Abdelkader Djeflat, professeur d’économie 

« Toutes les nations avancées économiquement s’appuient sur le travail de conseillers »

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Abdelkader Djeflat, professeur émérite d’économie, a marqué de son empreinte l’univers académique et économique grâce à ses contributions significatives dans le domaine de l’innovation et du développement technologique. Titulaire d’un doctorat en économie obtenu en Grande-Bretagne en 1982, il enseigne à l’université de Lille et est membre fondateur de plusieurs réseaux de laboratoires tels que Clersé, Maghtec, EFC, et Globelics, dédiés à l’économie de la croissance, l’innovation et l’intelligence économique. Dans une interview accordée à la chaîne Essalam TV, M. Djeflat a évoqué les défis auxquels l’Algérie a été confrontée en engageant son processus de développement économique. «Parmi les questions que je me posais auparavant, c’est comment pouvons-nous développer ce pays sans science ni technologie. Je visitais les usines algériennes autrefois, et la plupart d’entre elles étaient défectueuses ou sous-exploitées, ou utilisées de manière partielle, à environ 15% à l’époque. Un taux de 15% représente une catastrophe pour le Trésor public. De plus, les cadres algériens n’étaient pas préparés à gérer ces usines, souffrant de marginalisation en matière d’industrialisation, de contrôle de la production et du travail, etc., ce qui les rendait incapables de résoudre les problèmes auxquels les usines étaient confrontées à l’époque en raison du manque de formation et de compétence». M. Djeflat a également abordé la période de transition de l’économie planifiée dans les années 1970, suivie par la rupture sous Chadli Bendjedid et le gouvernement de Abdelhamid Brahimi, qui a tenté de reconstruire l’économie algérienne. «Si nous donnons aux chercheurs un rôle important dans ces transformations, cela signifie que ces derniers ont une grande valeur en Algérie. Or, mon sentiment est contraire. Aucun chercheur n’a une position forte au sein de l’Etat en raison de l’absence de lien entre le décideur et le travail académique et du manque d’importance accordée aux conseillers. Toutes les nations avancées travaillent avec des conseillers et leur accordent une grande importance dans la prise de décision, car le conseiller est celui qui fait le lien entre l’aspect scientifique, les phases d’analyse et le travail de terrain». Pour remédier à ces lacunes, M. Djeflat a cofondé le réseau Maghtech (Maghreb Technologie) en 1994, avec l’appui de membres fondateurs tels que Mohamed Abbou (Algérie), Riadh Zghal (Tunisie), Mehdi Lahlou (Maroc) et Ahmed Ould Ragel (Mauritanie). Ce réseau, premier du genre au Maghreb, vise à intégrer les sciences et les technologies dans le développement économique régional. Maghtech réunit actuellement plus de 450 chercheurs maghrébins et internationaux et collabore avec des équipes de recherche en Algérie, en Tunisie, au Maroc et en Mauritanie. Son secrétariat permanent est basé à l’université de Lille 1. Les motivations derrière la création de Maghtech sont multiples. M. Djeflat explique que les économies du Maghreb font face à des défis énormes et complexes, souvent dus à une intégration insuffisante de la science et de la technologie dans leurs politiques de développement. «Les problèmes économiques et sociaux qu’affronte le monde, dont les pays maghrébins, trouvent leurs solutions dans la maîtrise de la science et la technologie : la richesse relative des pays et la création de valeur ajoutée ne sont plus mesurées par les dotations en ressources naturelles, mais par la maîtrise des savoirs scientifiques et technologiques», ajoute le professeur d’économie. Maghtech cherche à combler ces lacunes en encourageant une réflexion endogène et collective sur le développement économique, impliquant chercheurs, praticiens et décideurs publics. Le réseau organise des conférences internationales, publie des ouvrages et un journal, et s’efforce de promouvoir des approches pluridisciplinaires et comparatives pour mieux comprendre et résoudre les problèmes de développement. M. Djeflat conclut en soulignant l’importance de ce réseau pour l’avenir économique du Maghreb : «Le système de production mondial connaît un bouleversement résultant des mutations technologiques. C’est pourquoi la nécessité de maîtriser les technologies est dorénavant indispensable dans le processus de développement». Grâce à des initiatives comme Maghtech, M. Djeflat espère voir les pays maghrébins réussir à intégrer pleinement la science et la technologie dans leurs stratégies de développement et ainsi relever les défis économiques et sociaux de demain.
Sonia H.