Le discours d’hier aura été fabuleux par un certain nombre de faits qui rappellent étrangement le schéma de la théorie du chaos. Ce schéma, résultat de paramètres parfois anodins, n’est jamais deviné ou anticipé, quel que soit le modèle mathématique usité.
Tout d’abord, le choix de la date : celle des funérailles de l’enterrement de feu Houari Boumediène, un certain 29 décembre 1978.
La cérémonie, comme d’habitude, est entamée par le récit de versets coranique. Là aussi, à mon avis, les textes ont choisis avec minutie. L’Imam de la mosquée de Ketchaoua récite la Sourat El Feth (verset 29)
qui retentit comme un son de glas : « Mohammed est le Messager d’Allah. Ceux qui l’accompagnent sont intransigeants envers les infidèles et bienveillants entre eux. Tu les vois s’incliner, se prosterner, recherchant la grâce d’Allah et Sa satisfaction. ».
Ensuite, c’est l’hymne national qui fait débat. Dans les cérémonies officielles en Algérie, nous avons trois versions : la version courte avec musique seulement, la version avec refrain et la version complète, celle qui fait mal à l’ancien colonisateur, qui est engagée dans les grandes cérémonies de l’Etat algérien.
Hier, nous avons eu droit au fameux couplet qui a donné bien des frissons à l’assistance :
Ô France, le temps des reproches est révolu Et nous l’avons plié comme on plie un livre.
Ô France, voici venu le jour des comptes Prépare-toi et reçois notre réponse.
Dans notre révolution réside le dernier mot Et nous avons fait le serment que vive l’Algérie.
Tous ces ingrédients n’étaient qu’un prélude à discours magistral, cher au peuple algérien, notamment ndans son volet relatif à notre Histoire et notre mémoire.
Le président de la République a répondu en premier lieu à l’attente de toute la classe politique par rapport à un dialogue national autour des grandes questions qui intéressent la Nation.
Après avoir fait un d’horizon sur la sécurité alimentaire et hydrique, le président a de suite attaqué le volet économique avec beaucoup d’éloges pour l’agriculture et le secteur de l’électroménager. Au-delà des réalisations, le président a révélé certains objectifs à atteindre à court terme.
A la fin de son discours, M. Abdelmadjid Tebboune a retourné carrément la pile de feuilles, avant de regarder l’assistance et engager un diagnostique réel et sincère des relations avec la France.
C’est elle l’inspiratrice, depuis Chirac, des thèses marocaines, à savoir la marocanité du Sahara Occidental, a-t-il suggéré. La France est devenue puissance nucléaire grâce aux essais de Reggane, mais elle a délaissé la région en omettant de procéder à une opération pour empêcher la propagation des radiations. La population en souffre jusqu’à ce jour, a déclaré le Président.
En s’attaquant au révisionnisme nouveau qui entache les relations des pays des deux rives de la méditerranée, le président de la République a amorcé un long discours sur la mémoire. A ce titre, il a été intransigeant allant même jusqu’à accuser les généraux français de génocidaires lors de différentes phases de l’occupation de l’Algérie.
Tout au long de la chute de son discours très émotif, M. Abdelmadjid n’abandonnait aucun territoire sur la carte de la mémoire et aucune disposition à céder quoi que ce soit sur ce dossier. Il s’est mis dans la peau de la descendance de plusieurs martyrs qu’il a cités à titre d’exemple. Ce qui a incité les élus du peuple à se levers à plusieurs reprises pour applaudir ce discours courageux et sincère. Un discours qui va droit dans le cœur des algériens.
Pour une fois, les relations avec la France sont exposées publiquement et sans demi-mots. Le président, comme tous les algériens, exige la reconnaissance des crimes commis en Algérie. Nous ne voulons rien d’autre que le respect pour cette Nation.
Yacine Merzougui