Face au silence, la parole devient une urgence. Le président du groupe Mucoviscidose Algérie, M. Boubchiche Houssem, tire la sonnette d’alarme sur la situation critique des enfants atteints de mucoviscidose en Algérie. Lors d’un témoignage poignant accordé au forum d’El Moudjahid, il a décrit une réalité brutale : un système de santé à la traîne, des médicaments vitaux indisponibles, et des familles livrées à elles-mêmes. « Chaque jour, on apprend la mort d’un enfant malade. Chaque jour, on se dit que c’est trop tard… Mais on garde espoir », affirme M. Boubchiche, avec une voix chargée d’émotion.
L’Association algérienne des malades atteints de mucoviscidose est le fruit de l’engagement de parents de malades et de patients eux-mêmes. Elle vise à accompagner les enfants, alerter les pouvoirs publics et améliorer les conditions de vie des familles confrontées à cette maladie génétique rare et invalidante. Mais aujourd’hui, l’espoir s’amenuise face aux obstacles administratifs et à l’indifférence institutionnelle. En Algérie, la mucoviscidose reste une pathologie méconnue, mal prise en charge et souvent détectée tardivement, en raison de l’absence de tests génétiques, pourtant essentiels au diagnostic. Les patients souffrent d’un manque cruel de médicaments de base : antibiotiques spécifiques, enzymes digestives, compléments nutritionnels, et surtout, traitements modificateurs (les thérapies innovantes qui transforment le pronostic de la maladie à l’international). À titre d’exemple, l’antibiotique Tobramycine, indispensable pour limiter les infections pulmonaires, est absent des hôpitaux. De même, les patients sont souvent contraints de consommer le
double de comprimés d’enzymes digestives faute de dosage adapté disponible sur le marché local. Le président de l’association dénonce également un système d’assurance sociale inéquitable : la prise en charge à 100 % n’intervient qu’en phase terminale, au moment de l’insuffisance respiratoire chronique. Une aberration, puisque la maladie débute dès la naissance. En attendant, la majorité des familles paient de leur poche des traitements coûteux, au prix d’efforts financiers colossaux. L’autre urgence : les traitements modificateurs qui changent la vie des patients dans de nombreux pays –notamment Trikafta, Orkambi ou Kalydeco – ne sont toujours pas disponibles
en Algérie. Bien qu’ils aient été récemment ajoutés à la liste des médicaments des maladies rares, leur enregistrement administratif reste bloqué. Le principal obstacle? Les lenteurs bureaucratiques et les barrières liées aux brevets internationaux.« On demande simplement le droit de vivre. Le droit à un traitement. Le droit à l’espoir », martèle M. Boubchiche. L’association appelle les ministères de la Santé, de l’Industrie pharmaceutique et du Commerce à agir de concert. L’objectif, faciliter l’importation des traitements modificateurs, lever les freins réglementaires, et garantir une distribution équitable et rapide aux patients. Au-delà des statistiques, il y a des visages, des prénoms, des familles. Des enfants comme Tasnime, récemment décédée, faute de traitement. Leur combat n’est pas une plainte, mais une exigence légitime de dignité, de santé et de survie.
Sonia.H