Par Yacine Merzougui
Une étude de la Banque d’Algérie analyse les mécanismes de l’inflation dans le pays sur la période 2011-2021. Ses conclusions remettent en question certaines idées reçues : si la masse monétaire reste le principal facteur inflationniste avec 52% de contribution moyenne, l’inflation importée apparaît comme le second déterminant majeur (39%), tandis que les dépenses publiques n’y contribuent que marginalement (4%). Cette configuration révèle la fragilité d’une économie qui a été fortement dépendante des importations et peu diversifiée. Ce sont ces enseignements qui ont conduit le pays à réformer totalement l’économie par la multiplication des outils de production de marchandises dont la matière première est puisée localement, la diversification de l’orientation des PME-PMI et surtout cette ruée vers les grandes exploitations agricoles au Sud du pays. La reprise de cette étude est inscrite au titre des enseignements que nous devons tirer des erreurs du passé et la nécessité d’une refonte totale de la pensée en termes de gestion des investissements.
Les déterminants monétaires de l’inflation en Algérie
Les dynamiques de l’inflation en Algérie sont étroitement liées aux facteurs monétaires, comme le démontre l’étude de la Banque d’Algérie couvrant la période 2011-2021. La masse monétaire (M2) apparaît comme le principal déterminant, contribuant en moyenne à 52% de l’inflation sur cette période. Cette influence prépondérante de M2 s’explique par la politique monétaire expansionniste menée depuis plusieurs années. Entre 2012 et 2014, la contribution de la masse monétaire à l’inflation atteignait 85%, reflétant une création monétaire importante. Cette tendance s’est maintenue, avec un pic notable en 2020 où la contribution de M2 a atteint 93% en raison des mesures exceptionnelles liées à la pandémie. Le taux de change effectif nominal (TCEN) constitue le second facteur monétaire significatif. Sa contribution moyenne de 5% masque des variations importantes, allant de 5% à -191% selon les années. La dépréciation du dinar impacte directement les prix à travers le renchérissement des importations, l’Algérie étant fortement dépendante des produits étrangers. L’étude économétrique révèle qu’une augmentation de 1% de la masse monétaire entraîne une hausse de 0,20% de l’inflation, tandis qu’une dépréciation de 1% du TCEN induit une augmentation de 0,5% des prix. Ces élasticités démontrent une sensibilité plus forte de l’inflation aux variations du taux de change qu’à celles de la masse monétaire.
Les mécanismes de transmission entre variables monétaires et inflation s’opèrent principalement via deux canaux. Le premier est le canal traditionnel de la demande : l’expansion monétaire stimule la consommation et l’investissement, créant des tensions inflationnistes. Le second est le canal du taux de change : la dépréciation du dinar renchérit les importations et se répercute sur les prix domestiques. Cette prépondérance des facteurs monétaires dans la dynamique inflationniste algérienne souligne l’importance d’une politique monétaire prudente. La Banque d’Algérie doit trouver un équilibre délicat entre soutien à l’activité économique et maîtrise de l’inflation, tout en gérant les contraintes externes liées à la dépendance aux hydrocarbures.
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Le rôle déterminant de l’inflation importée
L’étude de la Banque d’Algérie met en lumière l’importance cruciale de l’inflation importée dans la dynamique des prix en Algérie. L’indice des valeurs unitaires à l’importation (IVU) représente le second facteur le plus influent, avec une contribution moyenne de 39% à l’inflation sur la période 2011-2021.
Cette vulnérabilité aux prix internationaux s’explique par la structure de l’économie algérienne, caractérisée par une forte dépendance aux importations. Le poids des produits importés dans le panier de consommation atteint 23%, exposant directement le pays aux fluctuations des prix mondiaux. L’analyse économétrique montre qu’une augmentation de 1% de l’IVU entraîne une hausse de 0,28% de l’inflation domestique. La contribution de l’inflation importée s’est particulièrement accrue depuis 2015, culminant en 2021 où elle a atteint 59% de l’inflation totale. Cette évolution reflète l’impact des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et la hausse généralisée des prix des matières premières suite à la crise sanitaire. Le mécanisme de transmission de l’inflation importée opère à travers plusieurs canaux. Le premier est l’effet direct sur les prix à la consommation des biens importés. Le second est l’impact sur les coûts de production via le renchérissement des intrants importés. Enfin, les anticipations inflationnistes des agents économiques amplifient ces effets initiaux.
La faiblesse structurelle de la production nationale aggrave cette dépendance aux importations. L’absence de substituts locaux pour de nombreux produits rend la demande peu élastique aux variations de prix des importations. Cette situation expose l’économie algérienne à des niveaux d’inflation persistants et élevés. Pour réduire cette vulnérabilité, l’étude préconise une accélération de la diversification économique et une amélioration de l’environnement des affaires pour stimuler la production locale. L’attraction d’investissements directs étrangers et le renforcement de l’intégration dans l’économie mondiale sont également recommandés.
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Le rôle limité des dépenses publiques dans l’inflation
L’analyse économétrique de la Banque d’Algérie révèle une contribution relativement modeste des dépenses publiques à l’inflation, avec une moyenne de seulement 4% sur la période 2011-2021. Ce constat nuance l’idée répandue d’un impact inflationniste majeur de la politique budgétaire expansionniste.
Les résultats montrent que le coefficient associé aux dépenses budgétaires n’est pas statistiquement significatif dans l’équation de long terme. Cette absence de relation robuste suggère que les mécanismes de transmission entre dépenses publiques et inflation sont plus complexes qu’une simple relation mécanique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. D’abord, une part importante des dépenses publiques se transforme en masse monétaire, dont l’effet est déjà capté par la variable M2. Ensuite, l’efficacité de la dépense publique dans la stimulation de la demande peut être limitée par des fuites vers l’épargne ou les importations.
La contribution des dépenses publiques à l’inflation varie néanmoins selon les années, allant de -10% en 2013 à +20% en 2020. Cette volatilité reflète les changements dans la composition et l’efficacité de la dépense publique, ainsi que les conditions économiques générales. L’étude souligne également que la relation entre dépenses publiques et inflation dépend de la capacité de l’économie à répondre à la demande supplémentaire. Dans un contexte de rigidités de l’offre, caractéristique de l’économie algérienne, l’expansion budgétaire peut alimenter l’inflation importée plutôt que stimuler la production nationale.
Ces résultats suggèrent que la maîtrise de l’inflation en Algérie passe davantage par une gestion prudente de la masse monétaire et une réduction de la dépendance aux importations que par une restriction drastique des dépenses publiques.