Par Yacine Merzougui
Au terme du mois de novembre 2024, la Banque d’Algérie présente une situation financière marquée par une hausse significative de la masse monétaire en circulation et une évolution contrastée de ses principaux agrégats. Le total du bilan s’établit à 17.274 milliards de dinars, en baisse par rapport aux mois précédents de l’année.
Les billets et pièces en circulation ont atteint 9.013 milliards de dinars en novembre, soit une augmentation notable comparée aux 8.982 milliards enregistrés en septembre. Cette progression témoigne d’une forte demande de liquidités par les agents économiques. Les avoirs en devises s’élèvent à 898 milliards de dinars, en légère baisse par rapport au pic de 927 milliards observé en septembre.
Le portefeuille des participations et placements de la Banque centrale s’est établi à 7.866 milliards de dinars, accusant une baisse par rapport aux 7.909 milliards de septembre. Les titres émis ou garantis par l’État totalisent 6.384 milliards de dinars, dont 520 milliards au titre de l’article 55 de la loi n° 23-09 du 21 juin 2023 et 5.864 milliards dans le cadre de l’article 45 bis.
Les comptes des banques et établissements financiers affichent un solde de 461 milliards de dinars, en net recul par rapport aux 2.303 milliards enregistrés en septembre. Cette baisse significative traduit une modification importante dans la gestion des liquidités du système bancaire.
L’analyse des neuf premiers mois de l’année 2024 révèle une relative stabilité du stock d’or, maintenu à 1.143 milliards de dinars. Les droits de tirages spéciaux (DTS) ont connu des fluctuations modérées, oscillant entre 569 et 585 milliards de dinars, pour s’établir à 566
milliards en novembre.
Le compte courant créditeur du Trésor public a enregistré une baisse continue depuis janvier, passant de 2.031 milliards à 461 milliards de dinars en novembre, illustrant une utilisation accrue des ressources par l’État. Les réserves de la Banque centrale se sont stabilisées à 500 milliards de dinars, tandis que les provisions demeurent inchangées à 1.500 milliards.
Cette évolution des agrégats monétaires intervient dans un contexte économique et financier marqué par des défis structurels et par une volonté des autorités monétaires de maintenir la stabilité financière tout en soutenant la croissance économique.
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Monnaie fiduciaire
L’évolution de la masse monétaire reflète les mutations économiques
La circulation fiduciaire en Algérie a connu une progression remarquable au cours de l’année 2024, atteignant le seuil historique de 9.013 milliards de dinars en novembre. Cette évolution, qui représente une augmentation de près de 800 milliards de dinars par rapport au début de l’année, révèle une modification substantielle des comportements monétaires des agents économiques.
L’analyse mensuelle de 2024 met en évidence une trajectoire ascendante constante. Janvier s’ouvrait avec un volume de 8.215 milliards de dinars en circulation, suivi d’une légère hausse en février à 8.261 milliards. La progression s’est accentuée en mars avec 8.383 milliards, pour atteindre 8.470 milliards en avril. Le mois de mai a vu ce montant grimper à 8.500 milliards, tandis que juin enregistrait 8.722 milliards.
Le second semestre a maintenu cette tendance haussière avec 8.803 milliards en juillet, 8.869 milliards en août, et 8.982 milliards en septembre, pour culminer à 9.013 milliards en novembre. Cette augmentation régulière traduit une préférence accrue des agents économiques pour la liquidité, phénomène qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels.
L’expansion de la masse fiduciaire s’inscrit dans un contexte économique particulier, marqué par une reprise post-pandémique et une adaptation des comportements financiers. Le rythme de croissance mensuel moyen de 1,2% observé sur cette période illustre une dynamique soutenue de la demande de monnaie fiduciaire.
Cette évolution soulève des questions quant à l’efficacité des politiques de modernisation des moyens de paiement et de bancarisation. En effet, malgré les efforts déployés pour promouvoir les paiements électroniques et réduire la circulation du cash, la préférence pour la monnaie fiduciaire demeure prégnante dans les habitudes des Algériens.
Les variations saisonnières ont également influencé cette trajectoire, avec des pics notables durant les périodes de forte activité commerciale, notamment pendant le mois de Ramadan et la saison estivale. Ces fluctuations témoignent de l’importance persistante du cash dans les transactions quotidiennes.
La hausse continue de la circulation fiduciaire pose des défis majeurs en termes de politique monétaire et de supervision bancaire. Elle implique des coûts logistiques significatifs pour la Banque d’Algérie, chargée d’assurer la disponibilité et la qualité des billets en circulation.
Cette situation interpelle également sur la nécessité d’accélérer la transformation digitale du secteur financier algérien. L’adoption croissante des services bancaires mobiles et des solutions de paiement électronique pourrait, à terme, contribuer à modérer cette tendance haussière.
