Une trentaine de jours nous séparent du mois sacré du Ramadhan, alors que les prix des produits agricoles, notamment les fruits, montent en flèche atteignant des niveaux jamais connus auparavant. Certaines associations de consommateurs affirment que cette tendance est beaucoup plus causée par «des pratiques néfastes» de certains intermédiaires que par la simple règle de «l’offre et de la demande».
Alors que les subventions de l’Etat aux agriculteurs, la quasi-défiscalisation de l’activité agricole, les facilités en termes d’octroi de foncier agricole et de l’agroéquipement devraient faire baisser les prix, la mercuriale s’affole et continue à chauffer les poches des consommateurs.
Pour expliquer ces prix élevés, les professionnels s’attardent sur la cherté des semences et matières premières, la baisse des importations – qui étaient auparavant le principal outil pour réguler les prix pour compenser le manque de la production locale – ainsi que l’inflation et la sécheresse.
Mais «Al Amane», une association de défense des droits des consommateurs, affirme que le facteur qui aggrave plus la flambée des produits agricoles est un système collusoire entre les multiples intermédiaires entre l’agriculteur et le consommateur, pour fixer et maintenir les prix à la hausse.
L’informel, qui un terrain propice pour la spéculation, aide ces «lobbies» et «cartels» à faire des «profits énormes».
«En Algérie, les intermédiaires ne perdent jamais, soit c’est le producteur (agriculteur) qui perd, soit c’est le consommateur. Mais les intermédiaires gardent toujours des marges excessives et sont toujours à l’aise», s’est insurgé hier sur les ondes de la chaîne 3 Hacène Menouar, président de l’association «Al Amane».
«Il s’agit de lobbies et cartels qui sont très bien organisés, dans le seul objectif de gagner beaucoup d’argent, que ce soit sur le dos de l’agriculteur ou du consommateur», a-t-il ajouté.
Cela entraînant une insécurité et une instabilité alimentaires de fait, que les ménages devraient consacrer l’essentiel de leurs revenus à la nourriture.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a mis en cause, lors du Conseil des ministres tenu lundi dernier, le rôle néfaste des «bandes» qui exploitent les dysfonctionnements dans l’approvisionnement des marchés en différents produits de base pour «saper la stabilité sociale».
L’association suggère des pistes pour stabiliser les marchés alimentaires comme «la professionnalisation des réseaux de distribution».
L’un des objectifs serait «d’éviter la multiplication des intermédiaires», a expliqué Menouar, notant que «le rôle de l’intermédiaire est efficace quand il est contrôlé et suivi. Mais quand il est dans l’informel, il fait ce qu’il veut».
Dans sa vision des solutions pour réguler le marché, il propose : «D’abord, il va falloir élaborer une carte agricole pour savoir quoi produire, pendant quelle période et pour quel type d’Algériens, et en quelle quantité ? Pour répondre à la demande du marché, il faudrait faire une offre convenable afin de stabiliser et réguler le marché. Cela va encore pour notre mode de consommation, comme par exemple : est-ce qu’on va continuer à manger beaucoup de pomme de terre et ne pas suffisamment les autres légumes de la saison ? Les professionnels de la santé le disent bien, insistant sur le fait de manger équilibré en termes de fruits et légumes».
«Si je parle de fruits, je ne peux pas faire l’impasse sur ce qui se passe ces jours-ci. Les fruits sont hors de portée, alors que nous, en tant qu’association de défense des consommateurs, sommes en train d’appeler depuis des années les Algériens à manger beaucoup de légumes et fruits, d’une part ; d’autre part, il faudrait aussi professionnaliser les réseau de distribution. On ne peut pas réguler le marché quand plus de 50% de ce marché est dans l’informel. Sans oublier bien sûr la numérisation qui est la clé avec laquelle on peut éviter la déperdition des réseaux de distribution et éviter la contrebande et la spéculation, ainsi que les malfaçons dans le commerce», a-t-il énuméré.
«Il faut également trouver des alternatives au mode de consommation actuel, et je peux dire en tant que président d’association, que notre mode de consommation n’est pas très convenable en matière de santé et de bien-être», a-t-il ajouté.
Réagissant à l’annonce de la création du dispositif de veille minutieux sur l’approvisionnement des marchés, Menouar a estimé que «cela est très important», rappelant que son association réclame un tel organe de contrôle «depuis des années».
Il a insisté aussi sur la constitution d’un «réseau d’alerte» à travers toutes les wilayas du pays : «Nous avons un large territoire, les prix ne sont pas les mêmes, les produits également, et même la culture de consommation ne devrait pas être la même. Donc, le dispositif de veille va permettre de mieux réguler et mieux contrôler et aussi mieux accompagner le consommateur. Ces jours-ci, on est inquiets d’être lésés dans nos droits de consommation. On voit beaucoup de produits de large consommation dont les prix ne sont pas maîtrisés et même la qualité laisse à désirer».
Menouar appelle à l’implication des associations des consommateurs dans ce nouveau dispositif pour deux raisons : surveiller et contrôler les marchés et aussi émettre des propositions et recommandations.
Hamid Mecheri