A la fin du mois de juin 2024, la Banque d’Algérie a publié des indicateurs économiques clés qui offrent un aperçu de la santé économique du pays. Ces données concernent la masse monétaire, la balance des paiements et des éléments du secteur réel. Cet article examine en profondeur ces indicateurs et leur impact potentiel sur l’économie nationale.
Indicateurs monétaires
Croissance de la masse monétaire (M2)
La croissance de la masse monétaire M2 s’élève à 8,21% à fin juin 2024. Il est rare de constater une augmentation de la masse monétaire M2 avec autant de pourcentage. Généralement, ce phénomène apparaît dans les économies les plus fragiles pour justifier la baisse des taux de change des monnaies locales. Or, pour le cas de l’économie nationale, cette augmentation est le fruit d’une demande cruciale en liquidité pour les besoins de l’investissement et de la production, d’où cette croissance lente certes, pour l’instant, mais candidate à une évolution plus importante dans moins d’un an.Cette augmentation indique une expansion monétaire qui peut stimuler la consommation et l’investissement. Une masse monétaire en croissance peut également refléter une politique monétaire accommodante, mais elle nécessite une gestion prudente pour éviter des pressions inflationnistes.
Croissance de la circulation fiduciaire
La circulation fiduciaire a connu une hausse de 7,25%. Cette croissance est significative, car elle montre une augmentation de la liquidité disponible pour les transactions quotidiennes entre les opérateurs, les banques et les consommateurs. Une circulation fiduciaire en hausse peut être le signe d’une confiance accrue des consommateurs dans l’économie et un encouragement exemplaire pour la production et l’investissement.Cette circulation fiduciaire était de l’ordre de 5508,9 milliards DA en 2019, 6195,7milliards DA en 2020 et 8105,8milliards DA en décembre 2023. Ces chiffres, en constante évolution, attestent de la consolidation croissante de l’économie nationale. La «réinsertion» d’une partie de l’économie informelle a beaucoup contribué à la hausse de cet indice de la circulation fiduciaire.
Croissance du crédit à l’économie
La croissance du crédit à l’économie est de 3,23%. Ces crédits sont connus dans l’économie algérienne, ils sont consacrés surtout à l’investissement dont les conséquences sont bénéfiques pour la croissance durable. En Algérie, le crédit à la consommation est rare. En revanche, l’accès au crédit pour l’acquisition du logement a créé un nouvel écosystème qui a favorisé la croissance de plusieurs secteurs d’activité convexes à la construction de l’habitat.Bien que cette croissance soit positive, elle reste relativement modeste par rapport à celle de la masse monétaire et de la circulation fiduciaire. Cela pourrait indiquer des contraintes dans l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers, ou une prudence accrue des banques dans l’octroi de prêts.
Taux directeur
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdelmadjid Tebboune, le taux directeur de la Banque d’Algérie a été maintenu à 3%, alors qu’il se situait pendant dix ans à hauteur de 3,5%. Il est demeuré inchangé en dépit des fluctuations du marchés, notamment pendant la Covid-19.Ce taux, qui influence le coût de l’emprunt, reste attractif pour les investisseurs et les emprunteurs. Un taux directeur stable peut favoriser un environnement économique prévisible, encourageant ainsi les investissements.
Indicateurs de la balance des paiements
Solde du compte capital
Le solde du compte capital pour le premier trimestre 2024 est de 52 millions de dollars. Ce chiffre indique des entrées nettes de capitaux, ce qui peut être un signe de confiance des investisseurs dans l’économie algérienne.
Solde global
Le solde global a atteint 329 millions de dollars. Ce résultat positif reflète un équilibre des paiements favorable, ce qui est essentiel pour la stabilité économique à long terme.
Solde extérieur courant
Le solde extérieur courant s’établit à 278 millions de dollars. Ce solde indique que les exportations et les revenus de la nation sont supérieurs à ses importations, contribuant à renforcer la position financière de l’Algérie sur le plan international.
Indicateurs du secteur réel
Croissance du PIB
La croissance du PIB pour le premier trimestre 2024 est estimée à 3,8% (base 2001). Cette croissance est un signe positif, suggérant une reprise économique après les défis rencontrés dans les années précédentes. Des secteurs comme l’industrie, l’agriculture et les services jouent un rôle crucial dans cette expansion.La part de l’agriculture est passée de 2589,8 milliards DA en 2019 à 2759,2 milliards DA en 2021, puis à 3323,1 milliards DA en 2022 et 4204,4 milliards DA (31,44 milliards de dollars) en 2023.Les industries extractives, quant à elles, sont passées carrément de 1542,6 milliards DA à quelque chose comme 5237,2 milliards DA en 2023. Aucun commentaire sur cette évolution qui parle d’elle-même.En trois ans, le secteur de la construction a pratiquement gagné 1000 milliards DA
(3058,7 milliards DA en 2020 à 4206,9 milliards DA en 2023).Idem pour la consommation des ménages qui grimpe de 2427,6 milliards DA en 2020 à 3541,3milliards DA en 2023.
Taux d’inflation
Le taux d’inflation en glissement annuel pour juin 2024 est de 4,4%. Bien que ce chiffre soit relativement maîtrisé, il reste un sujet de préoccupation pour les consommateurs, car une inflation élevée peut éroder le pouvoir d’achat. Les autorités monétaires devront surveiller de près cette tendance pour éviter qu’elle n’affecte la confiance des consommateurs et des investisseurs.
Les espoirs désormais permis
Les indicateurs économiques de la Banque d’Algérie à fin juin 2024 montrent une économie en croissance avec des signes de résilience. La hausse de la masse monétaire et de la circulation fiduciaire, combinée à un solde de la balance des paiements positif, sont des indicateurs encourageants. Cependant, la croissance modeste du crédit à l’économie et le taux d’inflation demeurent des défis à relever. Les politiques monétaires et fiscales devront être soigneusement calibrées pour maintenir cette dynamique tout en protégeant le pouvoir d’achat des citoyens. L’année 2024 est prometteuse à travers tous les indicateurs, mais une vigilance continue sera nécessaire pour naviguer dans le paysage économique global.
Yacine Merzougui