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mercredi, janvier 15, 2025

Face à une action militaire de la Cedeao qui se précise au Niger

L’Algérie regrette le refus d’explorer une solution politique

Au lendemain de l’annonce des chefs de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) d’avoir convenu d’une date pour une possible intervention militaire au Niger, l’Algérie a exprimé ses profonds regrets du fait que l’option militaire soit favorisée au détriment d’une solution politique, mettant en garde contre les conséquences d’un tel choix.«Au moment où une intervention militaire au Niger se précise, l’Algérie regrette profondément que le recours à la violence ait pris le pas sur la voie d’une solution politique négociée pour le rétablissement pacifique de l’ordre constitutionnel et démocratique dans ce pays frère et voisin», a indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger.«L’Algérie demeure, en effet, animée d’une forte conviction que cette solution politique négociée demeure encore possible, que toutes les voies qui peuvent y conduire n’ont pas été empruntées et que toutes ces possibilités n’ont pas été épuisées», a-t-il poursuivi.

Vendredi dernier, à l’issue d’une réunion de deux jours des chefs d’état-major de la Cedeao organisée à Accra, la capitale du Ghana, le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’organisation, Abdel-Fatau Musah, a annoncé que le jour «J» d’une potentielle intervention militaire «a été fixé», mais sans donner plus de détails.

«Nous sommes prêts à (intervenir) dès que l’ordre en sera donné», a-t-il dit, ajoutant : «Nous sommes déjà convenus de ce qui serait nécessaire et avons soigné les moindres détails de l’intervention» tout en rassurant que la piste du dialogue n’est pas encore «fermée».

L’option d’une intervention militaire a divisé les pays d’Afrique de l’Ouest, du Sahel et au-delà.

L’Algérie, forte de son expérience de longues années dans la lutte contre le terrorisme et les groupes armés radicaux, est pleinement consciente que l’utilisation de la force militaire comme alternative à l’option diplomatique pour mettre fin au coup d’Etat au Niger accroîtrait la fragilité de la région.

«L’histoire de notre région enseigne abondamment que les interventions militaires ont été porteuses d’un surcroît de problèmes que de solutions et qu’elles ont été des facteurs supplémentaires d’affrontements et de déchirements plutôt que des sources de stabilité et de sécurité», a déploré le ministère des Affaires étrangères algérien.

En effet, il y a de plus en plus de signes palpables que toute intervention militaire risque d’exacerber les tensions au Niger même, ainsi que chez ses voisins, a alerté, mardi dernier, lors d’un discours, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) Saïd Chanegriha – par visioconférence – à l’occasion de la 11e Conférence sur la sécurité internationale organisé à Moscou.

«Dans le contexte des développements que connaît le Niger, l’Algérie appelle à un retour à la logique constitutionnelle dans les plus brefs délais, loin des ingérences étrangères qui créeront davantage d’instabilité dans la région», a déclaré Chanegriha.

Les groupes armés affiliés à Al Qaîda ou Daech présents dans la région du Sahel ont frappé fort ces derniers jours.

En une semaine, les forces de défense et de sécurité du Niger ont perdu au moins 28 hommes, d’après le ministère de la Défense nigérienne : 6, dimanche dans un guet-apens près de Sanam, à 300 kilomètres de Niamey, 17, mardi, sans compter une vingtaine de blessés graves, après une embuscade aux alentours de Koutougou, tout près du Burkina Faso. Et le 9 août, 5 membres de la Garde nationale ont été tués dans l’attaque de leur camp, toujours à côté de la frontière burkinabè. Des signes qui révèlent comment la militarisation du conflit ne contribuera qu’à ouvrir les portes aux djihadistes.

En réaction à la menace de la force, davantage de Nigériens sont descendus hier dans la rue pour montrer leur opposition, avec une manifestation organisée près d’une base militaire française à Niamey.

Cette manifestation s’est tenue au lendemain du discours télévisé du général Abdourahamane Tchiani, chef des putschistes, qui a annoncé une période de transition de trois ans maximum, et la convocation d’un «dialogue national» qui devra formuler des «propositions concrètes» sous 30 jours, afin de poser «les fondements d’une nouvelle vie constitutionnelle».

Cela intervient alors que l’option diplomatique a franchi des points notables dans le processus de la résolution de la crise au Niger.

Samedi, une délégation conduite par l’ancien président nigérian Abdulsalami Abubakar a été accueillie à l’aéroport de Niamey par le nouveau Premier ministre nommé par la junte, Ali Mahaman Lamine Zeine.

Abdulsalami Abubakar s’est entretenu avec le général Tchiani dans l’après-midi, et a même eu des entretiens avec le président déchu, Mohamed Bazoum, détenu dans le palais présidentiel.

«Notre ambition n’est pas de confisquer le pouvoir», a déclaré le général Abdourahamane Tchiani, à la suite de cette rencontre, ce qui représente une percée dans les efforts de dialogue, qui préfigure d’autres succès. Mais, pourvu que la communauté de la Cedeao songe à la justesse de continuer sur cette voie. «Car si une agression devait être entreprise contre nous», a averti le général Tchiani, «elle ne sera pas la promenade de santé à laquelle certains croient».

«Avant que l’irréparable ne soit commis, et avant que la région ne soit prise dans l’engrenage de la violence dont nul ne peut prédire les conséquences incalculables, l’Algérie appelle toutes les parties à la retenue, à la sagesse et à la raison, qui toutes commandent de redonner résolument la plus haute priorité à l’option politique négociée à la crise constitutionnelle actuelle, épargnant ainsi au Niger frère et à l’ensemble de la région des lendemains lourds de menaces et de périls, dont notamment un regain de vigueur et d’agressivité du terrorisme et des autres formes de criminalité qui affectent gravement la région», a prévenu le ministère des Affaires étrangères algérien.

Hamid Mecheri

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