Les entreprises chinoises opérant au Soudan sont en arrêt d’activité depuis le renversement, lundi, du gouvernement par l’armée suite à de graves évènements politiques qui secouent le pays depuis des semaines et bloquent son économie, selon le quotidien The Global Times. Le journal chinois estime que cette instabilité politique risque de durer dans le temps mettant en danger les intérêts de Pékin dans la région.
Le climat d’incertitudes et la dégradation de la situation sécuritaire, avec interruption des réseaux de téléphonie mobiles et d’internet d’une part, et d’autre part la paralysie du Port Soudan entraînant le blocage de cargos et de quantités énormes de marchandises, suscitent des inquiétudes chez les responsables des entreprises chinoises sur place, telle que Power China. Cette compagnie, considérée comme une des plus importantes au monde du secteur de la production d’électricité, a déjà déclenché un plan d’urgence pour faire face aux difficultés de l’heure en réponse aux instructions de l’ambassade de la Chine à Khartoum.
« Après la détention (de Hamdok), l’ambassade de Chine a lancé une alerte de sécurité demandant à toutes les institutions financées par la Chine dans le pays d’activer immédiatement des plans d’urgence, de rassembler leur personnel et de suspendre temporairement la production », a révélé The Global Times.
Power China qui a 2 projets au Soudan, dans le secteur de l’hydroélectricité, n’est pas la seule firme chinoise opérant dans ce pays. D’autres compagnies y réalisent un certain nombre de projets dans divers secteur de l’activité économique, « un large éventail de projets de coopération (…) allant de l’énergie et des mines aux infrastructures, l’agriculture et le transport », a précisé The Global Times. « Le projet Sudan Petroleum est l’un des plus grands projets à l’étranger de China National Petroleum Corp » (CNPC), a-t-il ajouté.
Radio France International (RFI) a rapporté, Il y a environ une dizaine de jours, que, suite à de longues semaines de tensions entre l’armée et le gouvernement Hamdok, « 71 cargos à destination de Port-Soudan sont immobilisés dans la mer Rouge et plus de 10 000 conteneurs attendent d’être déchargés » sur fond d’une grave crise politique.
Un tel retard d’activité portuaire a, et aura, sans aucun doute, un coût élevé sur le plan financier dans un pays qui peine à redémarrer sa machine économique et sombre dans ses multiples conflits internes épicés et bien entretenus par « la main étrangère ». D’après l’envoyé spécial de RFI au Soudan, « les pertes sont massives, estimées à plus de 65 millions de dollars par jour ». En plus, « environ 200000 » personnes qui vivent du travail « au jour le jour » dans cette infrastructure portuaire sont au chômage, sachant que « 70 à 80% des habitants de Port-Soudan vivent de son activité ».
Rappelons également que c’est par ce port que transitent « plus de 90 % » des importations et exportations du pays, selon Ecofin, l’agence spécialisée dans les affaires économiques africaines basée au Cameroun.
D’un autre côté, le Soudan est déjà à la tête des 10 pays africains les plus endettés, avec 56 milliards de dollars de dettes, toutes origines confondues, selon les statistiques du FMI publiées en octobre.
En somme, l’actuelle crise politique au Soudan qui s’ajoute à ses graves difficultés économiques ne peut déboucher que sur une situation pire affaiblissant cet Etat qui a besoin de rassembler ses forces pour faire face aux tempêtes géopolitiques dans la région.
Pékin, ayant investit des milliards de dollars dans ce pays avec des ambitions d’implantation durable en Afrique, craint que l’instabilité qui le secoue affecte ses intérêts dans cette zone géographique sensible convoitée par les puissances mondiales aussi bien pour ces potentialités économiques que pour son importance géostratégique.
Le pays est un passage très important économiquement et sécuritairement sur les rives de la mer rouge entre le détroit Bab El-Mandab et le canal de Suez. Ce n’est surtout pas un hasard si, réagissant au coup d’état militaire survenu lundi, Moscou, qui elle-même a tenté sans succès d’établir à Port Soudan la base militaire dont elle rêvait, a critiqué « une ingérence étrangère d’ampleur » dans ce pays.