Depuis le Palais des Nations où il a prêté serment, mardi dernier, en tant que président de la République réélu pour un second mandat, Abdelmadjid Tebboune a promis de poursuivre sur la voie des réformes économiques et sociales pour permettre à l’Algérie d’être au diapason des pays émergents, grâce à une dynamique économique de réalisation de projets importants, dont une partie est déjà en cours dans différents secteurs stratégiques, comme l’industrie minière, les infrastructures ferroviaires et l’agriculture.
A cet effet, il a mis en exergue les secteurs les plus stratégiques dont il compte les développer lors du prochain quinquennat, à savoir, assurer l’autosuffisance agricole de l’Algérie d’ici à 2026, notamment en ce qui concerne le blé, l’orge et le mais, tout en rappelant les avancées significatives dans le domaine de l’agriculture réussi à réduire ses importations à leur plus bas niveau.
Sur le plan industriel, Le président de la République a fixé un objectif ambitieux de faire passer la contribution de l’industrie au produit national brut à 12 % au cours de son nouveau mandat. Pour ce faire, il s’est engagé à accroitre les investissements massifs, tant dans l’infrastructure que dans l’économie, avec prés de 9 000 projets d’investissement qui sont déjà enregistrés auprès de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), avec pour objectif d’atteindre 20 000 projets d’ici la fin de son mandat en 2029, outre ses engagement en matière de ressources hydrique avec la réalisation de plusieurs centres de dessalement et le lancement, en 2025, de grands barrages d’interconnexion pour renforcer la gestion des ressources hydriques
De même, le président réélu a promis, sur le front social, de poursuivre la construction de deux millions de logements tous types confondus et résoudre définitivement le dossier des zones d’ombre, avant la fin de la première année de son mandat, tout en réaffirmant son engagement à protéger le pouvoir d’achat des citoyen et la création de quelques 450 000 emplois.
Pour atteindre ces objectifs, l’expert en économie et fiscalité Boubekeur Sellami qui est aussi vice-président de l’association nationale des conseillers fiscaux algériens et du conseil national de la fiscalité, a donné quelques appréciations, dans cet entretien, pour pouvoir résoudre définitivement tous les maux qui gangrènent notre société, à commencer par la maitrise de la bonne gouvernance et la meilleure gestion de nos ressources et richesses économiques, outre l’exécution rigoureuse d’une armada de lois en vigueur.
Entretien réalisé par Naima Allouche
e-Bourse : Dans son discours lors de la cérémonie d’investiture, le président de la République a visé plusieurs secteurs d’activité à développer au cours de son 2eme mandat, d’après vous quels sont les mécanismes et outils favorables pour pouvoir développer notre économie ?
Boubekeur Sellami : Si nous revenons au discours de Monsieur le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune qui a rappelé les engagements qu’il avait pris lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, nous devons noter quelques remarques parmi lesquels: porter le PIB à 400 milliards de dollars, ce qui permettrait à l’Algérie d’occuper une place parmi les pays émergents. Dans ce contexte, le président Tebboune a souligné que l’Algérie a atteint l’un des taux de croissance les plus élevés des pays du bassin méditerranéen et régionale. Cet objectif est réalisable, si l’Etat fait un effort plus important pour inclure le marché parallèle dont le volume des opérations et qui avoisine les 90 milliards de dollars selon les données des experts pour atteindre un PIB de 350 milliards USD. Ajoutant à cela, les valeurs ajoutées qui peuvent être créées par les investissements pour dépasser la barre des 400 milliards USD de PIB. Toutefois, ces efforts ne peuvent donner ce résultat qu’à travers une politique de rigueur en matière de lutte contre le marché parallèle et un climat d’investissement plus favorable, transparent, qui peut rétablir la confiance des investisseurs et capter l’argent qui circulaire au marché noir, dans l’objectif de diversifier l’économie et sortir de la dépendance de la manne pétrolière, avec un niveau d’exportation hors hydrocarbures de 15 milliards USD, et avec un taux de participation du secteur de l’industrie au PIB qui doit atteindre12 % à la fin du deuxième mandat selon les promesses de Monsieur le président de la République.
Comment peut-on atteindre les objectifs tracés par le président de la république ? Et pourquoi l’Algérie n’arrive pas émerger et être au diapason des pays émergents, en dépit de ses richesses ?
