader du principal parti de la droite espagnole et grand rival de M. Sánchez, a condamné l’annonce du Président du gouvernement, l’accusant de s’être « moqué des Espagnols » en décidant de rester au pouvoir et d’avoir agi par « pure stratégie électorale ou judiciaire, ou les deux ».L’Espagne « n’a pas un président du gouvernement à la hauteur de ses citoyens », a déclaré le chef du Parti populaire (PP, droite conservatrce) devant la presse, affirmant que M. Sánchezreprésente «l’Espagne du passé » et ne pouvait seulement « prolonger l’agonie ou la décadence » de son gouvernement. «Il a perdu aujourd’hui une occasion fantastique de s’en aller », a-t-il lancé. Au sein de l’opinion publique espagnole, Pedro Sánchez a été soutenu par des milliers de sympathisants qui s’étaient réunis dès samedi devant le siège du Parti socialiste à Madrid pour le supplier de ne pas quitter son poste.Mercredi 24 avril, Pedro Sanchez avait adressé une lettre à ses compatriotes pour annoncer qu’il avait besoin de prendre une pause «pour réfléchir». «Est-ce que tout cela vaut la peine ? Je ne le sais pas (…). J’ai besoin de m’arrêter et de réfléchir (…) à si je dois rester à la tête du gouvernement ou renoncer à ce grand honneur (…). Je continuerai à travailler mais j’annulerai mon agenda public (…). Lundi 29 avril, je me présenterai devant les médias et je ferai connaître ma décision», a-t-il écrit. Cette réaction inattendue faisait suite aux accusations de conflits d’intérêt qui avait ciblé son épouse, Begoña Gómez,par le média en ligne El Confidential.

Mains propres

Ce dernier a repris des éléments d’un dossier élaboré par l’association des fonctionnaires ManosLimpias(Mains propres). Ce syndicat s’est donné pour mission de déposer «toutes sortes de plaintes, face à la corruption politique ou économique qui nuit à l’intérêt public ou général». Selon ManosLimpias, profitant de son statut d’épouse du chef de l’exécutif, Begoña Gómez serait intervenue personnellement pour faciliter l’octroi d’un marché de transport de plusieurs centaines de millions d’euros au profit de la compagnie aérienne Air Europa durant la pandémie de Covid-19.Le média en ligne El Confidencial, avait mis en avant les liens noués par Begoña Gómez avec le groupe Globalia, parrain de la fondation dans laquelle elle travaillait, au moment où Air Europa, compagnie aérienne appartenant à Globalia, négociait avec le gouvernement Sánchez l’obtention d’aides publiques. Cette compagnie a effectivement touché, en novembre 2020, 475 millions d’euros, issus d’un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la pandémie.Le dossier pour «trafic d’influence et corruption» est actuellement traité par la juge d’instruction du 41e tribunal de Madrid. Il faudra donc attendre la fin de cette phase d’instruction pour savoir ce que la justice reproche concrètement à Begoña Gómez. Il est évident que la confirmation de son implication dans l’affaire Air Europa signera la fin de la carrière politique de son époux.

T.H.