
Le ministère algérien de la culture compte construire prochainement un laboratoire-bunker spécialisé dans le stockage des films cinématographiques pour conserver le patrimoine audiovisuel national et domicilier l’énorme archive en ce domaine se trouvant à l’étranger, a appris E-bourse auprès d’une source proche du ministère de la culture.
En effet, pour sauvegarder, protéger et archiver les bobines et négatifs des chefs-d’œuvre et grands films algériens historiques – notamment les collections de films conservées dans des laboratoires à l’étranger-, le département de Soraya Mouloudji se prépare à lancer les travaux d’un laboratoire à Ain Defla, une wilaya à l’abri de l’humidité marine, principal facteur provoquant la détérioration des produits artistiques.
En plus de protéger la mémoire audiovisuelle de la destruction et du temps (humidité, chaleur…), ce projet inédit et très salutaire a pour but de sauvegarder la mémoire, en conservant précieusement les films et documentaires, trésors inestimables qui racontent l’histoire de l’Algérie et sa guerre de libération aux générations futures.
Ce « coffre-fort » de la mémoire audiovisuelle algérienne permettra également la récupération de tous les films stockés dans les laboratoires étrangers.
Ce projet traduit la politique du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, quant à la préservation de la mémoire nationale et la transmission des valeurs nationales aux jeunes générations.
Pour rappel, à l’issue d’un Conseil des ministres tenu en mai 2021, le président Tebboune avait chargé, le Gouvernement de poursuivre l’examen des différents aspects relatifs à la relance de l’industrie cinématographique et la production audio-visuelle à travers la détermination d’un nombre de projets principaux, en vue de structurer cette activité.
Des cinéastes, producteurs et critiques du cinéma et autres intéressés par ce domaine, ont longtemps tenter d’attirer l’attention des Pouvoirs publics sur l’épineuse question de la conservation des archives cinématographiques, regrettant le fait que beaucoup de pellicules avaient été brûlées ou détruites faute d’une bonne conservation et de stockage.
Beaucoup de bobines du patrimoine cinématographique algérien sont aujourd’hui perdues, avait alerté Fateh Ali Ayadi, réalisateur, précisant qu’une partie des archives se trouve à l’étranger comme la France, Bulgarie, ex-RDA…, insistant sur la nécessité de leur rapatriement.
À cela s’ajoute également la non-classification des archives à la télévision publique, qui demeure non répertoriés et non classé par une chronologie, s’était-il désolé en lors d’une rencontre en 2008 à la cinémathèque Ryadh El Feth autour de la thématique du « Cinéma et patrimoine » organisée par l´Association nationale des producteurs audiovisuels (AVA).
« On utilise faussement certaines images, ce qui est très grave», avait-il regretté, ajoutant : «Il faut reconnaître que l´ENTV a déployé beaucoup d´efforts pour la sauvegarde de ces images qui sont aujourd’hui numérisées, mais il reste beaucoup à faire ».
De même ampleur, les mauvaises conditions de stockage des vieux films dans nos cinémathèques risquent aussi de voir disparaître notre patrimoine audiovisuelle, des problèmes dûs essentiellement au manque de moyens financiers.
La question de trouver le meilleur moyen de conservation s’est posée, mais la mise en place d’un bunker spécialisé devrait instaurer une politique de conservation plus rigoureuse pour la préservation des bobines et négatifs de l’archive audiovisuelle.
Salim Aggar, journaliste et critique du cinéma, qui a fait un passage de plusieurs années à la tête du Centre algérien de la cinématographie (CAC), avait révélé l’état lamentable des archives filmiques.
« Elle sont dans un état catastrophique. Il y a des personnes qui sont restées plus de vingt ans dans cette cinémathèque et qui n’ont rien fait pour préserver ces bobines », avait-il confié dans une interview en 2019 pour la Radio algérienne.
Il avait insisté sur une nécessaire prise en charge de ce patrimoine : « On doit sauvegarder, restaurer et numériser ces archives qui sont un trésor pour l’Algérie. Les bobines qui peuvent être sauvées, nous les avons déjà déplacées à la Bibliothèque nationale ».
Et cela en devient même très urgent aujourd’hui.
« L’usure du temps a abîmé certaines bobines. Nous avons souhaité organiser un cycle de Faten Hamama, pour le quatrième anniversaire de sa disparition. Sur les sept films que la Cinémathèque possède, deux bobines se sont abîmées et nous avons pu en récupérer une, en attendant la restauration de ce qui a été abîmé. C’est un travail de longue haleine qui demande beaucoup de moyens, de temps et de patience », avait-il résumé.
Les études sur les archives audiovisuelles nationales sont assez maigres.
« J’étais surpris d’apprendre que nous avons « au niveau du CAC » plus 10 000 films de plus de 53 pays étrangers, hormis l’Algérie, des films rares de pays étrangers introuvables même dans leur propre pays », avait- indiqué Salim Aggar, expliquant que la Cinémathèque algérienne est la deuxième cinémathèque dans le monde en termes d’archives et de banque de données.
Hamid Mecheri