Pour sa première exposition personnelle, Fella Tamzali a fait le choix d’installer «Arcanes» dans l’espace intimiste de la galerie Rhizome, rue Didouche Mourad. «C’est un espace sur-mesure qui est mis en valeur par ce magnifique carrelage à l’ancienne», note l’artiste-peintre. Mme Tamzali a pris possession des lieux durant cinq semaines, du 25 avril au 1er juin, pour inviter «les personnes lambdas à partager un moment de mon (son) univers». S’il y a bien une œuvre qui décrit cet univers, c’est «Hide and Seek» qui figurait sur le mur principal de la galerie. Un personnage qui se soulage contre un arbre sous le faisceau d’une lampe tenue par un autre homme. L’œuvre en trois panneaux – qui montre en son centre un énigmatique homme taureau – fait nécessairement réfléchir. «Ces images sont cryptées, elles correspondent à des moments de mon existence. J’estime que je crée des conditions pour que chacun s’interroge et que cela puisse servir de tremplin pour l’imagination. La philosophe Marie-José Mondzain, qui est spécialiste du rapport à l’image, lors d’une discussion publique, avait réagi par un ‘ ‘qu’est-ce qui se passe’’ en voyant mes toiles. En fait, il y a de l’action, et pour le sens, chacun est tenu de se faire sa propre interprétation. Il n’est pas utile de savoir ce que j’y ai mis. Quand vous ouvrez un livre, vous n’avez pas besoin de mode d’emploi. Je pose des tableaux qui racontent une histoire, mais chacun se raconte la sienne. Chacun est invité à ressentir», explique l’artiste qui est architecte de formation. Fella Tamzali «ne se revendique d’aucune école artistique en particulier». «Tout m’intéresse. Je ne revendique rien, je souhaite juste rencontrer un spectateur. N’importe lequel, pas forcément quelqu’un qui connaît l’histoire de l’art.. J’ai adopté des codes qui consistent à faire des choses assez simples et visibles». En plus des toiles, «Arcanes» se décline également en une série d’aquarelles consacrées au corps, «un travail automatique sans réelles intentions». Derrière un épais rideau noir, les spectateurs étaient invités à visionner «Piste», une installation vidéo montrant des pieds foulant de la terre glaise. «C’est parti d’une image mentale précise, elle était en mouvement, donc je l’ai restituée en vidéo», souligne Mme Tamzali. Terre, forêt, chiens, chevaux, corps… un univers sans réels liens logiques. «Mon imagination passe par le corps. J’ai des images de corps en mouvement dans certaines postures. Le corps et la posture sont un langage en soi. C’est à partir de là que je mets en scène les figures. Je reproduis des images de mon esprit. Ce sont des flashs. Le reste est le fruit d’une mise en scène. La forêt dans mes toiles est le fruit du hasard», insiste encore l’artiste, comme pour mieux brouiller les pistes de la compréhension. Dans cette exposition commissariée par Beya Othmani, l’invitation était adressée aux sens, pas à la logique.
T. H.