Entre l’endettement croissant et l’opacité des marchés

Développement du transport ferroviaire au Maroc

0

Un prêt de 754,3 millions d’euros est accordé par l’Espagne au Maroc pour l’acquisition de 40 trains interurbains. Ce prêt suscite de nombreuses interrogations quant à sa pertinence et à ses implications économiques et stratégiques. Ce financement, qui s’inscrit dans un programme plus large de renouvellement et d’extension du matériel ferroviaire marocain, soulève plusieurs problèmes majeurs. Tout d’abord, ce choix interroge sur la dépendance croissante du Maroc vis-à-vis des financements étrangers pour des infrastructures stratégiques. Un prêt concessionnel, certes, mais qui reste un endettement significatif pour un pays dont la dette publique ne cesse
d’augmenter. Dans quelle mesure ces investissements sont-ils réellement prioritaires face à d’autres urgences sociales et économiques ? Ensuite, la question de la transparence et des critères d’attribution des marchés se pose avec acuité. Le fait que le groupe français Alstom a déjà obtenu une commande de 18 trains avant même la finalisation des adjudications laisse planer des
doutes sur l’équité du processus de sélection. De plus, la présence de l’entreprise espagnole CAF en finale face à Hyundai, dans un contexte où l’Espagne octroie un prêt substantiel, suggère une manœuvre diplomatique et commerciale plutôt qu’une compétition ouverte et impartiale. Par ailleurs, ce projet est fortement lié à l’organisation de la Coupe du monde de football 2030, un événement qui justifie de nombreux projets d’infrastructure.
Cependant, l’expérience d’autres pays hôtes montre que ces investissements sont souvent surdimensionnés par rapport aux besoins réels post-compétition.
Le risque est donc de se retrouver avec des infrastructures coûteuses, sous- utilisées et mal intégrées dans une vision économique à long terme. Enfin, la question de la souveraineté industrielle et technologique du Maroc est également en jeu. Le makhzen a choisi une autre voie que celle d’investir dans la capacité de production locale, en développant un partenariat industriel qui aurait pu bénéficier à l’économie nationale. Au lieu de cela, le makhzen continue de favoriser des contrats bénéficiant principalement à des entreprises
étrangères, sans transfert technologique significatif ni développement d’une véritable industrie ferroviaire locale. C’est ce qui garantit une manœuvre pour les corrompus du régime. Ainsi, ce prêt espagnol, présenté comme un levier de modernisation du transport ferroviaire, soulève en réalité de nombreuses questions stratégiques. Entre l’endettement croissant, l’opacité des marchés,
les enjeux de souveraineté industrielle et le spectre d’investissements excessifs pour des besoins ponctuels, il est légitime de s’interroger sur les véritables bénéfices pour le makhzen et ses sujets.
M. M.