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Avoirs extérieurs
Les réserves de change face aux défis de la conjoncture internationale
Les avoirs en devises de la Banque d’Algérie ont connu une évolution fluctuante tout au long de l’année 2024, pour s’établir à 898,3 milliards de dinars en novembre. Cette position, qui représente l’une des composantes essentielles des réserves officielles du pays, reflète les dynamiques complexes des échanges internationaux et de la balance des paiements.
L’analyse chronologique révèle des variations significatives au fil des mois. Janvier débutait avec un niveau de 807,31 milliards de dinars, suivi d’une légère baisse en février à 781,31 milliards. Mars a vu ce montant diminuer davantage à 756,33 milliards, avant une reprise en avril à 784,66 milliards. Mai a marqué une hausse notable à 887,92 milliards, suivie d’une relative stabilité en juin avec 872,50 milliards.
Le second semestre a débuté avec 868,16 milliards en juillet, puis une baisse à 792,42 milliards en août, avant un rebond significatif en septembre à 927,26 milliards. Cette volatilité traduit la sensibilité des avoirs extérieurs aux fluctuations des marchés internationaux et aux variations des prix des hydrocarbures, principale source de devises du pays.
Les droits de tirage spéciaux (DTS) ont maintenu une relative stabilité, oscillant autour de 566 milliards de dinars, illustrant le rôle de cette composante comme instrument de réserve internationale. Les accords de paiements internationaux, avec un montant de 512 milliards de dinars, complètent ce dispositif de gestion des relations financières externes.
Cette configuration des avoirs extérieurs s’inscrit dans une stratégie plus large de gestion des réserves de change. Les souscriptions aux organismes financiers multilatéraux et régionaux, s’élevant à 386 milliards de dinars, témoignent de l’engagement de l’Algérie dans les instances financières internationales.
La politique de diversification des placements extérieurs, initiée depuis plusieurs années, vise à optimiser la rentabilité des réserves tout en maintenant un niveau de sécurité élevé. Les participations et placements, totalisant 7.866 milliards de dinars, constituent un élément central de cette stratégie.
L’évolution des avoirs en devises reflète également les efforts de la Banque centrale pour maintenir l’équilibre entre la nécessité de disposer de réserves suffisantes pour faire face aux engagements internationaux et l’impératif de préserver la valeur de ces actifs dans un contexte de volatilité des marchés mondiaux.
La structure des réserves de change, dominée par les devises fortes, notamment le dollar américain et l’euro, répond aux besoins du commerce extérieur algérien. Cette composition, régulièrement ajustée, vise à minimiser les risques de change tout en assurant la liquidité nécessaire aux opérations internationales.
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Participations et placements
Une gestion patrimoniale en constante adaptation
Les participations et placements de la Banque d’Algérie ont atteint 7.866 milliards de dinars en novembre 2024, marquant une évolution significative du portefeuille d’investissement de l’institution monétaire. Cette composante majeure du bilan reflète la stratégie de diversification et d’optimisation des ressources financières de la banque centrale.
L’analyse mensuelle de 2024 révèle une trajectoire fluctuante. Janvier affichait un montant de 7.960,27 milliards de dinars, suivi d’une légère hausse en février à 7.993,93 milliards. Mars a vu ce montant progresser à 8.042,76 milliards, atteignant son pic annuel en avril avec 8.082,73 milliards. Mai a maintenu un niveau élevé à 8.078,91 milliards, avant un léger repli en juin à 8.015,17 milliards.
Le second semestre a débuté avec 8.052,14 milliards en juillet et 8.076,52 milliards en août, avant de connaître une baisse en septembre à 7.909,89 milliards, tendance qui s’est poursuivie jusqu’en novembre. Cette évolution témoigne d’une gestion dynamique du portefeuille, adaptée aux conditions changeantes des marchés financiers.
Les titres émis ou garantis par l’État constituent une part prépondérante de ces placements, avec 6.384,40 milliards de dinars en novembre. Cette composante se répartit entre 520,20 milliards au titre de l’article 55 de la loi n° 23-09 et 5.864,20 milliards dans le cadre de l’article 45 bis, illustrant le rôle crucial de la Banque d’Algérie dans le financement du Trésor public.
Les opérations de pension, essentiellement publiques, représentent 796,20 milliards de dinars, reflétant l’importance des interventions de la banque centrale sur le marché monétaire. Cette activité s’inscrit dans le cadre de la régulation de la liquidité bancaire et du soutien au système financier.
