Hacène Kacimi dénonce la marginalisation africaine et défend la stratégie algérienne

Géopolitique du Sahel

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Lors d’un entretien exclusifà la chaine trois, l’analyste géopolitique Hacène Kacimi livre un regard sans concession sur la gestion internationale de la crise sécuritaire au Sahel, pointant du doigt la marginalisation des pays africains dans les décisions qui les concernent et défendant la politique algérienne, qu’il qualifie de seule approche réaliste et souveraine.
Commentant le récent sommet du G7 à Biarritz, Kacimi souligne que ce forum ne peut pas prétendre représenter un consensus international sur l’Afrique. « Ce sommet n’est pas un sommet international, ni de l’Union africaine ou des Nations unies, mais un rendez-vous d’un groupe d’intérêts, le G7, qui a décidé d’évoquer l’Afrique… sans l’Afrique », dénonce-t- il. « Sur place, il n’y avait qu’un seul Africain, le président rwandais, qui n’a aucun lien avec la zone sahélienne », rappelle-t-il, fustigeant une « exclusion manifeste » des pays en première ligne face au terrorisme dans la région. Selon lui, ce sommet cherche à imposer une solution
sécuritaire extérieure, issue des anciennes puissances coloniales comme la France, les États- Unis, l’Allemagne et le Canada, qui veulent perpétuer leur influence sous couvert de lutte antiterroriste. Or, cette stratégie a clairement échoué : « Leur présence n’a pas réduit la
menace, elle l’a aggravée. » Pour Kacimi, l’Algérie reste la puissance africaine de référence en matière de lutte contre le terrorisme : « Elle a éradiqué le terrorisme chez elle, elle a une doctrine claire et une expérience concrète. » Elle a aussi été au cœur des initiatives diplomatiques, notamment l’accord de paix de Bamako entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord.
« Contrairement à la solution militaire extérieure, l’Algérie prône une solution politique inclusive, fondée sur la réconciliation, la coopération régionale et le respect de la souveraineté des États. » Elle refuse fermement l’ingérence étrangère et insiste sur le fait
que les Africains doivent être maîtres de leurs propres destinées, ce qui est une question de dignité, d’efficacité, et de souveraineté.
Au-delà du volet sécuritaire, Kacimi rappelle que l’Algérie propose une approche holistique intégrant le développement économique et la coopération régionale. Il évoque la lutte contre la criminalité transnationale, notamment le trafic de drogue et de migrants, qui menace la stabilité des États sahéliens.
« L’Algérie travaille activement à promouvoir le marché continental africain, notamment via la ZLECAf, et encourage le développement intégré des infrastructures pour dynamiser les économies et réduire les migrations forcées. » Les migrations massives posent un défi majeur, environ 2 millions d’Africains migrent chaque année hors de leur pays, tandis que 25 à 30 millions se déplacent à l’intérieur du
continent. L’Algérie reçoit environ 150 000 migrants annuellement, avec des conséquences sur la sécurité et la cohésion sociale. La politique migratoire algérienne se veut ferme mais responsable, rappelant que ces flux sont souvent la conséquence de politiques nationales faibles ou contradictoires, comme au Niger. Sur le plan militaire, l’Algérie organise régulièrement d’imposants exercices pour maintenir sa capacité de défense face aux menaces régionales, sans viser un pays spécifique. Ces manœuvres s’effectuent avec plusieurs partenaires internationaux — Américains, Russes, Chinois — dans un cadre de non-alignement strict, garant de son autonomie stratégique. « Nous ne nous alignons sur aucune puissance, nous cherchons un équilibre qui assure la stabilité du Sahel et de la Méditerranée », conclut Kacimi. Depuis son accession au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Algérie multiplie les initiatives diplomatiques en faveur de la paix et de la justice, notamment en Afrique et au Proche- Orient. Dernièrement, elle a proposé une résolution exigeant l’arrêt immédiat des bombardements à Gaza et l’accès humanitaire d’urgence, dénonçant ce qu’elle qualifie de « génocide » perpétré contre les Palestiniens.
Pour Kacimi, la solidarité internationale évolue, avec une prise de conscience croissante des crimes commis dans la bande de Gaza, qu’il compare à une « Shoah moderne ». L’analyse d’Hacène Kacimi révèle un Sahel instrumentalisé par des puissances étrangères
sous couvert de lutte antiterroriste, alors que l’Algérie, par sa doctrine de souveraineté et son approche inclusive, se pose en véritable acteur de paix et de stabilité. Le continent africain, selon lui, doit impérativement reprendre en main son destin politique, sécuritaire
et économique, afin d’éviter que la région ne sombre davantage dans le chaos.
Sonia.H