Le ministère de la Justice a déployé dimanche un vaste programme de formation destiné aux magistrats et élèves magistrats, marquant une volonté d’adaptation aux nouveaux enjeux criminels et juridiques contemporains. Cette initiative s’inscrit dans une démarche globale de modernisation de l’appareil judiciaire algérien, rappelant les grandes réformes entreprises dans les années 2000 pour hisser la justice nationale aux standards internationaux. L’ampleur de ce programme, touchant plusieurs centaines de magistrats, témoigne de l’ambition des autorités de doter le système judiciaire d’outils adaptés aux défis du XXIe siècle.
Au cœur de ces formations figure la lutte contre la cybercriminalité, un fléau en expansion constante qui nécessite une expertise technique pointue. Vingt-cinq magistrats participent actuellement à une session spécialisée visant à approfondir leurs connaissances dans ce domaine complexe où se mêlent droit pénal traditionnel et nouvelles technologies. Cette formation répond à une urgence réelle : l’explosion des crimes numériques, qui ont connu une croissance exponentielle depuis la démocratisation d’internet dans les années 2000, nécessite une adaptation constante des pratiques judiciaires. L’initiative s’étend bien au-delà des frontières nationales grâce à un partenariat stratégique avec l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL). Dans ce cadre, cinq magistrats algériens se rendront à Prague, en République tchèque, pour participer à une formation régionale exceptionnelle portant sur « la deuxième simulation de procès en matière de lutte contre le terrorisme ». Cette approche pédagogique innovante, basée sur la simulation, permet aux magistrats d’affronter des situations réalistes sans les risques inhérents aux véritables procédures antiterroristes.
Cette coopération internationale s’avère particulièrement stratégique dans un contexte géopolitique où la menace terroriste transcende les frontières nationales. Les attentats du 11 septembre 2001 avaient déjà démontré la nécessité d’une coopération judiciaire internationale renforcée, une leçon que l’Algérie, forte de son expérience douloureuse des années 1990, a intégrée dans sa stratégie de formation judiciaire. L’objectif affiché est ambitieux : améliorer et échanger les connaissances, tout en créant des réseaux professionnels permanents entre magistrats et services répressifs de différents pays. Le volet propriété intellectuelle constitue une autre priorité de ce programme de formation, avec la participation de 198 élèves magistrats de l’École supérieure de la magistrature. Cette formation, menée en partenariat avec l’Académie de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), comprend une série de cours intensifs et de formations à distance animés par des experts étrangers. Cette initiative répond à l’essor de l’économie numérique et à la multiplication des contentieux liés aux droits d’auteur, aux brevets et aux marques commerciales, domaines juridiques qui étaient marginaux il y a encore une décennie. La dimension régionale de cette coopération se matérialise également par la participation de deux magistrats algériens à une réunion d’experts à Ain Sokhna, en Égypte. Cette rencontre, organisée par l’Office régional des Nations unies pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chargé de la lutte contre la drogue et le crime, en partenariat avec le ministère public égyptien, porte sur la mise à jour du guide législatif pour l’application du protocole de lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air.
Cette thématique revêt une acuité particulière pour l’Algérie, pays de transit et parfois de destination des flux migratoires clandestins méditerranéens. Les experts de la région MENA seront associés au processus de mise à jour de ce guide législatif, une démarche qui vise à mieux traiter les circonstances spécifiques du trafic illicite de migrants dans cette zone géographique sensible. Cette approche collaborative permet d’adapter les instruments juridiques internationaux aux réalités locales, tout en maintenant une cohérence régionale indispensable à l’efficacité de la lutte contre ces réseaux criminels transnationaux. Au niveau national, la formation prend une dimension plus technique avec l’organisation, à la cour d’Oran, d’une journée d’étude spécialisée sur la médecine légale. Cette formation rassemble les magistrats des cours de l’ouest du pays autour de thématiques pointues : expertise médicale en matière pénale, analyse des indices et preuves sur la scène du crime, et procédures de levée de corps. Cette approche pluridisciplinaire associe des représentants du service de médecine légale, du service de psychiatrie du CHU d’Oran, ainsi que toutes les instances de référence et l’Institut de criminologie de l’Université d’Oran 1.
La participation de représentants de la Police judiciaire à cette formation illustre la volonté d’harmoniser les pratiques entre les différents acteurs de la chaîne pénale. Cette synergie entre magistrats, médecins légistes, psychiatres et policiers s’avère essentielle dans le traitement des affaires criminelles complexes, où la qualité de l’enquête et de l’expertise conditionne largement l’efficacité de la réponse judiciaire. Cette multiplication des formations spécialisées s’inscrit dans une logique de professionnalisation continue du corps judiciaire, répondant aux évolutions constantes du droit et de la criminalité. L’approche adoptée, mêlant formations nationales et coopération internationale, témoigne d’une stratégie mûrement réfléchie pour adapter la justice algérienne aux standards internationaux tout en préservant ses spécificités nationales.
D.K
Modernisation du corps judiciaire
Le ministère de la Justice multiplie les formations spécialisées