Le ministre de l’Agriculture, Youcef Cherfa, a tracé les contours d’une révolution silencieuse à Boumerdès. D’ici 2027, l’Algérie doublera ses capacités de stockage des céréales, passant de 4 à 9 millions de tonnes. Une annonce qui résonne comme un défi lancé aux décennies de dépendance aux importations. « C’est une question de souveraineté alimentaire », a martelé le ministre, les yeux fixés sur
l’horizon des plaines fertiles de la Mitidja.
Le projet, colossal, prévoit la construction de 30 silos géants, 16 de taille moyenne et 352 centres de proximité. Chacun de ces derniers, d’une capacité de 50 000 quintaux, deviendra un relais essentiel pour les agriculteurs locaux. « Aujourd’hui, nos greniers sont vides avant même la fin de l’année », confie un fermier de Si Mustapha, où le premier silo régional – d’un million de quintaux – sortira de terre pour plus de 8 milliards de dinars. Une réponse structurelle à un problème qui hante l’Algérie depuis son indépendance : en 1962, le pays importait déjà 80 % de ses céréales.
Cherfa a tenu à lier cette stratégie au plan présidentiel du président Abdelmadjid Tebboune, qui vise à éradiquer l’importation de blé tendre. Un objectif ambitieux, alors que l’Algérie reste le deuxième importateur mondial de blé derrière l’Égypte. Mais le ministre mise sur une mécanique bien huilée : « Stocker, c’est sécuriser. » Une logique éprouvée dans les années 1970, lorsque le défunt président Houari Boumédiène avait tenté de relancer l’agriculture via les coopératives.
L’annonce intervient aussi dans un contexte social tendu. La décision d’importer un million de moutons pour l’Aïd El Adha – « pour alléger le pouvoir d’achat » – montre l’urgence de calmer une population lasse des fluctuations des prix. « Le pain et l’agneau, ce sont les deux piliers de notre stabilité », glisse un économiste sous couvert d’anonymat.
Pourtant, des ombres planent. Les experts rappellent que le stockage ne suffit pas sans une hausse de la production. En 2023, le rendement céréalier par hectare restait inférieur de 30 % à la moyenne mondiale.
« Construire des silos, c’est bien. Moderniser l’irrigation et aider les petits paysans, c’est mieux », estime un agronome de l’INRAA.
Alors que les bulldozers commencent à creuser le sol de Si Mustapha, les agriculteurs attendent.
Beaucoup se souviennent des promesses non tenues des années 2000, quand des silos furent construits mais jamais utilisés, rongés par la corruption. « Cette fois, insiste Cherfa, chaque projet sera supervisé par des comités locaux. » Une manière de dire que l’autosuffisance ne se décrète pas – elle se cultive.
H.M
L’Algérie renforce l’option l’autosuffisance céréalière
Le stockage des céréales passera de 4 à 9 millions de tonnes