La magistrate espagnole Nieves Arina a dénoncé l’absence de coopération du Maroc dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Dans une interview accordée au journal «Europasur», la présidente de la 7e section du tribunal de Cadix a utilisé un seul mot pour décrire le niveau d’engagement des autorités marocaines dans cette lutte : «zéro». «La coopération avec le Maroc n’existe pas et une partie du problème est là. C’est l’unique producteur de haschisch et, à ce titre, la coopération avec cet Etat laisse à désirer lorsqu’il s’agit de traquer ces personnes», a-t-elle expliqué. En clair, le Maroc, qui consacre une moyenne de 55 000 hectares chaque année à la production de cette drogue, ne peut pas en même temps s’investir dans une stratégie globale pour contrer ce trafic. Pour la magistrate espagnole, ce refus de coopérer avec les Etats de l’Europe du Sud, par lesquels entre l’essentiel de la production de cannabis marocain, s’explique par les intérêts financiers maroco-marocains. «Le problème le plus grave que nous rencontrons pour lutter contre la drogue, c’est que ce produit génère beaucoup de profits non seulement pour les trafiquants, mais également pour de nombreux secteurs. Les trafiquants de drogue dépensent de l’argent de diverses manières», dit-elle. De «diverses manières», cela laisse supposer que ces fonds profitent aux agents de l’Etat marocain, donc les services de sécurité et la justice. Selon Nieves Arina, le Maroc ne se contente pas d’être totalement passif dans les actions de lutte, mais il refuse même de collaborer avec la justice espagnole dans le cadre des affaires impliquant ses ressortissants poursuivis par les autorités ibériques. «Ce que je sais, c’est que le Maroc ne collabore pas à la lutte contre le trafic de drogue, c’est clair. Et puis, il ne collabore pas non plus lorsque de nombreuses personnes ont des procès en cours ici». La juge de Cadix a confirmé que Abdellah El Hadj, surnommé le «Messi du haschich», fait partie des narcotrafiquants qui profitent de cette passivité de la justice du Makhzen. Cet individu a réussi à échapper à la justice espagnole en payant une caution de 80 000 euros et à se réfugier au Maroc. Le nom du Messi du haschich est d’ailleurs cité dans le plus grand scandale de drogue du royaume qui a éclaboussé jusqu’aux responsables les plus influents du palais.
Les ports, faille principale
La magistrate a estimé que les narcotrafiquants marocains sont en train de changer de stratégie pour acheminer leur production vers l’Espagne. Selon elle, certains réseaux auraient choisi d’expédier le cannabis par des voies maritimes officielles, en transitant via les ports des deux pays, plutôt que de le transporter dans des go-fast, ces puissantes embarcations semi-rigides qui relient les deux rives de la Méditerranée. «Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’entrée de la drogue dans le port d’Algésiras. Des milliers de conteneurs et de camions entrent chaque année et nous ne pouvons pas tous les inspecter car cela paralyserait l’activité sur les quais. Lorsqu’un camion en provenance du Maroc transportant 25 000 kilos de haschich a été détecté il y a quelques jours, c’est parce qu’il existait un couloir antérieur par lequel de nombreux autres camions étaient entrés auparavant», révèle la magistrate. L’affaire à laquelle elle fait référence remonte au 26 avril dernier, lorsque la Guardia civil a découvert 25 tonnes de cannabis dissimulées dans un camion transportant des melons. La drogue a été saisie dans le port d’Algesiras, dans le sud de l’Espagne, les fruits en provenance du Maroc étaient destinés à une entreprise installée à Perpignan, ville française proche de la frontière espagnole. C’est grâce à une fonctionnaire de la Garde civile et à son chien renifleur que la drogue a été découverte. Selon les autorités espagnoles, la valeur de la marchandise serait de 50 millions d’euros. Cette prise est d’ailleurs considérée comme la plus importante depuis 2015. En Espagne, les voix qui dénoncent l’implication du Makhzen dans les réseaux criminels du trafic de drogue et de l’immigration clandestine se font plus nombreuses. Cependant, pour des raisons politiques obscures, le gouvernement de Pedro Sanchez s’entête à considérer le Maroc comme un «partenaire stratégique» fiable.
T. H.