Menaces sur le plus grand musée préhistorique du monde

Le constat sans appel de l'Office national du Parc du Tassili

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Le Parc national du Tassili, autrement dit le plus grand musée préhistorique du monde en raison de ses 15 000 gravures rupestres recensées, est en situation de détresse, c’est le moins que l’on puisse dire. Et pour cause ! Le constat de la situation des lieux est sans appel. Récemment, une équipe de spécialistes de l’Office national du Parc culturel du Tassili n’Ajjer a enregistré de graves dégradations de toutes sortes à la suite d’une mission de contrôle et de surveillance dans la région de la Tadrart, au sud-est de Djanet durant la période s’étalant du 4 au 10 août 2024.

Les menaces qui pèsent sur le Tassili n’Ajjer ne datent pas d’hier

Cette tournée d’inspection sur l’état des sites culturels et naturels de la région a permis aux techniciens de l’Office national du Parc culturel du Tassili de mettre en évidence avec «amertume» un certain nombre de points, dont les plus importants sont un intense mouvement de braconnage dans la région malgré la grande absence, voire l’extinction de gibier, surtout en cette période en raison de la fin de la saison touristique, une sécheresse notable dans la région, qui a un impact visible sur la faune et la flore. L’état de certains abris de peintures rupestres, notamment celui d’In-Oxam, s’est détérioré en raison de facteurs naturels voire humains dus au contact avec les parois fragiles de l’abri.Force est de constater que le Tassili n’Ajjer est célèbre pour ses milliers de gravures et peintures rupestres vieilles de plus de 10 000 ans. Ces œuvres d’art préhistoriques dépeignent divers thèmes, de la vie quotidienne aux rituels religieux en passant par les scènes de chasse. Du reste, l’importance archéologique qui n’est plus à démontrer, particulièrement les découvertes archéologiques dans la région qui ont fourni des informations précieuses sur les cultures préhistoriques, offrent un aperçu unique de la vie au Sahara pendant la préhistoire. Du coup, malgré son statut de protection, l’art rupestre du Tassili n’Ajjer fait face à plusieurs menaces, notamment l’érosion, le vandalisme, le changement climatique, la surexploitation des ressources et la croissance de la population locale. Ces défis nécessitent une gestion efficace et des stratégies de conservation à long terme.

Impact sur le tourisme

L’activité touristique au niveau de la région du Parc a toujours fait l’objet de critiques acerbes de la part des défenseurs de la nature et des sites archéologiques. C’est pourquoi, malgré le fait que le tourisme a apporté des avantages économiques à la région, il a également posé des défis pour la conservation du Parc. Bien que lointain, le parc est accessible par la route, et plusieurs options d’hébergement sont disponibles dans les villes voisines. Pourtant, les visiteurs peuvent explorer le parc à travers des visites guidées, qui offrent l’opportunité d’en apprendre davantage sur son histoire et sa nature. En plus d’admirer son paysage magnifique et son art rupestre, les visiteurs peuvent profiter d’activités telles que les randonnées, l’observation des oiseaux et prendre des photos. L’Algérie, qui est un pays touristique par excellence,a besoin d’une véritable stratégie nationale de préservation de l’environnement des sites touristiques, car un jour viendra où il sera trop tard pour restaurer un patrimoine qui aura disparu du paysage. Généralement, les causes de cette disparition sont l’inconscience et l’incivisme d’une certaine catégorie de touristes. Pour en savoir plus sur ces phénomènes qui font«mal» à nos biens matériels, Mohamed Dali, chargé des Affaires extérieures et des Relations presse de l’Association Tourisme, Loisirs et Environnement, implantée à Saoura, au Sud du pays, vient d’ailleurs d’alerter sur l’incivisme de certains touristes, nationaux de surcroît, lors de leur séjours dans le Sud. Ce cadre associatif insiste sur «l’urgence de sauvegarder les trésors archéologiques que recèle l’Algérie, car de très nombreux sites, classés patrimoine architectural ou archéologique national, sont menacés de disparition. Lors de notre entretien téléphonique, Mohamed Dali s’est indigné en ces termes : «A peine la fin des vacances, les associations de défense de l’environnement ont relevé des atteintes préjudiciables à l’environnement». «Nous citerons, a-t-il enchaîné, des graffitis laissés sur des sites préhistoriques, des déchets amoncelés au niveau des sites protégés». «Cette situation aura incité, aux dires de Mohamed Dali, une des associations à réclamer des restrictions pour les accès aux sites en question. L’objectif étant de mieux contrôler les flux, mais également de déterminer les responsabilités pour pouvoir sanctionner les auteurs de ce type d’atteintes». Notre interlocuteur a tenu à ajouter : «Notre mission est devenue difficile et dangereuse, car travailler au milieu des odeurs nauséabondes est souvent écœurant ! Alors que nous devrions être mobilisés sur d’autres missions plus importantes pour les usagers des lieux, nous passons malheureusement beaucoup de temps à ramasser des déchets, et ce, bien que cette action fasse également partie de notre raison d’être. Nous constatons que des touristes n’ont aucune considération ni pour l’environnement, ni pour nos efforts».

Rabah Karali