Par Yacine Merzougui
La Bourse d’Alger connaît un événement majeur en ce début d’année 2025 avec l’introduction tant attendue de la Banque de Développement Local (BDL), qui marque une étape importante dans l’évolution du marché financier algérien. Cette opération, qui s’est déroulée selon un calendrier précis et minutieusement planifié, vient de franchir une étape décisive avec la publication des résultats de l’offre publique.
Un calendrier révisé pour une introduction stratégique
Selon l’avis n°13/25 publié par la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs (SGBV), le calendrier initial de l’introduction de la BDL a fait l’objet d’une modification. Ce changement, qui modifie et complète l’avis n°04/25 précédemment publié, a établi un nouveau planning pour cette opération stratégique. L’opération a débuté officiellement le 16 janvier 2025 avec la publication au Bulletin Officiel de la Cote de l’avis relatif à l’introduction en Bourse. La période de l’offre, quant à elle, s’est ouverte le 20 janvier 2025 et s’est clôturée un mois plus tard, le 20 février 2025 à 15h30. Cette période d’un mois a permis aux investisseurs de soumettre leurs demandes de souscription.
Les étapes suivantes se sont enchaînées selon un calendrier précis :
La centralisation et la consolidation des demandes ont été clôturées le 24 février 2025 à 15h00.
La validation et le traitement de l’offre ont été réalisés le 26 février 2025.
La validation des résultats de l’opération par le Comité de Suivi et leur communication aux IOB (Intermédiaires en Opérations de Bourse) et au dépositaire central « Algérie Clearing » ont eu lieu le 6 mars 2025.
Le même jour, les résultats de l’opération ont été annoncés au Bulletin Officiel de la Cote.
Le calendrier prévoit désormais deux dates importantes à venir :
Le règlement et la livraison des titres, programmés pour le 11 mars 2025.
Le début des négociations du titre BDL à la Bourse d’Alger, fixé au jeudi 13 mars 2025.
Une augmentation de capital réussie avec une forte demande
L’introduction en bourse de la BDL s’inscrit dans le cadre d’une augmentation de capital d’un montant considérable de 61,88 milliards de dinars algériens. Cette opération, qui a fait l’objet d’une notice d’information visée par la Commission d’Organisation et de Surveillance des Opérations de Bourse (COSOB) le 31 décembre 2024 sous la référence N° 2024/06, portait sur l’augmentation de 30% du capital de la banque. L’offre concernait 44,2 millions d’actions proposées au prix de cession de 1 400 dinars l’action. Les résultats communiqués par la SGBV témoignent d’un vif intérêt des investisseurs pour cette opération, avec 53 810 708 actions demandées, soit un taux de sursouscription de plus de 21%. Au total, 33 043 ordres ont été enregistrés, provenant des 58 wilayas du pays, témoignant d’une participation nationale étendue à l’ensemble du territoire.
Une répartition stratégique par segments
La SGBV a organisé l’offre selon trois segments distincts, avec une répartition spécifique des actions :
Segment A : Ce segment, qui a recueilli la plus grande part des allocations, a vu 31 906 ordres (96,56% du total) pour 35 007 156 actions (79,20% des actions attribuées). Le montant levé sur ce segment s’élève à 49,01 milliards de dinars. Particularité notable, le taux de satisfaction de la demande a atteint 100%, toutes les demandes ayant été satisfaites.
Segment B : Ce segment, plus restreint, a enregistré 36 ordres (0,11% du total) émanant de 6 wilayas. Les 1 577 680 actions attribuées (3,57% du total) représentent un montant de 2,21 milliards de dinars. Le taux de satisfaction n’a été que de 48,88%, la demande ayant largement dépassé l’offre avec 3 227 074 actions demandées.
Segment C : Ce dernier segment a vu 1 101 ordres (3,33% du total) provenant de 50 wilayas. Les 7 615 164 actions attribuées (17,23% du total) représentent un montant de 10,66 milliards de dinars. Comme pour le segment B, le taux de satisfaction a été limité à 48,88%, avec 15 576 478 actions demandées.
