Eux, ils iront à Canossa

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Edito
Par Mohamed Mouloudj

La récente rhétorique révisionniste, glorifiant les supposés « bienfaits » de la colonisation, illustre une inquiétante tendance à ignorer les souffrances du passé au profit de discours populistes d’aujourd’hui. Ces propos, relayés au plus haut sommet de l’État français, ne sont pas seulement un affront à la vérité historique, mais aussi une insulte aux millions de vies broyées par le système colonial, notamment en Afrique. Derrière les mots, une stratégie s’est dessinée sournoisement. Elle est celle d’une France prisonnière de courants extrémistes qui, dans leur nostalgie de « l’Algérie française » et leurs relents xénophobes et racistes, détournent l’histoire pour justifier une vision paternaliste et hégémonique rejetée par toute réflexion sensée. Cette posture ne vise qu’à effacer les atrocités. Du génocide des Herero et Namaqua en Namibie aux répressions sanglantes en Algérie, en passant par le Congo belge et Madagascar. Ces crimes, gravés dans la mémoire collective des peuples colonisés, ne peuvent être balayés sous prétexte d’un rôle « civilisateur » mené
par des escouades de criminels venant apporter « la civilisation » dans ces contrées lointaines d’Afrique qui vivaient pourtant dignement. Ce révisionnisme, souvent alimenté par l’extrême droite, banalise la violence structurelle de la colonisation et tente d’effacer l’affront fait à l’humanité. Pillage des ressources, exploitation du travail forcé, destruction des identités culturelles et destruction d’un processus sociohistorique de formation des Etats. Ce système criminel a laissé des séquelles indélébiles, qu’il s’agisse de la pauvreté, de l’instabilité politique ou des divisions ethniques que les nations africaines continuent de porter comme un fardeau et une cicatrice qui rappelle l’identité du maître de l’ouvrage. Reconnaître cette réalité ne signifie pas céder à la culpabilité éternelle, mais faire preuve de maturité morale et politique.
C’est aussi accepter que la réparation, symbolique et matérielle, est essentielle pour construire des relations équilibrées avec les autres. Or, la persistance d’un discours dédaigneux, mêlant déni et arrogance, ne fait qu’isoler la France sur la scène internationale, notamment en Afrique où les voix des victimes et de leurs descendants résonnent plus fort que jamais. Le devoir de mémoire exige que l’on écoute ces voix. Ignorer les leçons du passé et s’enfermer dans un prisme néocolonial, c’est s’assurer d’un futur marqué par l’incompréhension et le ressentiment. L’Histoire ne s’écrit pas en la réécrivant, mais en la regardant en face, avec humilité et respect. Cette Histoire finira par nous rattraper. Elle nous appelle pour l’apaiser. Ayez le courage de le faire. Dans le cas contraire, elle le fera d’elle-même, si elle n’a pas encore enclenché le processus de Canossa !