Des projets bloqués par la défaillance des entreprises

Le raccordement au gaz naturel en péril

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Sonelgaz SARL El Waha Services remporte un contrat de location
Sonelgaz SARL El Waha Services remporte un contrat de location

La situation du raccordement au réseau de gaz naturel devient préoccupante sur l’ensemble du territoire national. Une enquête approfondie révèle l’ampleur d’une crise qui touche particulièrement les zones rurales et périurbaines, où de nombreux chantiers sont à l’arrêt faute d’entreprises qualifiées.
Dans la wilaya de Tiaret, le constat est alarmant. Pas moins de cinq chantiers majeurs de raccordement sont paralysés depuis plusieurs mois. L’entreprise ETP Raouti Sofiane, attributaire d’un important marché dans la localité d’Ain Radjeh, fait l’objet d’une ultime mise en demeure après six rappels infructueux. Le chantier, qui devait s’achever en septembre 2024, n’affiche qu’un taux d’avancement de 15%.
À Sidi Bakhti, la situation est encore plus critique. L’entreprise Bouhejdja Touhami a tout simplement abandonné le chantier après avoir achevé à peine 30% des travaux. Une défaillance qui pénalise directement 184 foyers en attente de raccordement. Selon les services techniques de Sonelgaz, « l’entreprise n’a pas su mobiliser les moyens humains et matériels nécessaires malgré ses engagements
initiaux ».
La région de Tlemcen n’est pas épargnée. Trois entreprises font l’objet de procédures de résiliation pour des retards « injustifiés et répétés ». Le cas le plus emblématique concerne la SARL NCC Environnement, chargée du déplacement des déchets d’amiante de la centrale thermique de Jijel. Malgré plusieurs mises en demeure, l’entreprise n’a pas fourni la garantie bancaire requise.
Les causes de ces défaillances sont multiples, selon Karim Benhamou, expert en marchés publics : « Beaucoup d’entreprises ont soumissionné sans avoir les capacités techniques et financières requises. La hausse des coûts des matériaux et les difficultés d’approvisionnement ont aggravé leur situation ». Il pointe également du doigt « une sous-estimation chronique des difficultés techniques, notamment dans les zones montagneuses ».

À Constantine, la direction régionale a dû prendre des mesures drastiques.
L’entreprise Mezougui Saïda, qui avait obtenu deux marchés importants de raccordement, s’est vue notifier une résiliation pour « abandon de chantier et non- respect des délais contractuels ». Une décision qui va entraîner un nouveau retard d’au moins six mois pour les habitants concernés.
Les conséquences sociales sont importantes. Dans la commune d’El Menasria (Bouachra), plus de 300 familles attendent désespérément leur raccordement au réseau de gaz. « Nous continuons à utiliser les bouteilles de gaz butane, avec toutes les difficultés que cela implique, surtout en hiver », témoigne Ahmed Boudiaf, président d’une association locale.
Face à cette situation, Sonelgaz tente de réagir. Un nouveau système de qualification des entreprises a été mis en place, avec des critères plus stricts notamment sur les capacités financières et l’expérience technique. Les garanties bancaires exigées ont été revues à la hausse, passant de 5% à 10% du montant du marché.
Le suivi des chantiers a également été renforcé. Des équipes techniques spécialisées effectuent désormais des visites hebdomadaires systématiques. « Nous ne pouvons plus nous permettre de découvrir les problèmes quand il est trop tard », explique un responsable de la direction des travaux.
Les sanctions se sont durcies. Outre les pénalités financières, qui peuvent atteindre 20% du montant du marché, les entreprises défaillantes sont désormais systématiquement exclues des appels d’offres pour une durée minimale de trois ans. Une mesure qui, selon la direction des marchés, « vise à professionnaliser le secteur ».
Pour autant, ces mesures ne règlent pas le problème de fond : le manque d’entreprises qualifiées. Sur les 150 sociétés agréées par Sonelgaz pour les travaux de raccordement, à peine une trentaine dispose réellement des capacités techniques et financières requises.
M.K