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mercredi, février 12, 2025

Les espoirs de reprise reculent selon des experts

L’économie mondiale dans une phase inquiétante

Avec la persistance des disfonctionnements des chaînes d’approvisionnement, des pénuries et de la hausse des prix qu’on croyait transitoires, l’économie mondiale traverse désormais une étape inquiétante. Ces éléments perturbateurs qui la rongent progressivement depuis quelques mois, l’inflation en particulier, tendent à s’installer dans la durée induisant des effets d’entrainement s’étalant sur plusieurs secteurs et niveaux de l’activité économique et impactant à la fois les entreprises et les ménages.

Les espoirs d’un retour rapide de l’économie mondiale à sa dynamique de croissance pré-pandémique au 2ème semestre de l’année en cours, et même la dépasser, reculent de jour en jour et ne sont déjà presque plus d’actualité devant les décevants résultats d’activités des deux derniers mois dans les grandes économies du globe, y compris dans celles des États-Unis et de la Chine, respectivement la 1ère et la 2ème plus grandes du monde.

Si les patrons de la Banque centrale européenne à Bruxelles et la Réserve Fédérale américaine à Washington continuent de croire que les symptômes de la crise sont provisoires, et qui, préférant la patience, ne veulent pas « surréagir » estimant que le retour à la normale s’effectuera « lentement », un certain nombre d’experts rompent le silence, contestent et tirent l’alarme.

Parmi eux l’ancien responsable dans la Bank of England David Blanchflower qui, d’après le magazine économique américain Forbes, prévient dans une nouvelle étude, qu’il a menée conjointement avec son collègue Alex Bryson, que « L’économie américaine pourrait être en route vers un autre ralentissement au cours des six prochains mois » si l’on se base, d’après eux, sur les prévisions concernant les attentes des consommateurs.

Conscient que sa prédiction contredit tous les discours des derniers mois sur la reprise, d’autant plus que le PIB des États-Unis se porte visiblement bien et a grimpé à 6,7 % d’année en année, le professeur d’économie à Dartmouth College et son co-auteur pensent, en se référant aux  résultats de leur travail de recherche, «qu’il y a de fortes chances que les États-Unis soient entrés en récession à la fin de 2021 », car l’économie américaine souffre depuis quelque temps de symptômes ayant déjà été observés dans les secteurs de la finance et de l’immobilier, entre autres, à la veille de la crise de 2008.

«Au printemps 2007, les données qualitatives indiquaient qu’une récession allait arriver dans quelques mois et cela a été ignoré», a rappelé David Blanchflower. « Aujourd’hui, nous rapportons des preuves équivalentes pour les États-Unis » témoignant d’une situation similaire « suggérant que les États-Unis entrent maintenant en récession, à la fin de 2021 ». Et si la banque centrale américaine, la Federal Reserve, reste optimiste et ses prévisions, annonçant un taux de croissance de 5,9 % pour l’année en cours et 3,8 % l’année prochaine, contrastent avec le diagnostic de BunchFlower et Alex Bryson qui ont revu minutieusement les données des principales crises précédentes, ces derniers rappellent que c’est cette même banque centrale de la 1ère économie du monde qui a été incapable de prévoir la crise de 2008.

De son côté, l’ancien secrétaire au Trésor américain et professeur d’économie à Harvard, Larry Summers, qui a été un des principaux collaborateurs des présidents Bill Clinton et Barak Hussein Obama craint que l’économie américaine perde le contrôle sur les prix pour sombrer dans une inflation dangereuse avec de grands risques de débordement sur l’économie mondiale. « Nous risquons plus que nous ne l’avons été au cours de ma carrière de perdre le contrôle de l’inflation aux États-Unis » a-t-il déclaré il y a quelques jours à la chaîne de télévision américaine Bloomberg News.

Larry Summers a bien remarqué avec inquiétude qu’au cours des deux derniers mois, l’inflation a augmenté au rythme le plus rapide depuis plus d’une décennie et est bien au-dessus de l’objectif de la Federal Reserve de 2 %. L’inflation a augmenté de 5,4% en septembre par rapport à il y a un an correspondant à la plus forte augmentation depuis 2008. En même temps, il y a encore environ 7,7 millions d’Américains au chômage.

D’après ses déclarations mercredi dans The Business, le programme diffusé par le groupe médiatique américain ABC, Larry Summers voit dans la situation économique qui règne dans son pays des ressemblances avec les tendances inflationnistes et les taux d’intérêt de la fin des années 1960 lorsque l’inflation est passée de moins de 2 % à plus de 6 %, avant même que d’importantes contraintes d’approvisionnement ne soient évidentes.

Il a rappelé sur Bloomberg News que les anciens présidents de la Federal Reserve Arthur Burns et G. William Miller, qui ont dirigé la banque centrale américaine dans les années 1970 ont, comme ceux d’aujourd’hui, sous-estimé l’inflation de l’époque qui s’est révélée une des plus élevées pendant des décennies.

 Reprochant aux décideurs actuels de la banque centrale d’accorder plus d’attention  aux problèmes sociaux qu’à la flambée des prix et l’inflation qui ronge l’économie, il estime qu’ils ont déjà raté le train pour la freiner. L’inflation aux États-Unis a déjà atteint plus de 5 % sur une base annuelle, a-t-il précisé, dans un contexte de pénurie croissante de travailleurs combinée à de fortes perturbations  de l’offre et une grave flambée des prix de l’énergie.

Les inquiétudes de Larry Summers et Blanchflower sont partagées par d’autres et reflétées par un certain nombre de média anglo-saxons, qui savent bien que l’inflation, si elle échappe au contrôle, pourrait générer une série de disfonctionnements coûteux et difficiles à contenir.

Depuis quelques semaines, face à la flambée des prix et les revendications syndicales, les autorités régulatrices aux USA et en Europe ne cachent pas leurs intentions d’augmenter les salaires au risque de tomber dans la spirale augmentation de salaire/augmentation des prix, où l’une alimente l’autre comme l’a bien souligné l’hebdomadaire britannique spécialisé en économie The Economist du 16 octobre 2021 dans un article intitulé « Is the world economy entering a wage-price spiral ? » (L’économie mondiale est-elle entrée dans une spirale salaires-prix ?). Toute imprudence gouvernementale en matière d’équilibre salaires/prix risque d’être chèrement payée par l’économie.

« Ce qui m’a surpris », a ajouté Larry Summers, « c’est à quel point le marché du travail est devenu tendu et à quelle vitesse [cela s’est produit], combien de goulots d’étranglement du côté de l’offre sont revenus et à quelle vitesse l’inflation s’est accélérée ». Pour lui, il n’y a pas de doute, les États-Unis sont face à « une tempête croissante d’inflation » et « la banque centrale sera forcée d’agir pour (la) contenir avec des conséquences financières potentiellement graves ». Le plus dangereux dans le recul de l’emploi et l’incapacité de recruter pour satisfaire les besoins de la machine économique est que si la pénurie de la main d’œuvre continue de s’accentuer, et tout porte à croire que elle va durer des années, il y a de fortes probabilités  que cela induise, d’après certains économistes, des changements irréversibles avec des conséquences durables, tels que l’accélération des départs à la retraite à cause de la pandémie.

Quoiqu’il en soit, l’ancien secrétaire au trésor insiste : « la situation (est) très grave », d’autant plus que plusieurs indicateurs en Chine et dans d’autres fortes économies asiatiques sont depuis environ deux mois assez alarmants.

En somme, la menace de ralentissement et de récession est globale, et la réponse adéquate ne peut être que globale.

Fawzi SADALLAH

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