Ces objectifs ne peuvent être atteints que par une équipe de gestionnaire compétents, intègres et dans les délais les plus courts, sachant que le facteur temps est très important devant le risque des perturbations du marché international des hydrocarbures dont la stabilité est très fragile, ce qui peut freiner l’effort économique et la cadence des réformes. Il faut donc, continuer cette réforme avec comme priorité la relance à grande vitesse les projets géants dont une partie est déjà en cours, à savoir le secteur minier, les projets ferroviaires prévus qui relieraient le nord à l’extrême sud, en parallèle de la production agricole, notamment dans les cultures stratégiques, qui permettent de réduire les importations aux niveaux les plus bas, à l’exemple du lait et des céréales qui sont des produits stratégiques et avec des compétences algériennes en matière d’exploitation des terres, l’irrigation et le réseau de stockage, distribution, transformation et d’exportation. Dans ce sens, il est prévu dans la loi de Finances 2025, des projets de raccordement de barrages, dans le but de dévier l’eau des grands barrages vers des barrages « vides » selon le Président de la République, qui a également confirmé la possibilité de mettre en œuvre de grands détournements d’eau.
Sur le plan social, le programme présidentiel a donné une importance primordiale la protection du pouvoir d’achat du citoyen et l’amélioration de son cadre de vie ?
le volet social, notamment la protection du pouvoir d’achat du citoyen, nécessite de revoir la, politique actuelle en urgence afin de limiter l’aide sociale aux seules personnes vulnérables et à modestes revenus et la libération des prix après la mise en place du fichier national des revenus et des propriétés ainsi que la numérisation de tous les secteur afin d’éviter la fraude et les fausses déclarations. Sachant que les dépenses publiques dans ce chapitre dépassent les 35% du budget. Pour l’inflation qui doit atteindre un taux ne dépassant pas 4,5 %, il faut que la production locale soit au niveau de la demande et que l’importation soit baissée au maximum et qui un élément important de l’inflation importée. Donc, il faut avoir des moyens humains, financiers très importants et une volonté accompagnée de rigueur et de suivi et contrôle sans failles qui permettent la réalisation de tous ces objectifs. hormis, nous avons un déficit budgétaire de 6000 milliards de DA (plus de 50% de nos ressources budgétaire), un marché parallèle très important, une politique sociale déséquilibrée, et un système fiscal dont le produit de la fiscalité ordinaire n’arrive pas à couvrir les dépenses de fonctionnement, en plus d’ une administration fiscale qui n’a pas les moyens matériels et financier pour faire son travail et une bureaucratie qui pèse sur nos administrations et nos institutions. Tout ce lot de problèmes dans notre société bloque tout effort de développement et ne permettent pas aux efforts fournis par le président de la République de donner les résultats escomptés, et causent de déperditions d’énergie et d’argent et freinent le développement du pays, s’il n’y aura pas une rigueur dans l’application de ses instructions.
Le président s’est engagé à construire plus de 2 millions de logements. Est-ce qu’on peut dire que c’est vraiment la fin de la crise de logements ?
Réaliser deux millions de logements nécessite des capacités financières très importantes. la politique du logement actuelle est acquis certes, mais, il faut revenir à la qualité et le logement individuel avec un contrôle strict des faux nécessiteux et acquéreurs et ne pas continuer à construire des logements qui ne répondent pas aux normes internationales et avec une qualité médiocre. La numérisation du système de l’habitat est un levier important de solution de la crise de logement à long terme car le problème de logement n’est pas uniquement le nombre mais les formules puisque la demande est en évolution permanente et elle a un lien avec la démographie.
Sur le plan finances, que prévoit la loi de finances 2025, si vous avez une idée, pour permettre de réaliser les grands projets d’investissement dont il a parlé le président Abdelmadjid Tebboune?
Pour la loi de finances 2025, nous n’avons pas encore le projet, ni les éléments qui nous permettent de donner un avis, mais ce qui est sûr c’est que le gouvernement n’a pas une grande marge de manœuvre sauf s’il y aura une réforme fiscale globale et profonde avec l’exploitation des niches, la fiscalité locale et l’affectation d’un budget important à l’administration des impôts pour mettre en œuvre toutes les dispositions fiscales existantes et la maîtrise du tissu des contribuables avec un système de contrôle fort et une application transparente des textes avec une équité fiscale pour une assiette large et une baisse de la pression fiscale. Par ailleurs, le square est une honte pour notre système monétaire, il donne une très mauvaise image du pays qui veut se promouvoir. Ce grand marché de change doit être officialisé à travers l’ouverture des bureaux de change le plutôt possible. Donc, au final, les engagements président Tebboune sont concrêtisables, avec une bonne gouvernance, la numérisation de toute l’administration pour garantir une transparence et enfin la stabilité du cadre juridique pour ne pas faire fuir les porteurs de projets nationaux et attire le flux des investisseurs étrangers.
N.A