La structure des placements révèle une stratégie privilégiant la sécurité et la liquidité, conformément aux missions fondamentales d’une banque centrale. Les participations aux organismes financiers multilatéraux et régionaux, s’élevant à 386,46 milliards de dinars,
témoignent de l’engagement international de l’Algérie.
L’évolution de ce portefeuille s’inscrit dans un contexte de transformation du paysage financier mondial. La Banque d’Algérie adapte continuellement sa politique de placement aux nouvelles réalités économiques, tout en préservant les équilibres fondamentaux.
La gestion de ces actifs répond à des critères stricts de diversification des risques et de rendement optimal. Les décisions d’investissement prennent en compte non seulement les aspects financiers mais aussi les implications en termes de politique monétaire et de stabilité financière.
Les fluctuations observées au cours de l’année 2024 reflètent également les arbitrages effectués entre différentes classes d’actifs. La baisse progressive du volume global des participations et placements traduit une réallocation stratégique des ressources en fonction des besoins de l’économie nationale. Cette évolution s’accompagne d’une modernisation des outils de gestion et de suivi des placements. La Banque d’Algérie renforce continuellement ses capacités d’analyse et de gestion des risques pour optimiser la performance de son portefeuille d’investissement.
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Comptes du Trésor public
Les finances publiques sous le prisme de la Banque centrale
Le compte courant créditeur du Trésor public auprès de la Banque d’Algérie a enregistré un solde de 461,62 milliards de dinars en novembre 2024, marquant une évolution significative par rapport aux mois précédents. Cette position reflète les mutations profondes dans la gestion de la trésorerie de l’État et ses relations avec l’institution monétaire.
L’analyse chronologique de l’année 2024 révèle une tendance baissière prononcée. Janvier s’ouvrait avec un solde confortable de 2.031,62 milliards de dinars, avant de connaître une première diminution en février à 1.797,41 milliards. Mars a vu ce montant se réduire à 1.437,06 milliards, suivi d’une légère remontée en avril à 1.457,23 milliards. Mai et juin ont poursuivi la tendance baissière avec respectivement 1.295,78 et 1.133,57 milliards.
Le second semestre a débuté avec un rebond à 1.271,90 milliards en juillet, avant de nouvelles baisses en août (1.186,26 milliards) et septembre (908,04 milliards), pour atteindre son plus bas niveau en novembre. Cette trajectoire descendante illustre les pressions exercées sur la trésorerie publique tout au long de l’année.
Les avances au Trésor public, encadrées par l’article 48 de la loi n° 23-09 du 21 juin 2023, affichent un solde nul, conformément aux nouvelles dispositions légales régissant les relations entre la Banque centrale et le Trésor. Cette situation traduit la volonté des autorités de maintenir une gestion orthodoxe des finances publiques.
Les titres émis par l’État détenus par la Banque d’Algérie totalisent 6.384,40 milliards de dinars, répartis entre les différentes catégories prévues par la réglementation. Cette position importante reflète le rôle central de l’institution monétaire dans le financement de l’économie nationale.
La structure des relations financières entre le Trésor et la Banque centrale s’inscrit dans un cadre réglementaire strict. Les opérations sont régies par des conventions spécifiques qui définissent les modalités de gestion des flux financiers et les conditions de rémunération des dépôts.
L’évolution observée en 2024 s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’exécution du budget de l’État, la dynamique des recettes fiscales et des dépenses publiques, ainsi que les conditions du marché financier domestique. La baisse progressive du solde créditeur traduit une utilisation accrue des ressources disponibles pour financer les dépenses publiques.
Cette situation intervient dans un contexte de transformation du mode de financement de l’économie nationale. La réduction du recours aux avances de la Banque centrale impose une gestion plus rigoureuse de la trésorerie publique et une diversification des sources de
financement.
Les variations mensuelles importantes reflètent également la saisonnalité des recettes et des dépenses publiques. Les pics observés correspondent souvent aux échéances fiscales majeures, tandis que les creux coïncident avec les périodes de forte consommation budgétaire. Cette évolution des comptes du Trésor souligne l’importance d’une coordination étroite entre la politique monétaire et la politique budgétaire. La gestion de la liquidité publique constitue un enjeu majeur pour la stabilité financière et la conduite efficace de la politique économique nationale.
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Comptes postaux
Une activité en dents de scie révélatrice des mutations financières
Les comptes chèques postaux (CCP), gérés par Algérie Poste sous la supervision de la Banque d’Algérie, ont affiché une évolution erratique au cours de l’année 2024, pour atteindre 1,16 milliard de dinars en novembre. Cette fluctuation reflète les transformations profondes que connaît le système financier algérien et les nouveaux comportements des usagers.