Une participation géographique diversifiée
Les résultats par wilaya révèlent une participation nationale, mais avec une concentration notable sur certaines régions. La wilaya d’Alger se distingue avec 4 933 ordres (14,93% du total) et 11 493 625 actions allouées (26% du total). Elle est suivie par Tizi Ouzou (2 641 ordres, 4 201 479 actions), Sétif (1 650 ordres, 2 710 813 actions), Oran (1 702 ordres, 2 518 561 actions) et Béjaia
(1 976 ordres, 2 481 654 actions). À l’autre extrémité du spectre, certaines wilayas ont eu une participation plus modeste, comme El
M’Ghair (6 ordres, 622 actions), Béni Abbès (2 ordres, 600 actions), ou encore In Salah (7 ordres, 1 430 actions). Cette répartition géographique témoigne à la fois du poids économique des différentes régions du pays et de l’accessibilité variable aux services financiers à travers le territoire national.
Conditions d’admission et caractéristiques de cotation
Le titre BDL a satisfait aux conditions d’admission à la cote officielle, conformément au règlement COSOB n° 23-04 du 25 octobre 2023, portant règlement général de la bourse des valeurs mobilières. Ces conditions incluent :
Une capitalisation d’une valeur minimale de 5 milliards de dinars.
Une diffusion dans le public des titres de capital représentant une valeur minimale de 1 milliard de dinars.
Une diffusion à plus de 150 actionnaires.
Le titre BDL sera introduit au compartiment principal du marché de titres de capital par la procédure d’Offre à Prix Fixe (OPF), avec les caractéristiques suivantes :
Code ISIN : DZ0000010094.
Ticker ou code bourse : « BDL ».
Cours de référence (d’introduction) : 1 400 DA.
Marché de la cote : marché de titres de capital.
Compartiment : compartiment principal.
L’introduction de la BDL à la Bourse d’Alger représente une opération majeure pour le marché financier algérien. Avec une levée de fonds de près de 62 milliards de dinars et une participation nationale étendue, cette opération témoigne d’un intérêt croissant pour les placements boursiers en Algérie.
Pour la BDL, cette introduction devrait permettre de renforcer ses fonds propres et de financer son développement. Pour le marché boursier algérien, l’arrivée d’un nouvel acteur bancaire public de cette envergure est susceptible de dynamiser les échanges et d’attirer de nouveaux investisseurs. À quelques jours du début des négociations, prévu pour le 13 mars 2025, tous les regards sont désormais tournés vers les premières cotations du titre BDL, qui donneront une indication précieuse sur l’appétit des investisseurs pour cette valeur.
Le succès de cette opération pourrait également encourager d’autres entreprises publiques à envisager une introduction en bourse, conformément à la stratégie des autorités algériennes de développer le marché financier comme alternative au financement bancaire traditionnel.
Y.M
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Bilan du mois de février pour la Bourse d’Alger
Une activité en repli dans l’attente de la BDL
Le mois de février 2025 a marqué une période contrastée pour la Bourse d’Alger, caractérisée par un ralentissement notable de l’activité transactionnelle, mais également par une hausse significative des ordres placés. Ce paradoxe apparent s’explique en grande partie par le contexte particulier de préparation à l’introduction de la Banque de Développement Local (BDL), dont la période de souscription s’est clôturée le 20 février. Analyse détaillée de cette période charnière pour le marché financier algérien.
Une baisse significative des transactions
Selon le rapport mensuel publié par la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs (SGBV), l’activité du parquet de la Bourse d’Alger a connu un net repli en février 2025 par rapport au mois précédent. Le montant global des transactions s’est établi à 238 470 432 dinars, accusant une baisse substantielle de 62,34% comparativement aux 633 262 403 dinars enregistrés en janvier. Cette tendance baissière se reflète également dans le volume des titres échangés, qui est passé de 280 118 actions en janvier à 120 835 actions en février, soit une diminution de 56,86%. Le nombre de transactions a suivi la même trajectoire, avec 112 opérations réalisées contre 188 le
mois précédent, marquant un recul de 40,43%.
Les moyennes par séance illustrent parfaitement cette contraction de l’activité :
La moyenne des transactions par séance est tombée à 9,33 (contre 14,46 en janvier).
La moyenne des valeurs transigées par séance a chuté à 19 872 536 dinars (contre 48 712 492,53 dinars).
La moyenne des volumes transigés par séance s’est réduite à 10 069,58 actions (contre 21 547,53 actions).
