Opposition et trahison : Une frontière à ne pas confondre

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Par Mohamed Mouloudj

L’histoire regorge d’exemples où l’opposition à un régime politique a été assimilée, à tort, à la trahison. Ce glissement dangereux, souvent entretenu par les régimes et certains individus en quête de reconnaissance, vise à délégitimer toute voix dissidente en la réduisant à un acte de déloyauté. Le cas récent d’un jeune exilé en France illustre cette confusion. Cet homme qui se présente comme
opposant au régime politique a dénoncé des compatriotes algériens résidant en France, notamment le recteur de la Mosquée de Paris, les accusant d’être proches du président Tebboune et même d’agir comme des missionnaires cherchant à déstabiliser la France. Une telle démarche soulève une question importante. Où se situe la limite entre opposition et trahison ? L’opposition politique est un droit
inaliénable, essentiel à toute société aspirant à la justice et au progrès. Critiquer une autorité, s’opposer à ses politiques, et même militer pour son remplacement, sont autant d’expressions légitimes de la liberté d’opinion. Loin d’être un acte de trahison, l’opposition, notamment démocratique est souvent le reflet d’un amour profond pour sa patrie, d’un désir ardent de la voir évoluer dans un cadre plus juste et équitable. Assimiler cette opposition à la trahison revient à étouffer la pluralité des idées, à asphyxier la liberté d’expression et, par extension, à neutraliser toute perspective de changement. Cependant, dénoncer ses compatriotes sous prétexte de défendre une cause politique ne peut être qualifié d’opposition. C’est de la délation, un acte méprisable qui fragilise le lien social et
attise les tensions. Lorsque cet expatrié accuse des internautes algériens en France de collusion avec les hautes autorités, il ne s’agit pas d’un désaccord politique constructif, mais d’une tentative de disqualification personnelle. Ce type de comportement détourne le débat des véritables enjeux et nourrit un climat de suspicion et de division. Dans le contexte actuel, cette confusion entre opposition
et trahison n’est pas nouvelle. Depuis l’indépendance, de nombreuses figures dissidentes ont été marginalisées, exilées ou stigmatisées pour avoir osé critiquer les autorités politiques. Pourtant, ces voix ont souvent été porteuses de revendications légitimes, comme la justice sociale, la liberté d’expression, et la dignité humaine. La véritable trahison ne réside pas dans la critique d’une autorité politique, mais dans l’acte de nuire délibérément à son pays, que ce soit en servant des intérêts étrangers ou en alimentant les divisions. Il est essentiel de distinguer entre une opposition qui questionne les décisions d’un gouvernant et cherche des solutions, et des pratiques comme celles de cet exilé, qui consistent à discréditer ou à dénoncer sans morale et sans responsabilité. En cherchant à détruire plutôt qu’à construire, ces actes fragilisent le tissu social et compromettent toute lutte. Une opposition saine enrichit le débat démocratique
; une délation systématique, en revanche, détruit la confiance mutuelle et installe une logique de méfiance permanente. Le cas de cet expatrié rappelle les dangers d’une pensée simpliste et manichéenne. Toute critique est perçue comme une attaque, toute neutralité comme une complicité. Cette polarisation stérile empêche un dialogue constructif et limite la capacité d’une société à résoudre ses
contradictions. Ainsi, il est fondamental de rappeler que l’opposition est un droit, mais trahir son pays ne l’est pas. Ceux qui s’opposent au régime politique, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs frontières, ne doivent pas être confondus avec des traîtres, sauf lorsqu’ils agissent contre les intérêts de la nation. L’opposition, dans son essence, est un acte de courage et une condition indispensable pour le progrès. Car aimer sa patrie, c’est vouloir la voir prospérer dans la justice et la dignité, non se taire face à ses dérives ni s’ériger en délateur.