Le marché de l’automobile en Algérie est sur la voie de se stabiliser après l’annonce, par le gouvernement, de la reprise de la possibilité d’importation des voitures de moins de trois ans. Toutefois, certains observateurs craignent que cette mesure accélère la flambée – constatée déjà depuis quelques jours – des devises sur les marchés de change informels.
En effet, la hausse du l’euro et du dollar au square Port-Saïd affaiblira la monnaie nationale, aggravant ainsi la détresse financière des citoyens intéressés par l’achat d’une voiture. Ces derniers jours, on observe un bond de taux des changes du l’euro et dollar face au dinar (1 euro s’échangeant contre 219 DA, et 1 dollar 202 DA).
Aimen Cheriet, acteur et expert dans le domaine de l’automobile, craint que, étant confrontés à un accès très limité au marché des changes formel, la tendance des acheteurs à s’approvisionner auprès du marché informel des devises attirent les barons et cambistes du Square qui, dans une logique dominée uniquement par la loi de l’offre et de la demande, augmentent les taux de changes appliqués.
Le spectre d’un taux d’échange des devises plus élevé peut prendre des formes très variées, comme le recours des courtiers et intermédiaires à l’achat par anticipation de grandes quantités des euros et dollars, contribuant ainsi à épuiser l’offre et donc imposer leur diktat sur les prix qu’ils décident, a expliqué Cheriet dans des propos à des médias.
Et donc, avec cette éventuelle hausse des devises, les voitures resteront-elles toujours chères ?
Pour Cheriet, avec le début d’entrée des premières voitures importées on s’attend à une stabilisation des prix, qui ont connu des augmentations ahurissantes ces dernières années en raison du déficit et le vieillissement du parc roulant national.
Par ailleurs, malgré la reprise progressive constatée pour le taux du change du dinar contre les monnaies étrangères dans les transactions officielles, les habitués du marché de Square constatent, paradoxalement, un bond de l’euro et du dollar lors des négoces auprès des cambistes.
Officiellement, le dinar algérien s’est apprécié de 12,5 % face à l’euro et le dollar en 2022, par rapport à 2021, selon les statistiques de la Banque d’Algérie, réalisant ainsi un « saut historique », en passant de 149 DA pour un dollar à 140,40 (et à 140,41 pour un euro).
Deux facteurs expliquent la performance du dinar : un baril de pétrole en hausse, dont les exportations représentent l’essentiel des revenus du Trésor public, et une nouvelle politique du commerce extérieur basée sur la réduction de la facture des importations et leurs substitution par la production nationale.
Toutefois, la législation liée à la gestion monétaire et des changes en Algérie impose un contrôle accru sur les changes, dans l’objectif de la sauvegarde des réserves de change et d’assurer que la richesse reste dans le pays.
Pour détourner ses restrictions, beaucoup recourent au marché de changes informel pour effectuer leurs transactions et paiements en monnaies étrangères.
Le marché du Port Saïd à Alger est la plaque tournante de telles transactions, d’autant plus que les prix pratiqués ici servent comme indexe pour les cambistes activant ailleurs sur tout le territoire national.
Il est à noter que l’euro et le dollar ont marqué un léger bond face au dinar sur le circuit bancaire : 144.99 DA pour 1 euro et 136.39 pour 1 dollar, selon la plateforme numérique de la Banque d’Algérie.
Dans leurs explications des raisons de cette flambée, plusieurs observateurs soulignent une offre faible, tandis que la demande est en augmentation, même si, à Port Saïd, la tendance et le nombre de cambistes prêts à satisfaire tout demande ne donne pas l’impression « d’une pénurie » des devises.
D’aucuns expliquent que les euros et dollars font actuellement l’objet d’achats de précaution de la part de nombreux citoyens en perspective d’acquérir une voiture de moins de 3 ans de l’étranger, faisant planer le risque d’une raréfaction des devises et donc leur renchérissement.
Tandis que d’autres cherchent à profiter de cette situation en stockant des sommes importantes des deux monnaies étrangères, s’attendant à ce que leur taux de change remonte dans les mois à venir, et ainsi les remettent en vente pour profiter d’une marge de bénéfice très importante.
Mais en l’absence de tous chiffres sur cette tendance haussière, beaucoup spéculent sur les véritables raisons.
C’est ainsi que d’autres pointent la flambée des devises à l’approche du mois sacré du Ramadan, période où beaucoup d’Algériens préférant accomplir le rite de la Omra, ruant ainsi sur le marché informel des changes, compte tenu l’allocation touristique, jugée très modeste et ne répondant pas aux besoins de ce voyage aux Lieux saints.
Mais jusqu’à quand la mesure d’importation des voitures de moins de trois ans continuera-t-elle à affecter le marché des devises ?
Selon des estimations, cette tendance n’est pas près de s’essouffler avant six mois, jusqu’à ce que la nouvelle liste des concessionnaires automobiles soit agréée par la gouvernement, ce qui réduirait le recours des clients à l’importation individuelle de leur voiture avec leurs propres moyens.
Hamid Mecheri