Un paradoxe : l’augmentation du nombre d’ordres
Paradoxalement, cette période de ralentissement des transactions s’est accompagnée d’une hausse significative des ordres placés. Le nombre d’ordres a bondi de 55,57%, passant de 2 255 en janvier à 3 508 en février.
Cette augmentation se décline tant du côté acheteur que vendeur :
Le volume d’ordres à l’achat a progressé de 38,02%, atteignant 672 587 actions contre 487 297 en janvier
Le volume d’ordres à la vente a connu une hausse encore plus marquée de 48,74%, s’établissant à 5 341 232 actions contre 3 591 062 le mois précédent. Ce contraste entre la multiplication des ordres et la chute des transactions effectives suggère un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande, avec des volumes à la vente nettement supérieurs aux volumes à l’achat, reflétant potentiellement une réallocation des portefeuilles en prévision de l’introduction du BDL.
Performance contrastée des différentes valeurs
L’analyse détaillée par titre révèle des performances disparates sur le mois de février :
Le Crédit Populaire d’Algérie (CPA) s’est imposé comme la valeur la plus dynamique, totalisant 86 015 actions échangées pour une valeur de 195 110 737 dinars à travers 83 transactions. Cela représente 71,18% du volume global et 81,82% de la valeur totale transigée, confirmant son statut de titre phare du marché algérien. Son cours a évolué entre 2 249 et 2 271 dinars, avec un cours moyen pondéré de 2 268,33 dinars. MST occupe la deuxième place avec 21 300 actions échangées pour une valeur de 16 689 000
dinars via 16 transactions. Son cours a fluctué entre 790 et 800 dinars, avec un cours moyen pondéré de 791,53 dinars.
BIOPHARM, autre acteur pharmaceutique, a vu 10 665 de ses actions changer de mains pour un montant de 25 505 215 dinars à travers 7 transactions. Son cours s’est négocié entre 2 370 et 2 396 dinars, établissant un cours moyen pondéré de 2 391,48 dinars.
ALLIANCE ASSURANCES a enregistré un volume modeste de 855 actions échangées pour une valeur de 357 480 dinars via 5 transactions. Son cours a varié entre 400 et 420 dinars, avec un cours moyen pondéré de 418,10 dinars. SAIDAL, groupe pharmaceutique public, ferme la marche avec 2 000 actions échangées pour une valeur de 808 000 dinars dans le cadre d’une unique transaction. Son cours a oscillé entre 404 et 405 dinars, avec un cours moyen pondéré de 404 dinars. Deux valeurs, AOM INVEST et EGH CHAINE EL AURASSI, n’ont enregistré aucune transaction durant le mois de février, témoignant de la faible liquidité de certains compartiments du marché.
Activité des Intermédiaires en Opérations de Bourse (IOB)
L’analyse de l’activité par intermédiaire révèle également des dynamiques intéressantes :
À l’achat :
La BADR (Banque de l’Agriculture et du Développement Rural) se distingue avec 22 890 titres achetés pour ses clients et 22 026 pour compte propre
Le CPA arrive en deuxième position avec 26 599 titres achetés exclusivement pour ses clients
La BDL, la BNA (Banque Nationale d’Algérie) et la BEA (Banque Extérieure d’Algérie) complètent le tableau avec respectivement 330, 4 082 et 850 titres achetés pour leurs clients
À la vente :
Le CPA domine largement avec 83 056 titres vendus pour ses clients
La BEA suit avec 15 168 titres vendus pour ses clients
La BDL occupe la troisième place avec 13 265 titres vendus pour ses clients et 330 pour compte propre
En termes de valeur transigée, le CPA confirme sa prééminence avec 59 284 112 dinars à l’achat pour ses clients et 158 716 083 dinars à la vente pour ses clients. Cette domination reflète à la fois la taille de l’établissement et sa base de clientèle investisseurs.
Facteurs explicatifs et contexte
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette contraction de l’activité boursière en février :
- L’effet d’attente lié à l’introduction du BDL : La période de souscription pour l’augmentation de capital de la BDL, qui s’est clôturée le 20 février, a probablement mobilisé une partie des liquidités disponibles, détournant temporairement les investisseurs des valeurs déjà cotées. Le déséquilibre offre-demande : L’augmentation significative des ordres de vente par rapport aux ordres d’achat suggère une pression vendeuse accrue, possiblement liée à un repositionnement des portefeuilles en vue de l’arrivée du titre BDL.
