Engagée à Malte dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, Roberta Metsola, l’actuelle présidente du Parlement européen, s’est montrée particulièrement intransigeante envers l’ancien ministre Konrad Mizzi. En 2016, alors ministre de l’Energie et de l’Eau, Mizzi a vu son nom apparaître dans les Panama Papers, la grande enquête Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). A Malte, l’affaire avait pris un tournant dramatique lorsque la journaliste d’investigation Daphne Caruana Galizi meurt dans l’explosion de sa voiture le 16 octobre 2017. Membre du Parti nationaliste, Roberta Metsola – née Tedesco Triccas – fait partie de la commission d’enquête du Parlement européen chargé de faire la lumière sur les faits dont est accusé Konrad Mizzi. En juin 2016, dans une déclaration publiée sur le site de la coalition parlementaire Groupe du Parti populaire européen, elle a précisé : «L’enquête du Parlement européen signifiera que Malte sera probablement obligée de passer par le processus consistant à faire traîner Konrad Mizzi devant des eurodéputés, qui remettront sans aucun doute en question les diverses excuses qu’il a avancées pour tenter d’expliquer la mise en place de ses opérations financières secrètes alors qu’il était ministre. L’enquête sera approfondie. Elle coïncidera avec la présidence maltaise du Conseil de l’Union européenne, plaçant sous un sombre nuage l’occasion en or pour notre pays d’être aux commandes de l’agenda de l’Union européenne (UE). Personne n’y prendra plaisir. Cela met tout le pays sous un mauvais jour. Konrad Mizzi aurait pu l’éviter en démissionnant. Joseph Muscat (alors Premier ministre) aurait pu l’éviter en le limogeant lorsqu’il a refusé. Ils ont choisi cette route au détriment de la réputation de Malte». Mais voilà, quelques mois après, c’était au tour d’une personne très proche de l’actuelle présidente du Parlement européen qui apparaît dans les radars du Consortium international des journalistes d’investigation. En effet, son époux Ukko Metsola est cité dans les Paradise Papers, révélés en novembre 2017 dans le cadre d’une enquête qui porte sur un ensemble de données totalisant 13,5 millions de documents. D’origine finlandaise, Ukko Metsola est actionnaire et occupe des postes de responsabilité dans l’European Public Affairs Advisors limited, dont le siège est à Malte, une société soupçonnée d’être impliquée dans des faits « d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent ».

Tout en étant actionnaire, Ukko occupe les postes suivants : directeur, représentant légal et représentant judicaire. Ce n’est pas tout, le père de la présidente du Parlement européen, Geoffrey Tedesco Triccas, est inscrit comme secrétaire de cette société. Une autre personne, Eeva Kristiina Ignatius Metsola, apparentée à Ukko, est également actionnaire de l’European Public Affairs Advisors limited. Une autre personne apparait dans les documents de cette société, il s’agit d’un certain Stuart Gordon Craig, qui occupe le poste d’auditeur. Une simple recherche sur la plateforme Paradise Papers démontre que Stuart Gordon Craig est lié à un grand nombre de sociétés qui activent dans divers domaines. Les données mises en ligne par ICIJ ne précisent pas si la société créée en 2007 par Ukko Metsola est encore en activité. Engagé pendant plusieurs années en politique, Ukko a finalement choisi de se lancer dans le lobbying à Bruxelles après la première élection de son épouse au Parlement européen en 2013. Depuis 2021, il est vice-président de Royal Caribbean, un des plus grands croisiéristes au monde. Le plus étrange, c’est que cette affaire n’a jamais été évoquée dans le parcours de Roberta Metsola, pas même depuis son accession à la présidence du Parlement européen.
T. Hafid