L’Algérie affiche une ambition claire : couvrir ses besoins en maïs gras et oléagineux d’ici 2028. Lors d’une rencontre régionale à Bouira, Hanane Labiad, directrice de la valorisation des produits agricoles, a martelé que le pays possédait « les moyens humains, fonciers et hydriques » pour y parvenir. Un discours appuyé par des chiffres précis : 220 000 hectares dédiés au maïs et 300 000 aux oléagineux
sont prévus, avec des étapes intermédiaires dès mars 2025.
Le programme, présenté aux agriculteurs et investisseurs de dix wilayas du centre, vise à réduire une facture d’importation qui pèse lourd : 1,6 milliard de dollars annuels pour le maïs gras, essentiel à l’alimentation du bétail, et 1,75 milliard pour les oléagineux et huiles brutes. « Ces cultures sont aujourd’hui importées à 100 % », a rappelé la responsable, soulignant l’urgence de mobiliser les terres nordiques et sahariennes.
Dès 2025, 30 000 hectares de maïs seront ensemencés, dont 22 000 dans le Sud, zone où l’État mise sur l’extension des périmètres irrigués. Pour les oléagineux (tournesol, colza, soja), 60 000 hectares sont programmés, avec 35 000 au Sud. Un plan soutenu par des incitations concrètes : la Caisse régionale de la mutualité agricole (CRMA) propose une réduction de 50 % sur les assurances aux
exploitants engagés dans ces filières.
Les participants, venus de Médéa, Alger, Tizi Ouzou ou Béjaïa, ont reçu des guides techniques détaillant les méthodes de culture adaptées à chaque région. L’accent a été mis sur la formation aux systèmes d’irrigation économes et aux semences hybrides résistantes. « Il ne s’agit pas de remplacer les céréales traditionnelles, mais de diversifier sans sacrifier la sécurité alimentaire », a insisté un agronome présent à la rencontre.
Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large. En 2024, le secteur agricole algérien avait enregistré une croissance de 7 %, selon les données officielles. Mais la dépendance aux importations de produits stratégiques reste un point noir. Entre 2010 et 2023, les achats de maïs ont augmenté de 40 %, tirés par la demande croissante en viande et produits laitiers.
Les défis sont multiples : convaincre les petits agriculteurs, souvent réticents à quitter les cultures céréalières subventionnées, ou maîtriser les coûts de production dans le Sud, où l’acheminement des intrants grève les marges. « La clé réside dans les partenariats public-privé », estime un investisseur présent à Bouira, évoquant des projets pilotes de fermes-modèles dans la région de Ghardaïa.
Si les objectifs sont atteints, l’Algérie pourrait économiser jusqu’à 3 milliards de dollars annuels d’ici 2030. Un enjeu qui dépasse l’économie : il s’agit de reprendre le contrôle d’une partie essentielle de la chaîne alimentaire, dans un contexte où les cours mondiaux des matières premières agricoles fluctuent sous l’effet des crises climatiques et géopolitiques.
M.K.