Le royaume chérifien vient essuyer un nouveau revers dans sa bataille diplomatique visant à obtenir une plus large reconnaissance de sa souveraineté sur le territoire occupé du Sahara occidental.
La Commission européenne ne négocierait pas un éventuel renouvellement de l’élargissement au territoire sahraoui occupé de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne qui expirera en 2023, à en croire le ministre néerlandais de l’Agriculture, d’après les révélations de l’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW).
«La Commission [européenne] a indiqué que l’extension du protocole n’est pas une option avant que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’ait statué (dans l’affaire en appel), car la Cour a annulé la décision du Conseil approuvant le protocole de pêche. Une interruption temporaire des possibilités de pêche au Sahara occidental semble donc inévitable, selon la Commission», a écrit le ministre néerlandais dans une missive adressée au Parlement néerlandais datant du 28 mars 2023.
Se référant à des informations de la Commission européenne provenant d’une réunion du Conseil Agriculture et Pêche de l’UE du 20 mars, pendant laquelle les ministres de la Pêche des 27 Etats membres de l’UE devaient analyser la situation, le ministre a conclu qu’elle n’entamerait pas de négociations avec le Maroc pour une prolongation de l’accord de pêche, a rapporté WSRW.
Entré en vigueur le 18 juillet 2019, l’accord actuel de pêche Maroc-UE, qui permet à 128 navires de l’UE de pêcher illégalement dans les eaux du Sahara occidental occupé, expirera le 17 juillet prochain.
Après le rejet, en septembre 2021, par le Tribunal de l’UE de cette extension, arguant qu’il avait été conclus sans le consentement des Sahraouis, le climat général au sein de l’institution européenne se penche vers le «non» de renouvellement de l’accord commercial bilatéral avec Maroc, qui vise à travers l’exploitation des richesses des Sahraouis à augmenter ses profits et fonds pour financer sa colonisation de ce territoire.
Concrètement, les membres de la Commission européenne attendent le verdict de la Cour de justice de l’UE (CJUE) qui se prononcera en fin d’année sur la question.
Si la CJUE emboîte le pas au Tribunal de l’UE, cela constituerait la plus grande défaite du Maroc, qui avait depuis longtemps accéléré ses pressions et influence sur les pays du bloc européen, comme le 16 décembre 2021 lorsque le Conseil de l’UE avait introduit un recours en appel contre la décision de la juridiction de l’Union européenne.
La décision de l’annulation de l’extension des accords commerciaux entre le Maroc et l’UE devrait également profiter au Sahara occidental, qui pourra enfin bénéficier des revenus de l’exportation de ses richesses.
«Si les effets de l’accord de pêche, annulé en 2021, ont été maintenus par le Tribunal (de l’UE) le temps du pourvoi devant la CJUE, le premier protocole à cet accord arrive à échéance en juillet prochain», a fait constater dans des propos à l’APS Gilles Devers, avocat du Front Polisario.
«Alors que plusieurs Etats européens, dont le royaume d’Espagne, ont demandé la conclusion d’un nouveau protocole, la Commission européenne a annoncé que des négociations avec le royaume du Maroc étaient impossibles car l’arrêt du Tribunal (de l’UE) maintient l’existant dans l’attente de la décision de la Cour, mais ne permet pas la conclusion de nouveaux accords», a-t-il poursuivi.
Après une résistance de certains pays européens promettant de veiller «à ce que le cadre juridique garantisse la poursuite et la stabilité des échanges entre l’UE et le Maroc», la Commission européenne a dû, pour la première fois depuis 2016, revoir sa copie de l’accord commercial, en excluant le territoire occupé du Sahara occidental conformément à la décision de la justice.
Les conséquences immédiates seront, selon Gilles Divers, le départ des navires de l’UE, dès le mois de juillet, des eaux territoriales sahraouies, avec comme résultat la privation de l’occupant marocain des fonds européens qui lui ont permis de coloniser ce territoire.
«L’inévitable interruption temporaire des possibilités de pêche au Sahara occidental découle naturellement du fait que la Cour de justice de l’UE évalue actuellement la licéité de la pratique», a noté WSRW, ajoutant que l’arrêt de la pratique de la pêche est jusqu’à présent conforme aux décisions de la Cour de l’UE. La même démarche a été observée en mars dernier avec la Mauritanie.
En effet, le Commissaire européen aux Océans et à la Pêche, Virginijus Sinkevicius, a invité les pays de l’UE à examiner les moyens menant vers de nouvelles possibilités de pêche au sein de l’accord UE-Mauritanie, vu qu’il pourrait être «impossible d’éviter une interruption» des activités de pêche des navires de l’UE dans les eaux du Sahara occidental occupé.
Hamid Mecheri