Commission mixte algéro-française sur l’Histoire et la Mémoire

Plaidoyer  pour des actions concrètes

0

La 5e rencontre de la Commission mixte algéro-française sur l’Histoire et la Mémoire a appelé à des actions concrètes pour intégrer toutes les dimensions de l’histoire de la période coloniale, selon un communiqué publié lundi. Cette même source précise que «les travaux de la 5e rencontre de la Commission mixte algéro-française ‘‘Histoire et Mémoire’’ se sont tenus au siège des Archives nationales à Birkhadem, Alger, les 22 et 23 mai 2024, coïncidant avec le Mois de la Mémoire en Algérie». La partie française de la Commission a exprimé sa gratitude envers ses homologues algériens et les institutions visitées pour leur accueil et la présentation de leurs riches fonds, lors des visites effectuées du 20 au 24 mai. La Commission mixte a souligné l’importance que le traitement du dossier mémoriel réponde aux aspirations des peuples algérien et français. La Commission a insisté sur la poursuite des négociations dans le cadre du groupe de discussion mixte algéro-français sur la question des archives. La partie algérienne a présenté une liste ouverte de biens historiques et symboliques du XIXe siècle conservés en France, proposés à la restitution sous forme de gestes symboliques. La partie algérienne a également invité la partie française à exprimer ses préoccupations concernant la restitution de biens culturels et archivistiques. En réponse, la partie française a accepté de transmettre la liste algérienne au président Emmanuel Macron pour accélérer la restitution des biens. La Commission mixte a convenu de poursuivre la chronologie des domaines militaire, politique, économique, social, culturel et humain du XIXe siècle. Elle a salué la coopération en matière de restauration et de numérisation, d’échanges d’expériences, de bibliographie, d’échanges scientifiques et culturels, et de valorisation de lieux de mémoire. La partie française a proposé un préprogramme de rencontre scientifique consacrée aux archives pour l’année universitaire 2024-2025. La Commission a souligné que ces collaborations seront très bénéfiques, notamment pour la jeunesse des deux pays. La Commission mixte s’est félicitée des perspectives de partenariat esquissées avec le Service interministériel des archives de France (SIAF) et la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ces partenariats incluent la coopération scientifique et technique, l’échange de professionnels, la formation, la numérisation, et le partage des savoirs. La Commission mixte a exprimé le souhait de concrétiser la Déclaration d’Alger d’août 2022 et les missions qui lui sont imparties. «La mise en œuvre d’actions tangibles concrétisera la volonté active et forte de prendre en compte toutes les dimensions de l’histoire de la période coloniale pour mieux aller de l’avant», indique le communiqué. La prochaine rencontre de la Commission est prévue en France début juillet 2024. Pour rappel, lors de la 4e rencontre de la Commission conjointe, qui s’est tenue le 25 février dernier, l’Algérie a pu inventorier le patrimoine matériel pillé par le colonisateur français entre 1830 et 1962. Dans son communiqué de février dernier, la commission avait d’abord proposé des solutions pour la question des archives. Elle avait conclu à la «restitution de 5 mètres linéaires d’archives de l’époque ottomane, ainsi que la remise de 2 millions de documents numérisés des archives nationales d’outre-mer». La Commission avait également travaillé à définir la période, la nature et la typologie de ces archives et documents numérisés. Elle avait également convenu de la nécessité de prioriser la numérisation des fonds d’archives, en commençant par les archives militaires et diplomatiques du XIXe siècle. Le communiqué soulignait que certaines archives «progressivement découvertes et numérisées pourraient faire l’objet de publications scientifiques». Par ailleurs, la Commission avait abordé la restitution des biens de l’Emir Abdelkader, d’Ahmed Bey et d’autres personnalités algériennes, tels que l’épée, le burnous, le Coran et les canons de l’Emir Abdelkader, ainsi que des biens associés à Ahmed Bey et Laghouat. «La Commission se félicite de la proposition faite par des musées français, comme le Quai Branly ou le Louvre, de réaliser un inventaire des objets provenant d’Algérie», lit-on dans le communiqué. En ce qui concerne la chronologie, la Commission avait «préconisé de poursuivre l’élaboration d’une chronologie sur les différents aspects militaires, politiques, économiques, sociaux et culturels tout au long de la période coloniale (1830-1962), en commençant par le XIXe siècle».

Neuf recommandations soumises aux présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron

Pour rappel, à l’issue d’une réunion en session plénière le 24 janvier dernier aux Archives nationales de Paris et des visites dans douze sites en région parisienne et en Provence, la Commission a publié un communiqué le 3 février, énumérant neuf «préconisations soumises aux présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron». Ces recommandations visent à «purger le contentieux mémoriel» et se concentrent principalement sur la restitution des archives de l’époque ottomane et sur «une liste ouverte de biens symboliques, comme ceux ayant appartenu à l’Emir Abdelkader, à Ahmed Bey et à d’autres personnalités algériennes». En plus de la restitution des archives et des biens symboliques, la Commission mixte propose de «réaliser des expositions sur l’histoire de l’Algérie au XIXe siècle à partir des fonds d’archives présents dans les musées de France et d’Algérie». Elle recommande notamment que l’exposition sur l’Emir Abdelkader, présentée au MUCEM en 2022, soit également montrée dans un musée en Algérie. Les livres publiés en arabe, en français et dans d’autres langues sur l’histoire coloniale de la France en Algérie seront recensés «pour permettre l’identification d’ouvrages à numériser ou à traduire». Les quatrième, cinquième et sixième propositions concernent respectivement une bibliographie, un portail numérique, selon les dispositions retenues à Constantine, et l’échange de doctorants et chercheurs algériens en France et chercheurs français en Algérie, dès la rentrée universitaire 2024-2025, pour participer à l’inventaire et l’étude des archives de la période coloniale. Concernant le point délicat des cimetières des détenus algériens du XIXe siècle en France, la Commission, coprésidée par Mohamed Lahcène Zeghidi et Benjamin Stora s’est entendue pour «poursuivre l’identification et le recensement des cimetières, des tombes et des noms des détenus algériens décédés et enterrés en France au XIXe siècle et valoriser ces lieux de mémoire par l’apposition de plaques commémoratives en une douzaine de lieux». En deux années de travail, loin des médias, la Commission «Histoire et Mémoire» semble être parvenue à réduire la méfiance grâce à ces premières recommandations et conclusions. Il s’agit désormais d’accélérer et de progresser davantage sur la voie de la résolution de ce dossier, qui continue de peser lourdement sur les relations entre Alger et Paris. La création de cette instance de dix membres, chargée d’étudier les archives algériennes et françaises portant sur la période coloniale, avait été annoncée en août 2022 à Alger par les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune. Les propositions de la Commission seront soumises aux deux chefs d’Etat. Le président Tebboune avait indiqué que cette Commission traiterait la question de la mémoire «sous l’angle historique et non politique». Concernant la durée de son mandat, le chef de l’Etat a précisé avoir convenu avec son homologue français d’un délai «d’une année ou moins, si le travail est finalisé avant».

Sonia H.