Propos recueillis par Sonia Hamoumraoui
Le dirigeant de la Fondation Z’horZerari et de la plateforme IZOLAR met en lumière les opportunités économiques et écologiques offertes par la gestion durable des déchets en Algérie.
Hala Gallery a accueilli le mardi 15 octobre 2024 une session de discussion sur le thème « Les richesses cachées du recyclage des déchets », présentée par Mohamed Saïdi, directeur de la Fondation Z’horZerari. Cet événement, destiné à sensibiliser le public et à explorer les opportunités économiques et écologiques liées au recyclage, a souligné le potentiel sous-estimé de la gestion des déchets, souvent perçus comme un fardeau, mais regorgeant de possibilités.
Mohamed Saïdi, administrateur de la Fondation Z’horZerari, a souligné l’importance de cette organisation, créée en 2020 en mémoire de Z’horZerari, militante de la Bataille d’Alger et pionnière du journalisme féminin en Algérie. La fondation, dédiée à la jeunesse algérienne, œuvre pour la promotion de la culture, de l’histoire et des sciences, tout en soutenant les startups et la recherche sur l’efficacité énergétique à travers des plateformes telles qu’IZOLAR.
Lors de cet événement, M. Saïdi a exposé les opportunités économiques et écologiques liées à la gestion des déchets en Algérie. Dans cet entretien exclusif, il revient sur les enjeux de cette filière prometteuse.
E.Bourse : Quelle est votre évaluation de la situation actuelle de la gestion des déchets en Algérie, notamment face à la prédiction de 40 millions de tonnes de déchets solides en 2025 ?
Mohamed Saïdi : La gestion des déchets en Algérie est principalement une question de sensibilisation. Il y a des lois et des normes, comme l’ISO 14001, mais le problème réside aussi chez les citoyens. Il est essentiel d’inculquer une démarche éco-citoyenne, en commençant par l’éducation dans les écoles et les clubs spécialisés en environnement. Plusieurs initiatives ont vu le jour, mais, malheureusement, elles manquent de continuité. Cependant, des structures comme l’Agence nationale des déchets (AND) ont mis en place des dispositifs innovants, tels que la bourse des déchets industriels, pour valoriser cette filière et encourager une économie circulaire.
E.Bourse : Quelles sont, selon vous, les principales lacunes du système actuel de gestion des déchets ?
Mohamed Saïdi : Nous disposons des instruments nécessaires, mais le manque de coordination entre les différents opérateurs en est la principale lacune. Il est crucial de connecter les acteurs entre eux et de favoriser l’échange d’informations. Sans cela, l’efficacité du système est limitée.
E.Bourse : Vous avez mentionné que le recyclage des déchets représentait une opportunité de création de richesses. Quels secteurs économiques pourraient en bénéficier ?
Mohamed Saïdi : Plusieurs secteurs peuvent tirer parti du recyclage, notamment ceux des textiles et de l’agroalimentaire. Nous devons également repenser l’usage des emballages. À l’échelle mondiale, la priorité n’est plus uniquement de recycler mais de réduire la production de déchets et de favoriser la réutilisation. En Algérie, des secteurs comme le compostage des déchets organiques domestiques pourraient également se développer, mais cela nécessite une prise de conscience éco-citoyenne.
E.Bourse : Quelles industries en Algérie pourraient tirer parti de la valorisation des déchets, et quelles technologies sont les plus prometteuses ?
Mohamed Saïdi : Tous les secteurs pourraient bénéficier de la valorisation des déchets. L’Agence nationale de valorisation scientifique a d’ailleurs organisé des expositions pour promouvoir cette démarche. Nous pourrions exploiter les déchets domestiques pour en faire du compost, par exemple, mais cela demande une vraie démarche de sensibilisation des ménages.
E.Bourse : Comment la recherche scientifique contribue-t-elle à optimiser la gestion des déchets en Algérie ?
Mohamed Saïdi : La recherche joue un rôle clé. Plusieurs institutions, telles que la Direction de la recherche scientifique et du développement technologique, ainsi que des incubateurs universitaires, travaillent sur des solutions innovantes pour la gestion des déchets. L’Algérie bénéficie également de nombreuses collaborations internationales, notamment avec l’Allemagne et la Belgique, qui soutiennent ces efforts.
E.Bourse : L’Allemagne est souvent citée comme un modèle. Quels enseignements l’Algérie pourrait-elle tirer de ce modèle ?
Mohamed Saïdi : L’Allemagne récupère environ 90 % de ses déchets, grâce à une approche circulaire bien rodée. De plus, des pays asiatiques, comme la Chine, imposent désormais des normes strictes pour l’importation de déchets, ce qui incite les pays occidentaux à revoir leurs pratiques. L’Algérie pourrait s’inspirer de ces modèles pour améliorer ses propres politiques de gestion des déchets.
E.Bourse : Avec la croissance démographique et l’urbanisation accélérée, comment l’Algérie peut-elle faire face à l’augmentation des déchets tout en préservant l’environnement ?
Mohamed Saïdi : Les mesures existent, mais elles nécessitent une participation active des citoyens. L’un des grands défis est d’intégrer la dimension culturelle dans les politiques de gestion des déchets. Sans cela, même les meilleures initiatives risquent de ne pas porter leurs fruits. Les citoyens doivent être impliqués dans le tri sélectif, ce qui n’est pas encore le cas pour la majorité.
E.Bourse : Le recyclage est souvent vu comme un moyen de créer des emplois. Quels types d’emplois pourraient être générés dans ce secteur en Algérie ?
Mohamed Saïdi : Le recyclage est un vecteur d’emplois. Aux États-Unis, par exemple, des millions de personnes travaillent dans cette filière, et elle génère des milliards de dollars de revenus. En Algérie, le potentiel est immense. Si les opérateurs économiques s’impliquent davantage et s’appuient sur la bourse nationale des déchets, ils pourront trouver de nouvelles opportunités d’affaires et créer des emplois pour les jeunes et les communautés marginalisées.
E.Bourse : Quelles réformes devraient être mises en place pour encourager le recyclage en Algérie ?
Mohamed Saïdi : Les dispositifs sont déjà en place, tant au niveau de la réglementation que des incubateurs. Ce qu’il faut maintenant, c’est une accélération de l’action. Les étudiants ne sont plus simplement des demandeurs d’emploi, mais des créateurs de richesses. Le recyclage est une filière privilégiée dans les universités, et avec la présence d’une université dans chaque wilaya, nous avons les ressources pour faire avancer cette cause.