Par : Mohamed Mouloudj
L’extrême droite française s’est toujours nourrie de la haine de l’autre, évoluant au fil du temps selon ses cibles et ses obsessions. Si aujourd’hui son discours se focalise principalement sur l’immigration et l’islam, principalement algérienne, ses racines plongent dans un antisémitisme virulent, notamment sous le régime de Vichy. Entre 1940 et 1944, sous la houlette du maréchal Pétain, la France collabore activement avec l’occupant nazi, livrant des milliers de Juifs à la déportation. Ce régime n’est pas seulement un exécutant des
ordres allemands. Des récits précisent que le régime de Vichy précédait parfois l’occupant allemand dans la répression et l’exclusion, illustrant combien l’antisémitisme était ancré dans cette extrême droite d’alors. Aujourd’hui, ce même courant politique change de posture et tente de redorer son image, affichant un soutien de façade à l’entité sioniste. C’est dire que l’extrême droite à d’autres « haines » à fouetter. L’antisémitisme n’a pas disparu. Il s’est simplement camouflé derrière d’autres formes de rejet. Car l’extrême droite a d’autres haines à nourrir et à faire-valoir pour mieux faire peur. Après la guerre, son discours haineux change de cible sans disparaître. Dans les années 1950-60, la Révolution algérienne devient le foyer de ses obsessions et le sujet de débats nourrissant une animosité sans limite. Durant la guerre de Libération, il se trouve que les militaires français qui se sont illustrés sauvagement par les exécutions extrajudiciaires, les viols, les pillages et la torture, ont trouvé refuge dans l’extrême droite après leur départ d’Algérie.
Parmi eux, certains ont été accusés de pratiques abominables, à l’image de Jean-Marie Le Pen, futur fondateur du parti xénophobe Front national.
L’Organisation armée secrète (OAS), née d’un coup de force militaire en 1961 pour empêcher l’indépendance algérienne, incarne cette volonté de maintenir l’Algérie sous domination française à tout prix. Ses membres prônent la terreur et les assassinats, ciblant ceux qui militent pour l’indépendance et allant jusqu’à tenter d’assassiner le général de Gaulle. Nostalgiques de l’Algérie française, ces militants rejettent l’idée même de la décolonisation et voient dans les Algériens une menace existentielle. Face à cette rébellion, De Gaulle
fustigeait « des généraux putschistes », les qualifiant de « quarteron de généraux en retraite » et dénonçant un véritable « pronunciamiento », terme utilisé pour souligner la traîtrise et la crise institutionnelle provoquée au sein de la 5 e République, née quelques années auparavant en plein guerre en Algérie. Il estimait déjà que ces adeptes de la haine « ne connaissaient le monde que déformé ». Mais cette haine ne disparaît pas avec la fin du conflit en 1962. Elle se transforme progressivement en rejet des immigrés d’origine nord-africaine, accusés de venir « remplacer » les Français de souche. Dans les décennies suivantes, l’extrême droite française se structure politiquement autour de ce rejet, notamment sous l’impulsion du Front national, fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen et d’anciens membres de l’OAS. D’abord marginalisé, son discours islamophobe prend de l’ampleur dans les années 1980 et 1990, surfant sur les tensions liées aux logements, au travail, mais surtout aux attentats et à l’immigration. La figure de l’ennemi ne cesse de se
déplacer. Après le Juif, puis l’Algérien indépendantiste, c’était autour du musulman qui est désigné comme une menace pour la France. Aujourd’hui, le vieil antagonisme avec l’Algérie resurgit, ravivé par les tensions mémorielles et diplomatiques. L’extrême droite, fidèle à ses habitudes, instrumentalise l’histoire coloniale et attise la peur d’une supposée « revanche algérienne ».
Loin d’être une rupture, cette évolution illustre une continuité dans la xénophobie et la haine d’une extrême droite qui adapte son discours à l’air du temps, mais dont le fondement reste le même, à savoir l’exclusion et la haine de l’autre. Aujourd’hui encore, sa rhétorique repose sur l’exploitation des peurs et des crispations identitaires pour nourrir son projet politique. La crise politique interne et les tensions internationales sont pour elle une aubaine, un terrain fertile pour ses thèses. Si les formes et les figures changent, la logique reste intacte. Il s’agit encore et toujours de désigner un ennemi intérieur, attiser la haine et diviser pour mieux régner.
M. M