L’analyse mensuelle de 2024 met en lumière des variations significatives. L’année a démarré avec un solde de 1,27 milliard de dinars en janvier, avant de connaître une baisse en février à 1,14 milliard. Mars a vu une légère reprise à 1,25 milliard, suivie d’une nouvelle baisse en avril à 1,22 milliard. Le mois de mai a enregistré une hausse à 1,33 milliard, avant un recul en juin à 1,11 milliard.
Le second semestre s’est distingué par un pic notable en juillet, atteignant 1,83 milliard de dinars, le niveau le plus élevé de l’année. Cette hausse a été suivie d’une chute brutale en août à 1,04 milliard, puis d’une légère remontée en septembre à 1,07 milliard, avant d’atteindre 1,16 milliard en novembre.
Ces fluctuations interviennent dans un contexte de modernisation continue du réseau postal algérien. Algérie Poste, qui gère plus de 20 millions de comptes CCP, poursuit sa transformation digitale avec le déploiement de nouveaux services électroniques et le renforcement de son infrastructure technologique.
L’évolution des soldes CCP auprès de la Banque d’Algérie démontre également des changements dans les habitudes des usagers. La multiplication des moyens de paiement électroniques, notamment la carte Edahabia, et le développement des services de e-paiement influencent directement la gestion de la trésorerie postale.
Les variations saisonnières marquées s’expliquent par plusieurs facteurs. Les pics correspondent souvent aux périodes de versement des salaires et pensions, particulièrement dans le secteur public où le CCP demeure un moyen de paiement privilégié. Les creux coïncident généralement avec les périodes de forte consommation, notamment durant les fêtes religieuses et la rentrée scolaire.
La modernisation du système CCP s’inscrit dans la stratégie nationale d’inclusion financière. L’extension du réseau des guichets automatiques, la généralisation des services en ligne et l’interopérabilité avec le système bancaire constituent des axes majeurs de développement.
Le rôle social des CCP reste prépondérant, notamment dans les zones rurales où ils représentent souvent l’unique moyen d’accès aux services financiers. Cette mission de service public explique l’attention particulière portée à la gestion de la liquidité et à la qualité du service.
Les défis techniques et opérationnels demeurent importants. La gestion des pics d’affluence, la maintenance des systèmes d’information et la sécurisation des transactions nécessitent des investissements constants et une adaptation continue des procédures.
L’intégration croissante des CCP au système financier national se traduit par une collaboration renforcée avec la Banque d’Algérie. Cette coopération vise à optimiser la gestion de la liquidité et à améliorer l’efficacité des circuits financiers. La digitalisation des services postaux, accélérée par la crise sanitaire, a modifié profondément les comportements des usagers. L’adoption croissante des services en ligne et mobiles influence directement les flux financiers et la gestion des comptes CCP. Cette évolution s’accompagne d’un renforcement des mesures de sécurité et de contrôle. La lutte contre la fraude et la protection des données des usagers constituent des priorités absolues dans la modernisation du système.
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Finances publiques
Les titres publics, pilier du bilan de la Banque centrale
Les titres émis ou garantis par l’État constituent un poste important dans le bilan de la Banque d’Algérie, totalisant 6.384 milliards de dinars en novembre 2024. Cette rubrique, éclatée entre deux catégories distinctes, montre les différents mécanismes de financement public encadrés par la législation monétaire.
L’article 55 de la loi n° 23-09 du 21 juin 2023, qui autorise la Banque d’Algérie à détenir des titres publics à hauteur de 520 milliards de dinars, représente les opérations classiques de la banque centrale sur le marché monétaire. Ce dispositif permet à l’institution d’intervenir dans la régulation de la liquidité bancaire à travers l’achat et la vente de titres publics.
Le montant le plus significatif, soit 5.864 milliards de dinars, relève de l’article 45 bis. Cette disposition légale, introduite pour répondre aux besoins exceptionnels de financement de l’État, autorise la banque centrale à acquérir directement des titres émis par le Trésor public. Ce mécanisme a été mis en place pour faire face aux déséquilibres budgétaires et soutenir les programmes d’investissement public.
La présence importante des titres publics dans le bilan de la Banque d’Algérie illustre la relation étroite entre la politique monétaire et la gestion de la dette publique. Elle soulève également des questions sur la soutenabilité à long terme de ce mode de financement et ses implications sur la stabilité monétaire.
L’analyse chronologique de l’année 2024 montre une stabilité remarquable de ces encours, montrant une petite pause dans le recours à ce type de financement. Cette situation contraste avec les années précédentes, marquées par une expansion continue du portefeuille de titres publics de la banque centrale.
Cette configuration du bilan démontre la complexité des enjeux de financement de l’économie nationale, dans un contexte où la diversification des sources de financement du Trésor public demeure un défi de tous les jours pour les autorités monétaires et financières.