
En moins de dix jours, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tient son deuxième Sommet extraordinaire, ce jeudi, à Abuja, où les 14 pays membres vont rediscuter, deux jours après l’expiration de l’ultimatum, fixé au général Abderrahmane Tchiani, suite aux événements survenus dans le pays voisin, le Niger.
Depuis le putsch du 26 juillet dernier, la Cedeao s’inquiète d’une contagion dans la région, qui a connu quatre destitutions de présidents démocratiquement élus en trois ans, dont le Burkina Faso, le Mali, la RD Congo et la Centrafrique.
Ce groupe de l’Afrique de l’Ouest exigeait, dans un ultimatum d’une semaine, des putschistes de rétablir l’ordre constitutionnel et Mohamed Bazoum, renversé, dans ses fonctions de président de la République, sous peine d’une intervention militaire au Niger, intervention à laquelle l’Algérie s’oppose, prônant la voie diplomatique.
Même s’il est vrai que vendredi les chefs d’état-major de la Cedeao ont dit avoir «défini les contours d’une éventuelle intervention militaire» contre les auteurs du putsch, la solution diplomatique demeure la plus privilégiée.
La Cedeao et ses maladresses
Le coup d’Etat a et continue de susciter des réactions en Afrique et à l’international et chacun y va de son analyse et commentaire.
L’ancien diplomate nigérien, Issoufou Kado, fait constater que les Présidents des pays de la Cedeao «vont certainement revoir leur position compte tenu de la mobilisation qu’ils ont vu au Niger», considérant que la Cedeao a commis plusieurs maladresses, dont le non-respect des conventions internationales.
Au Niger comme au Nigeria, populations et notables se sont montrés contre le recours à la violence pour résoudre un problème politique interne à un pays tiers, pauvre et qui veut s’affranchir de la domination française.
Et de préciser sur les ondes de la chaîne 3 de la Radio algérienne : «La Cedeao n’a aucune base juridique pour s’attaquer au Niger. Elle n’a pas respecté les textes constitutionnels, car pour attaquer un pays, il faut consulter le Parlement».
C’est ce qui semble se profiler à travers la convocation, par le président du Nigeria et néanmoins président en exercice de la Cedeao, de ce Sommet extraordinaire qui va diviser les pays membres sur la suite à donner au conflit interne de leur voisin. Surtout pas celle de faire la guerre, par procuration de la France, estime le diplomate Issoufou Kado.
Sur les pas de l’Algérie
Le président du Nigeria, Bola Tinubu, à la tête de la Cedeao, estime que «la diplomatie» est la «meilleure voie à suivre» pour résoudre la crise au Niger, a annoncé mardi à la presse son porte-parole, Ajuri Ngelale.
M. Tinubu et les dirigeants des autres pays de la Cedeao «préféreraient une résolution obtenue par des moyens diplomatiques, par des moyens pacifiques, plutôt que tout autre recours et autres démarches», a ajouté le porte-parole, précisant que cette position serait maintenue «en attendant toute autre résolution qui pourrait ou non résulter du Sommet extraordinaire de la Cedeao prévu jeudi (aujourd’hui, ndlr».
«Chaque vie humaine compte, et cela signifie que chaque décision prise par le bloc (ouest-africain) le sera en tenant compte de la paix, de la stabilité et du développement non seulement de la sous-région, mais aussi du continent africain», a-t-il assuré.
Un nouveau Sommet des chefs d’Etat de la Cedeao sur la situation au Niger est prévu jeudi à Abuja, capitale du Nigeria, qui assure actuellement la présidence tournante de l’organisation régionale.
Cette démarche s’inspire de la position algérienne pour un «prompt retour à la légalité constitutionnelle» et «le traitement de la crise nigérienne en déployant des efforts diplomatiques».
Des missions de négociation refoulées aux frontières
La délégation de la Cedeao, des Nations unies et de l’Union africaine, qui devait arriver à Niamey ce 8 août, s’est vu refuser l’entrée dans le pays par les putschistes. L’espace aérien du Niger a été fermé illico presto à la navigation après l’évacuation des ressortissants français et certains Européens.
Ayant nommé Ali Mahman Zeine Lamine Premier ministre, le commandement du Conseil national de sauvegarde de la patrie a refusé d’accueillir les délégations dépêchées à Niamey pour rencontrer le commandant en chef au pouvoir.
Or, la mission conjointe, attendue à Niamey le 8 août, n’est pas autorisée à se rendre au Niger. Ce refus lui a été opposé par une note verbale du ministère nigérien des Affaires étrangères. Adressée à la représentation de la Cedeao à Niamey le 7 août, elle invoque plusieurs motifs pour justifier cette décision.
Pas de «rencontres avec certaines personnalités»
Les nouvelles autorités pointent notamment : «Le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la Cedeao ne permet pas d’accueillir ladite délégation dans la sérénité».
Dans ce même document, les putschistes évoquent également «la nécessité de convenir au préalable […] des dates, contours et programme desdites visites». Ils font aussi allusion aux «rencontres avec certaines personnalités», qui doivent selon eux être revues. Ils font sans doute référence à une demande de la délégation de s’entretenir avec Mohamed Bazoum, retenu par les militaires depuis le 26 juillet.
Tout en rappelant que les frontières terrestres et aériennes ont été fermées à la suite des sanctions de la Cedeao le 30 juillet, la junte réitère sa «disponibilité à engager des discussions avec les délégations ou émissaires concernant la situation au Niger».
Il semble que les autorités militaires ont coupé court aux «tentatives complotistes», visant à coopter des acteurs de l’opposition et «comploter», via des simulacres de contacts avec des personnalités plutôt que d’autres dans le cadre d’initiatives répondant à des agendas étrangers dont la finalité est de court-circuiter le coup de redressement du pays via ce que le nouveau régime appelle «sursaut national».
S.B.