« Lors de ma visite en Algérie, j’ai eu de bonnes discussions avec Son Excellence le Président Abdelmadjid Tebboune concernant l’intérêt de l’Algérie à importer du lait de l’Ouganda. Je suis donc heureux de voir la première expédition de lait entier en poudre, en commençant par un lot initial de 500 tonnes », a déclaré le chef de l’État ougandais Yoweri Museveni qui s’est félicité pour cette avancée le 29 mai 2025 sur son compte X, rappelant les engagements pris lors de sa visite en Algérie en mars 2023.
Avec l’Algérie, l’Ouganda envisage de nouer d’importantes relations commerciales à l’avenir dans ce domaine, d’autant plus qu’à l’heure actuelle notre pays représente le premier marché laitier d’Afrique du Nord. Toutefois, l’Ouganda ne compte pas s’arrêter là. Le pays entend désormais élargir ses débouchés à d’autres marchés du continent, dans le but de valoriser sa production et de répondre à une
demande croissante. Par ailleurs, l’Ouganda ouvre une usine pour conquérir d’autres marchés avec son lait en poudre en dehors de l’Algérie. Dans sa dynamique d’expansion, l’Ouganda a récemment inauguré une nouvelle usine de transformation de lait dans le district de Kiruhura. Le président Museveni a salué cette initiative en février 2025 : « Maama Janet et moi avons mis en service une usine de transformation du lait sur notre route vers Rwampara. Cette installation appartenant à Benni Foods Limited est très appréciée. Ils sont au bon endroit au bon moment et ont pris la bonne décision. La demande mondiale de lait est importante. » Ceci dit, il faut savoir que l’industrie laitière ougandaise a connu une croissance soutenue au cours des dernières décennies. Selon la Dairy Development Authority (DDA), la production est passée de 2,2 milliards de litres en 2018 à 3,2 milliards de litres en 2022, grâce aux efforts conjoints des secteurs public et privé pour moderniser la filière.
Un accord signé en 2023
L’Ouganda, deuxième producteur de lait en Afrique, avait conclu un accord commercial avec les responsables algériens en mars 2023 dans le cadre d’une opération d’exportation de la poudre de lait vers l’Algérie. Dans ce contexte, il faut rappeler que l’Ouganda avait tablé sur la conclusion d’un accord avec l’Algérie afin d’y lancer ses exportations de lait en poudre. L’annonce a été faite par l’Autorité de développement du lait (DDA) dans un communiqué. D’après les autorités ougandaises, des rencontres d’affaires se sont tenues en Algérie après une vérification technique du cadre réglementaire de la chaîne de valeur laitière effectuée en décembre dernier par une délégation de cadres algériens spécialisée en la matière.
L’Ouganda, le deuxième producteur de lait en Afrique
Pour l’Ouganda qui est le deuxième producteur de lait en Afrique de l’Est derrière le Kenya, le marché algérien représente une formidable opportunité de développement des exportations en raison de son importance. Dans le pays, les produits laitiers représentent en effet la denrée de base la plus consommée après les céréales. Du reste, le pays est classé en deuxième position s’agissant du niveau de consommation de lait par tête d’Afrique après le Kenya. De même, il affiche le deuxième niveau de consommation de lait par tête d’Afrique après le Kenya avec 114 litres annuellement et représente aussi le premier importateur de produits laitiers du continent avec 1,5 milliard de dollars dépensés en 2020, selon Trade Data Monitor (TDM). En s’orientant vers le lait en poudre, l’Ouganda touche au
segment le plus lucratif du marché algérien des produits laitiers. Les achats ont en effet atteint 395 000 tonnes en 2020 pour une valeur de 1,1 milliard de dollars d’après TDM. Plus globalement, un accès à l’Algérie permettra aussi à l’Ouganda de diversifier ses débouchés afin d’écouler son surplus laitier tiré par une production, dont le volume est passé à 3,2 milliards de litres en 2021/2022 contre 2,8 milliards un an plus tôt. D’après la DDA, le secteur laitier ougandais est désormais valorisé à environ 1 milliard de dollars. Il faut souligner qu’en Afrique de l’Est, l’Ouganda est l’un des rares pays à afficher une offre excédentaire en produits laitiers.
