L’Observatoire national de la société civile (ONSC) a récemment lancé des concertations autour du projet de loi organique relatif à la création et aux activités du mouvement associatif. Ces consultations, déjà entamées dans plusieurs wilayas, visent à recueillir les
contributions des acteurs associatifs pour enrichir le texte avant sa soumission à l’Assemblée populaire nationale (APN) et au Conseil de la nation.
Interrogé sur le déroulement de ces concertations, M. Noureddine Benbraham, président de l’ONSC, a rappelé l’importance de replacer ce projet dans son contexte historique et politique.
M. Benbraham a évoqué l’historique des lois régissant le mouvement associatif en Algérie, notamment la loi 31-90, introduite dans un contexte de pluralisme naissant, et la loi 06-12, adoptée en 2012, dans un cadre marqué par les bouleversements du Printemps arabe. Ces textes, bien que fondamentaux, nécessitent aujourd’hui une révision pour s’aligner avec les nouvelles aspirations politiques et sociales, notamment celles prônées par la Constitution de 2020.
« Cette Constitution consacre un rôle fondamental à la société civile dans la gouvernance participative et la prise de décision. Elle met également en avant la liberté de création et d’organisation des associations, tout en garantissant leur rôle dans le développement
social », a-t-il souligné. L’ONSC a adopté une approche participative en lançant une plateforme numérique permettant à tous les acteurs associatifs de soumettre leurs propositions et amendements.
« Nous avons également organisé des consultations en présentiel dans 56 wilayas, avec une participation de plus de 7 000 acteurs associatifs », a précisé M. Benbraham.
Ces consultations visent à recueillir les perspectives des associations sur leurs expériences, les obstacles rencontrés et leurs attentes vis-à-vis de la future loi. « Notre objectif est d’impliquer les citoyens à travers les associations civiles pour qu’ils contribuent activement
à la construction d’un cadre législatif facilitant leur travail », a-t-il ajouté. Un des points essentiels abordés dans le projet de loi concerne le mode de financement des associations. Actuellement basé sur des subventions annuelles, le financement devrait
évoluer vers un modèle par projet. Ce changement vise à encourager les associations à développer des initiatives à fort impact social et économique.
M. Benbraham a également évoqué l’importance de promouvoir l’économie sociale et solidaire (ESS) à travers une législation dédiée, permettant aux associations de mener des activités économiques dans des secteurs tels que le tourisme ou l’artisanat. « Ce modèle
renforcerait l’autonomie financière des associations et dynamiserait leur contribution au développement local », a-t-il affirmé.
Le président de l’ONSC a insisté sur l’importance de la concertation pour garantir l’adhésion des acteurs associatifs au projet de loi. « La loi doit être un outil de facilitation, et non un obstacle, pour libérer le potentiel de la société civile et renforcer son rôle dans le
développement du pays. »
L’économie sociale et solidaire représente un secteur porteur de nombreuses opportunités pour la société civile, permettant la création de services et d’activités avec un impact social tangible. Cette dynamique pourrait mobiliser un large public, notamment en Algérie, où le nombre d’associations dépasse aujourd’hui les 140 000. Toutefois, il est évident que le financement des associations ne peut reposer uniquement sur les finances publiques. Des mécanismes alternatifs sont nécessaires pour maximiser leur impact social et renforcer la
cohésion sociale à travers tout le pays.
Si l’on parle de véritables projets économiques portés par le mouvement associatif, il devient incontournable de renforcer la formation des acteurs impliqués. Selon M. Benbraham, la société civile doit s’adapter à de nouveaux concepts comme les partenariats,
la gouvernance locale et la gestion de projets. Dans cette optique, la formation est primordiale. L’Observatoire a ainsi mis en place la plateforme “KFF+” (Compétences Plus) pour accompagner les associations. Cependant, M. Benbraham reconnaît que ce dispositif
reste insuffisant, d’autant plus que 75 % des 5 000 associations interrogées dans une étude menée avec le CREAD n’ont jamais eu accès à une formation. Face à cet enjeu, l’Observatoire a lancé un programme ambitieux visant à former 12 000 associations d’ici fin
2025.
Le projet de loi actuellement en cours de concertation entre les parlementaires, l’Observatoire et la société civile a pour objectif d’accompagner les associations dans cette nouvelle phase de transformation. Si la loi encadrera le fonctionnement des associations,
leurs relations avec les autorités publiques, les médias et leurs mécanismes de financement, elle ne suffira pas à elle seule. Un environnement favorable, garantissant la participation active de la société civile, doit également être mis en place pour renforcer la citoyenneté et la cohésion sociale. Le projet de loi vise ainsi à créer des conditions optimales pour l’épanouissement des associations tout en préservant la diversité et l’indépendance des initiatives.
L’un des sujets clés de ce projet de loi est le financement, notamment international. Jusqu’à présent, les associations algériennes ont rarement pu profiter des opportunités de financement internationales, notamment dans des domaines comme l’environnement. Le
projet de loi prend en compte cette réalité en favorisant une ouverture contrôlée aux financements externes, tout en veillant à ce que la transparence et la conformité aux valeurs nationales soient respectées. Des mécanismes sont envisagés pour permettre
l’ouverture de bureaux d’ONG internationales tout en garantissant la transparence de leurs activités. La relation entre la société civile et les partis politiques a souvent fait l’objet de débats. Le projet de loi établit une distinction claire entre ces deux sphères tout en garantissant leur complémentarité. Tandis que les partis politiques ont pour rôle d’accéder au pouvoir par les
élections, la société civile se concentre sur le plaidoyer, la représentation et le contrôle. Le projet de loi interdit toute relation organique entre les deux entités, mais permet des collaborations sur des projets d’intérêt commun, dans le respect des rôles respectifs.
La mise en réseau des associations est un autre aspect fondamental du projet de loi. Ces réseaux, qui regrouperaient des associations autour de thématiques spécifiques comme l’environnement, les droits des femmes ou la surveillance des élections, constitueront des
plateformes puissantes pour le plaidoyer, le partage d’expériences et l’accès aux financements. Cette approche permettra de renforcer l’efficacité des initiatives, en mutualisant les efforts et en optimisant les ressources disponibles.
Sonia H.