La politique des premiers pas, la doctrine chère à Henry Kissinger, c’est ce que semble adopter le président Emmanuel Macron à l’égard de la mémoire coloniale entre l’Algérie et la France. Hier, lors d’un discours prononcé à l’occasion du 70eme anniversaire de la révolution algérienne, Macron a reconnu dans un communiqué relayé par l’Élysée, l’assassinat du martyr Larbi Ben M’hidi. «Il (Macron) reconnaît ce jour que Larbi Ben M’hidi, héros national pour l’Algérie et l’un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l’insurrection du 1er novembre 1954, a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses» indique le texte qui poursuit. «Comme le Président de la République l’a déjà reconnu pour Maurice Audin et Ali Boumedjel, cette répression s’accompagna de la mise en place d’un système hors la société des droits de l’Homme et du citoyen, rendu possible par le vote des pouvoirs spéciaux au Parlement, donnant carte blanche au gouvernement pour rétablir l’ordre en Algérie et permettant l’adoption d’un décret autorisant la délégation des pouvoirs de police à l’armée, décliné par arrêté préfectoral, d’abord à Alger, puis dans toute l’Algérie, en 1957. Dans ce contexte, parmi les très nombreuses personnes innocentes qui furent arrêtées figurait Larbi Ben M’hidi». Cet aveu bien que tardif, qui intervient 67 ans plus tard, ne peut cacher les autres questions mémorielles qui restent encore en suspens et que la France a du mal à faire avancer. On citera pèle mêle, la question des disparus, l’indemnisation des personnes irradiés par les essais nucléaires et la remise de toutes les archives coloniales. Larbi Ben M’hidi était né en 1923 dans le Constantinois, y avait obtenu un certificat d’études et poursuivit ses études dans le secondaire. Il s’était engagé dans les scouts musulmans puis était devenu militant nationaliste. Les massacres du Constantinois en mai-juin 1945 le renforcèrent dans ses convictions en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Après le lancement de l’insurrection, il fut chargé de l’Oranie avant de devenir l’architecte du premier congrès du FLN, tenu dans la vallée de la Soummam le 20 août 1956. Ce congrès fonda le programme de ce nouveau parti, donnant la priorité à l’action politique et au renforcement des maquis de l’intérieur. Désigné responsable de la Zone autonome d’Alger en 1956, il fut ainsi l’un des principaux acteurs de la Bataille d’Alger lancée en janvier 1957. Les images prises de lui lors de son interpellation en février 1957 le montrent menotté mais souriant, le regard fier. Les militaires français qui le connaissaient de réputation furent impressionnés par son charisme et son courage. Ainsi, les hommes du 3e régiment de parachutistes coloniaux du colonel Bigeard se mirent au garde-à-vous et lui présentèrent les armes. Celui-ci est officiellement remis au commandant Aussaresses qui est chargé de trouver un endroit sûr où le garder. Officiellement, Larbi Ben M’hidi tenta de se suicider en cachette de ses gardiens. Officiellement, il décéda au cours de son transfert à l’hôpital. Mais cette version fut aussitôt contestée, comme elle l’a été pour Ali Boumedjel et Maurice Audin, tant en Algérie qu’en France. Au début des années 2000, le général Aussaresses avoua enfin qu’il l’avait assassiné. En 2002, le Général Bugeard projeta même de se rendre à Alger afin d’y déposer une gerbe en hommage à Larbi Ben M’hidi, déclarant alors : «Quand on se bat contre un Aennemi de valeur, il naît souvent une camaraderie». La reconnaissance de cet assassinat atteste que le travail de vérité historique, se poursuivra, un lrôle dévolu à la commission mixte d’historiens, mise en place par les deux chefs de l’Etat.
S.F