Par Mohamed Mouloudj
Les signes d’un véritable tournant économique se multiplient. Le projet agricole et industriel lancé par TAFADIS, filiale du groupe public MADAR Holding, en est une preuve éclatante. Bien plus qu’un simple appel d’offres pour l’acquisition de pivots d’irrigation de dernière génération, c’est toute une vision stratégique de développement intégré et durable qui se met en place, et cette fois, avec une
ambition claire, à savoir assurer la souveraineté alimentaire et industrielle du pays avant de viser les marchés extérieurs. Le projet en question n’est pas anodin.
Il s’agit de l’exploitation de 22 000 hectares dans la wilaya d’Ouargla, destinés à la culture stratégique du blé dur, de l’orge et surtout de la betterave sucrière. À terme, une usine de transformation dotée de deux lignes de production, d’une capacité de 400 tonnes par jour, permettra de produire localement le sucre, aujourd’hui massivement importé. Ce n’est pas simplement une relance agricole.
C’est la promesse d’une souveraineté alimentaire retrouvée dans un pays riche en terres et en soleil, mais trop longtemps dépendant des marchés mondiaux pour ses besoins de base. Mais l’initiative ne s’arrête pas là. Pour la première fois en Algérie, une unité de production d’alcool industriel et chirurgical verra le jour dans la même zone. Les retombées sont majeures. Cet alcool, indispensable à de nombreuses industries, cosmétique, pharmaceutique, sanitaire, chimique, est aujourd’hui l’un des produits les plus sensibles en termes de disponibilité et de coût pour les producteurs nationaux. Sa production locale représente une fin de calvaire pour les industriels algériens, notamment dans la cosmétique, qui peinent à obtenir régulièrement une matière première pourtant stratégique,
surtout que l’importation a été rationnalisée, avant qu’elle soit ouverte depuis l’an dernier. Ce projet illustre une logique vertueuse de complémentarité entre les secteurs agricoles et industriels, où chaque sous-produit est valorisé. Les restes de betterave deviendront un aliment pour bétail enrichi, participant à la relance de la filière de l’élevage. Cette vision circulaire et efficiente rompt avec le modèle extractif et désorganisé du passé. Une économie qui commence par nourrir sa population est une économie qui se tient debout. Et c’est bien ce que vise les hautes autorités en soutenant des projets d’ampleur comme celui de TAFADIS. L’étape suivante, déjà anticipée, sera l’exportation de sucre et d’alcool industriel, deux produits à forte demande sur les marchés régionaux et mondiaux.
Une entrée algérienne sur ce terrain serait non seulement un exploit économique, mais également un acte politique fort : celui d’un pays qui n’exporte plus uniquement du brut, mais des produits transformés à haute valeur ajoutée. Certes, le chemin est encore long, et les défis techniques, humains et climatiques ne manqueront pas. Mais ce type d’investissement montre que les fondations d’un modèle économique national robuste, résilient et productif sont bel et bien en cours de construction. En pariant sur la terre, la transformation industrielle, et la recherche technologique dans le domaine agricole, l’Algérie donne un signal clair : elle n’est plus en attente d’un miracle économique venu d’ailleurs. Elle est en train de le bâtir elle-même. Et cette fois, la récolte sera aussi nationale
qu’exportable.
M.M.