- Le nombre réduit de séances de cotation : Février comptait 12 séances de cotation contre 13 en janvier, ce qui explique partiellement la baisse des volumes mensuels.
- La concentration de l’activité sur quelques valeurs : Plus de 80% de la valeur transigée s’est concentrée sur le titre CPA, illustrant la faible diversification du marché algérien et ses problèmes structurels de liquidité.
Cette période de transition pour la Bourse d’Alger intervient à un moment crucial, à quelques semaines de l’introduction officielle du titre BDL prévue pour le 13 mars 2025. Plusieurs éléments méritent attention : - L’impact potentiel de l’introduction du BDL : Avec une capitalisation importante et un flottant conséquent, l’arrivée du titre BDL devrait dynamiser considérablement les échanges et la capitalisation globale du marché.
- La question de la liquidité : Le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande souligne les défis structurels du marché algérien en termes de liquidité, un problème que l’élargissement du panel de valeurs cotées pourrait partiellement résoudre.
- Le rôle des investisseurs institutionnels : L’activité limitée de certains IOB, notamment les banques publiques, pose la question de l’implication des investisseurs institutionnels dans le développement du marché.
- L’éducation financière : L’engouement pour la souscription aux actions BDL, avec plus de 33 000 ordres reçus, contraste avec la faible activité sur le marché secondaire, suggérant un potentiel inexploité en termes d’élargissement de la base d’investisseurs actifs.
Un février en demi-teinte, prélude à un renouveau?
Le bilan de février 2025 pour la Bourse d’Alger présente un tableau contrasté : ralentissement de l’activité transactionnelle mais intensification des intentions d’échange. Cette configuration particulière peut être interprétée comme une phase de transition, les investisseurs se préparant à l’événement majeur que constitue l’introduction du BDL. Dans ce contexte, la contraction observée en février pourrait n’être qu’une parenthèse avant un renouveau attendu du marché algérien. L’arrivée imminente d’un acteur bancaire public majeur, associée à l’intérêt manifeste des investisseurs particuliers lors de la phase de souscription, laisse entrevoir des perspectives plus dynamiques pour les mois à venir. Le véritable test pour la Bourse d’Alger se situera dans sa capacité à capitaliser sur cette dynamique pour attirer de nouvelles introductions, élargir sa base d’investisseurs actifs et améliorer durablement sa liquidité. Le bilan de mars 2025, qui intégrera les premières séances de cotation du titre BDL, sera à cet égard particulièrement révélateur des tendances à moyen terme.
///Encadré
Achat client/non client
Définitions
En bourse, les termes « achat client » et « achat non client » désignent deux types d’acheteurs intervenant dans une transaction, selon leur relation avec le courtier ou la plateforme d’échange. De même pour le concept « vente client » et « vente non client »
Voici leurs différences :
- Achat client
Définition :
Un « achat client » est effectué par un investisseur (particulier ou institutionnel) qui utilise les services d’un courtier spécifique pour passer son ordre d’achat.
o Exemple : Un particulier achète des actions via son compte chez un courtier comme Boursorama ou Interactive Brokers.
Caractéristiques :
o Le courtier perçoit généralement des frais de commission sur ces transactions.
o Ces ordres sont intégrés dans le carnet d’ordres du courtier et peuvent influencer sa stratégie de placement.
o Ils reflètent la demande interne des clients du courtier.
- Achat non client
Définition :
Un « achat non client » est réalisé par un investisseur qui n’est pas lié au courtier exécutant la transaction. Cela peut inclure :
o Des investisseurs externes (clients d’autres courtiers).
o Des institutions financières ou des market-makers agissant pour leur propre compte.
Caractéristiques :
o Aucuns frais de courtage ne sont prélevés par le courtier concerné.
o Ces transactions sont souvent issues de contreparties externes (ex : un fonds d’investissement achetant via un autre intermédiaire).
o Elles indiquent un intérêt pour le titre venant de l’extérieur du réseau du courtier.
Pourquoi cette distinction ?
Analyse du marché :
Les courtiers étudient ces flux pour évaluer la dynamique d’achat (ex : forte demande interne vs. externe).
o Un pic d’achats clients peut signaler un engouement localisé (ex : spéculation sur une valeur).
o Des achats non clients peuvent révéler un intérêt institutionnel ou international.
