Rect’Angle
Par : Mohamed Mouloudj
La Libye, brisée par les convulsions politiques et les luttes internes, n’arrive toujours pas à conjurer le mauvais sort. Depuis la chute d’El Kadhafi, elle s’enfonce toujours un peu plus dans le désespoir. Ce qui devait être le départ d’une transition démocratique s’est transformé, fatalement en une dérive continue. Les tentatives successives pour redonner espoir aux Libyens semblent être une mission délicate, voire impossible. Le pays est aux quatre vents. Il est en proie aux ingérences étrangères et est dévasté par des extrémismes internes qui prospèrent sur les ruines d’une société fragilisée. Il est aujourd’hui difficile de croire que la liberté tant espérée pourrait voir le jour. Dans ce contexte de déliquescence, les autorités, loin de restaurer l’ordre et la sécurité, se concentrent sur des projets rétrogrades qui portent un coup de plus à la fragile liberté qui restait, à l’image de l’annonce d’Imad Trabelsi, ministre de l’Intérieur. Il a pris la décision d’imposer le port du voile à toutes les Libyennes, dès l’âge de neuf ans, dans tous les espaces publics, y compris les écoles. L’interdiction de la mixité dans les lieux publics, l’obligation de se conformer à une norme vestimentaire, la répression des cheveux « mal coupés » et des vêtements jugés « inappropriés », sont autant de décisions annoncées par Trabelsi. Les autorités, dans leur fuite en avant vers un ordre autoritaire, ont l’intention d’instituer une police des mœurs. Les réseaux sociaux seront également épiés. L’objectif est de mettre en place un système de contrôle digne des régimes islamistes les plus autoritaires. Les Libyens qui refuseraient d’accepter ces nouvelles règles seraient invités à quitter leur propre pays pour chercher asile en Europe. Le paradoxe est saisissant. Dans une Libye déjà mise à mal par la guerre, les autorités intérimaires, plutôt que de bâtir un projet de société inclusif et progressiste, choisissent de restreindre encore un peu plus les libertés individuelles. Plutôt que d’apporter des solutions concrètes, elles choisissent une voie régressive. L’islamisme se nourrit des faiblesses des États et trouve un terrain fertile dans le chaos. Le cas de la Libye en est l’illustration parfaite. Il montre comment l’islamisme, en s’infiltrant dans les interstices laissés par un Etat défaillant, peut transformer une révolution en un véritable recul pour les droits humains. Derrière l’apparente protection, ce sont les chaînes du passé qui se referment sur un peuple meurtri. L’islamisme, dans sa forme la plus radicale, se nourrit de l’incapacité des Etats à mettre en place une alternative crédible. Il impose une vision qui renie jusqu’à la vie. Les récentes annonces de Trabelsi pourraient être l’écho d’un projet plus vaste. Celui d’une société figée et régressive. La Libye doit s’affranchir des chaînes de l’islamisme. Le défi n’est pas seulement de la reconstruire, mais de garantir à ses citoyens le droit de vivre dans la liberté, l’égalité et la dignité. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra retrouver sa place dans un monde libre.