La filière lait tente de se démarquer de sa dépendance aux importations
Alors que l’occasion se présente à nous pour revenir sur les récents efforts déployés par les pouvoirs publics, force est de constater qu’en matière de production de lait, au fil des années, plusieurs programmes ont été instaurés sous l’égide du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche dont l’objectif est de promouvoir la production nationale et réduire la facture alimentaire.
Aujourd’hui, après tant d’efforts et de budgets considérables (investissements et subventions), la filière tarde à se défaire de son extraversion et reste indéfiniment assujettie au marché mondial. Ceci est affirmé par la facture substantielle des importations concernant le lait et les produits dérivés qui constituent, faut-il le rappeler, le deuxième poste de dépense alimentaire après les céréales puisque notre pays importe pratiquement la totalité de sa consommation annuelle de lait en poudre, qui tourne autour de 400 000 tonnes. L’Algérie est l’un des principaux consommateurs et importateurs de lait en poudre dans le monde, selon des statistiques de 2024. Le pays est le premier consommateur laitier du Maghreb, avec une consommation de l’ordre de 140 litres en moyenne par habitant et par an. Par contre, la production du lait de vache subventionné a permis de baisser la facture d’importation de la poudre de lait de plus de 17 millions de dollars, depuis le lancement de l’opération en mai 2024.
Des projets ambitieux et des attentes de la réduction des importations
Récemment, l’Etat a fini par ʺprendre le taureau par les cornesʺ en misant tout d’abord sur le lancement de mégafermes de production de lait en poudre, à l’image de celui qui a été mis en œuvre en partenariat avec la société qatarie Baladna dans la wilaya d’Adrar, dont l’accord a été conclu en avril 2024. D’une valeur de 3,5 milliards de dollars et s’étendant sur 117 000 hectares, ce projet comprend
trois pôles contenant chacun une ferme de production de céréales et de fourrage, une ferme d’élevage de vaches et de production de lait et de viande, ainsi qu’une usine de production de lait en poudre. Une fois opérationnel, cet important investissement permettra de produire localement 50% des besoins nationaux en poudre de lait de l’Algérie, d’approvisionner le marché local en viande rouge, outre sa contribution à l’augmentation du cheptel bovin national. En outre, le développement de cette exploitation se fera sur neuf années avec une première phase d’aménagement pour la production de fourrage, une autre de construction pour accueillir les 50 000 premières vaches en 2026 et monter les lignes de production de lait en poudre. Ce n’est qu’à la neuvième année du projet que le nombre total de 270 000 bovins devrait être atteint avec une production d’environ 1,7 milliard de litres de lait par an. Parallèlement à la mise en œuvre de la ferme d’Adrar, un autre investissement agricole, et pas des moindres, de 3,2 milliards de dinars prévoit la production de 15 000 tonnes de lait par an, cette fois infantile. En effet, la ferme laitière implantée dans la wilaya de Djelfa produira du lait infantile en partenariat avec des entreprises privées. L’usine produira, dans une première étape, 7 000 tonnes de lait destiné aux bébés âgés entre 0 et 6 mois. Quant à la valeur des équipements qui seront installés au sein de cette usine, elle dépassera les 22 millions d’euros. Ainsi, l’objectif est de répondre aux besoins du pays et des citoyens en cette matière essentielle, de réduire la facture des importations et d’atteindre un surplus pour l’exportation d’ici 2025. Enfin, l’Etat algérien ne compte pas s’arrêter à cette étape de
réalisation de mégafermes et d’usines de traitement de lait en poudre, puisque actuellement des pourparlers avec d’autres firmes agroalimentaires internationales sont en cours en vue d’éventuels accords dans les prochains mois, voire années.
Rabah Karali
L’Ouganda exporte 500 tonnes vers l’Algérie
Alors que la filière tente de réduire les importations de poudre de lait