Réglementation :
Dans certains marchés, cette distinction permet de respecter des règles de transparence ou de priorité (ex : ordres clients prioritaires sur certains marchés régulés).
Exemple concret
Si le courtier X exécute un ordre d’achat pour son client, c’est un achat client (frais appliqués, suivi interne).
Si le même courtier X reçoit un ordre d’achat d’un fonds étranger (non client), c’est un achat non client (pas de frais, contrepartie externe).
En résumé, cette distinction permet de comprendre l’origine des flux d’argent et d’adapter les stratégies d’investissement ou de courtage.
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L’engouement pour les actions BDL
Une cartographie de l’investissement à travers les wilayas
L’introduction en bourse de la Banque de Développement Local (BDL) vient de s’achever avec un succès retentissant, levant 61,88 milliards de dinars algériens. Au-delà des chiffres globaux impressionnants, cette opération nous offre une rare occasion d’analyser la répartition géographique de l’investissement boursier en Algérie. Les données détaillées par wilaya révèlent des disparités significatives, dessinant une véritable cartographie de l’engouement pour les actions BDL à travers le territoire national.
Une participation nationale mais inégale
Les résultats définitifs publiés le 6 mars 2025 par la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs (SGBV) font état d’une participation provenant des 58 wilayas du pays. Ce fait, remarquable en soi, témoigne d’une sensibilisation croissante aux opportunités d’investissement boursier dans l’ensemble du territoire algérien. Cependant, l’analyse détaillée révèle des écarts considérables
entre les différentes régions.
Les champions de l’investissement
Sans surprise, la wilaya d’Alger se positionne comme le leader incontesté de cette opération, concentrant 14,93% des ordres (4 933) et 26% des actions allouées (11 493 625). Cette surreprésentation de la capitale, qui obtient plus du quart des actions pour moins de 15% des ordres, illustre la présence d’investisseurs institutionnels et fortunés dans cette région. Le podium est complété par Tizi Ouzou et Sétif, deux wilayas qui se distinguent par leur forte participation. Tizi Ouzou, avec 2 641 ordres (7,99% du total) et 4 201 479 actions allouées (9,51%), démontre un intérêt marqué pour l’investissement boursier. Sétif suit de près avec 1 650 ordres (4,99%) et 2 710 813 actions (6,13%).
La région d’Oran, second pôle économique du pays, se place en quatrième position avec 1 702 ordres (5,15%) et 2 518 561 actions (5,70%), tandis que Béjaia complète le top 5 avec 1 976 ordres (5,98%) et 2 481 654 actions (5,61%).
L’axe tellien dominant
L’analyse géographique des résultats met en évidence une concentration notable de l’investissement le long de l’axe tellien, qui regroupe les wilayas côtières et celles des hauts plateaux du nord. Les dix premières wilayas en termes d’actions allouées concentrent à elles seules près de 67% du total des actions, illustrant un déséquilibre géographique prononcé. Outre les cinq wilayas déjà mentionnées, on retrouve dans ce top 10 Tlemcen (1 350 315 actions), Mostaganem (1 311 244 actions), Blida (1 274 585 actions), Constantine (1 178 709 actions) et Chlef (1 076 952 actions). Cette répartition souligne le poids économique prépondérant de la bande nord du pays.
Des disparités révélatrices
En examinant plus finement les données, plusieurs phénomènes intéressants apparaissent :
Bordeaux Bou Arréridj, qui n’arrive qu’en 11ème position en nombre d’ordres (265, soit 0,80% du total), se hisse à la même position en nombre d’actions (1 023 979, soit 2,32%). Cet écart témoigne d’un montant moyen par ordre particulièrement élevé, suggérant la présence d’investisseurs importants dans cette wilaya industrielle.
À l’inverse, Batna, qui occupe une honorable 5ème place en nombre d’ordres (1 003, soit 3,04%), ne se classe que 21ème en nombre d’actions (592 751, soit 1,34%). Cette disproportion inverse indique une forte participation populaire mais avec des montants plus modestes par investisseur. Ouargla, malgré sa richesse pétrolière et ses 687 ordres (2,08% du total, 30ème place), n’obtient
que 338 365 actions (0,77%, 30ème place également), révélant un engagement proportionnel à son poids démographique plutôt qu’à sa puissance économique théorique.
Le Sud moins présent
Les wilayas du sud du pays présentent globalement une participation plus limitée. Si certaines wilayas sahariennes comme Adrar (350 ordres, 142 136 actions) ou Tamanrasset (157 ordres, 105 105 actions) affichent une présence notable, d’autres comme In Guezzam (17 ordres, 3 739 actions), Timimoun (43 ordres, 3 273 actions) ou Béni Abbès (2 ordres, 600 actions) ferment la marche.
Cette moindre participation peut s’expliquer par plusieurs facteurs : densité de population plus faible, éloignement des centres financiers, moindre présence des intermédiaires en opérations de bourse, ou encore habitudes d’investissement différentes.
Des ratios révélateurs : intensité et montant moyen d’investissement
Pour mieux comprendre les dynamiques régionales, nous pouvons analyser deux ratios pertinents:
- L’intensité d’investissement (nombre d’actions par ordre) révèle le montant moyen investi par opération dans chaque wilaya. À ce jeu, Bordj Bou Arréridj domine largement avec environ 3 864 actions par ordre, suivi de loin par Alger (2 330 actions par ordre) et Mostaganem (1 662 actions par ordre). À l’opposé, des wilayas comme El M’Ghair (104 actions par ordre), Béni Abbès (300 actions par
ordre) ou Timimoun (76 actions par ordre) affichent des montants moyens très modestes. La participation relative (nombre d’ordres rapporté à la population) donne une indication de l’engouement populaire pour l’opération. Sans disposer des données démographiques exactes par wilaya, on peut néanmoins constater que certaines wilayas comme Tizi Ouzou, Béjaia ou Illizi - semblent présenter un taux de participation particulièrement élevé par rapport à leur poids
- démographique.
- Des facteurs explicatifs multiples
- Comment expliquer ces disparités géographiques marquées ? Plusieurs facteurs entrent probablement en jeu :
- La proximité des centres financiers : La présence d’intermédiaires en opérations de bourse (IOB) facilite l’accès à l’information et aux procédures de souscription. Le niveau d’éducation financière : Les régions historiquement plus exposées aux concepts d’investissement et d’épargne moderne présentent généralement une participation plus active.
- Les traditions entrepreneuriales : Certaines wilayas comme Tizi Ouzou, Béjaia ou Sétif bénéficient d’une culture entrepreneuriale forte qui favorise l’intérêt pour l’investissement boursier.
- La présence d’industries et de services : Les wilayas plus industrialisées ou tertiaires disposent généralement d’une classe moyenne plus nombreuse, susceptible d’investir en bourse.
- La diaspora : Certaines régions bénéficient de transferts importants de la diaspora, ce qui peut augmenter les capacités d’investissement locales.
- Un élan national à consolider
- Malgré ces disparités, l’engouement observé à travers tout le territoire national pour les actions BDL constitue un signal encourageant pour le développement du marché boursier algérien. Avec 33 043 ordres provenant des 58 wilayas, l’opération démontre qu’il existe un potentiel d’investissement considérable à l’échelle nationale.
- Pour les autorités financières et la BDL elle-même, ces résultats offrent une précieuse cartographie des zones à fort potentiel mais aussi des régions où des efforts supplémentaires de sensibilisation et d’éducation financière pourraient être déployés.
- Les disparités observées constituent moins un problème qu’une opportunité : elles révèlent un potentiel de développement important dans de nombreuses régions du pays, où l’investissement boursier reste encore à populariser.
- Vers une démocratisation de l’investissement boursier ?
- À quelques jours du début des négociations du titre BDL à la Bourse d’Alger, prévu pour le 13 mars 2025, cette analyse géographique nous rappelle que le développement d’un marché boursier dynamique passe nécessairement par son ancrage territorial.
Les 33 043 nouveaux actionnaires de la BDL, répartis à travers tout le pays, constituent désormais une base solide d’investisseurs potentiellement intéressés par de futures opportunités boursières. Leur expérience avec le titre BDL pourrait façonner durablement leur perception de l’investissement en actions et, par conséquent, l’avenir du marché financier algérien. L’enjeu pour les années à venir sera de transformer cet engouement ponctuel en une véritable culture de l’investissement boursier, accessible à tous les Algériens, quelle que soit leur région de résidence. La réussite de l’introduction de la BDL montre que le chemin est tracé, même s’il reste encore beaucoup à parcourir.
Y.M